Publié le 25 Oct 2012 - 16:55
MAGUM KEUR

L’État, la loi et le désordre

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Une véritable levée de boucliers a ponctué la vigoureuse action de présumés ''Cantacounes'' qui ont causé des dommages considérables aux biens de l’État, de citoyens et d’étrangers. La presse a répercuté l’angoisse ambiante avec l’interrogation persistante : ''Où est l’État ?''

 

Un euphémisme pour désigner en cette circonstance dramatique les forces de sécurité. Parmi ces angoissés de la République, il s’en trouve quelques-uns qui demandaient il n’y a guère des comptes à des membres de ces mêmes forces de sécurités pour des pertes en vies humaines pendant des opérations de maintien de l’ordre dans certaines localités du pays où des manifestants s’étaient même attaqués à leur casernement.

 

Le cycle de violence de la période préélectorale a été déterminant dans les événements de cette semaine. L’utilisation de milices par l’ancien régime comme par les régimes qui l’ont précédé, relevait de la logique de limitation de l’implication des forces de l’ordre, républicaines par essence, aux querelles entre factions partisanes donc par essence politique. Toute la classe politique s’est accordé au fait que les forces armées sénégalaises sont restées républicaines tout au long des épreuves qui ont secoué le pays. Il reste à donner à cette épithète ''républicain'' son sens précis tiré du vécu historique de l’institution militaire dans ses différends démembrements : l’Armée nationale, la gendarmerie et les forces d’intervention de la police.

 

La signification qui a retenu l’adhésion du plus grand nombre est que nos forces armées n’ont jamais renversé un pouvoir civil élu démocratiquement. Cette compréhension est très restrictive puisque la démocratie a été rétablie dans certains pays comme le Portugal, le Ghana et le Mali par les forces armées. La véritable prouesse des forces armées sénégalaises est que le corps de ses officiers bien formés, par ailleurs, n’a jamais cédé à la tentation de soumettre l’institution militaire aux caprices du tribalisme, du régionalisme et de quelconque ambition politique. Pour cela, elles ont su maintenir la cohésion des unités aux moments de crises ou aux rares occasions où celle-ci a été brisée, garder leur sang froid et éviter de s’affronter.

 

Leur mission étant la défense du territoire et de la souveraineté nationale, les forces armées du moins sur le territoire national ont évité de se battre pour les partis politiques, lesquels ont de façon ponctuelle levé des comités d’action, des groupes de choc et des milices pour en découdre. A sa phase de maturité, après l’alternance, la classe politique et la société dite civile n’ont pas encore fait une option définitive entre la violence et l’urne comme mode de prise de pouvoir. L’exaltation du 23 juin, et plus encore des actions violentes qui l’ont suivi a égaré maints candidats à la présidentielle sur le chemin de traverse de l’activisme politique qui les met face aux forces de l’ordre.

 

L’élection de Macky Sall, apparatchik libéral déchu mais au discours pondéré et responsable, était un signal fort de la majorité silencieuse qui ne voulait pas cautionner l’ambiguïté de choisir un chef de guerre, issu des batailles rituelles entre ceux qui voulaient marcher sur la présidence et les forces de l’ordre commises à sa protection comme à celle de tous les bâtiments administratifs du pays implantés sur le périmètre de la Place de l’Indépendance. Ce fait majeur de la campagne, exemple négatif disséminé dans différentes localités du pays, a engendré les drames de Podor et de Sangalkam, entre autres points chauds, et l’emprisonnement provisoire de six gendarmes de divers grades et du rang.

 

Outre l’humiliation qui en découle pour ce corps d’élite qui ''défile à la droite des armées'', et sous réserve que décidément les juges ou les avocats et les journalistes prendraient des libertés avec la langue de Molière, l’accusation qui pèse sur eux est infamante. Ils sont présumés meurtriers, le meurtre étant, selon le dictionnaire Larousse : ''Action de tuer volontairement un être humain.'' L’une et l’autre des victimes étaient décrites par leur proche comme étant éloignés des lieux de confrontation. L’argument d’une justice politique, utilisé contre le Conseil constitutionnel, se précise au vu du traitement de nombreux dossiers pendants devant la justice, et il est urgent de le démentir par des actes.

Cette présomption de politisation excessive des institutions républicaines sénégalaises est source d’instabilité sociale et bientôt, si l’on n’y prend garde, politique. La jacquerie du 22 octobre même si elle n’est pas assumée par la hiérarchie des ''Cantacounes'' leur est attribuée par le camp présidentiel, la jeunesse de l’Alliance pour la République (APR) notamment. Celle-ci bande les muscles alors que les ennemis traditionnels des hordes du Cheikh en appellent bizarrement à la force publique seule manifestation requise de l’État.

Las, cette institution devenue fragile et facilement justiciable selon leurs vœux, connaît désormais les limites de l’action de ses hommes et ne peut qu’en tenir compte dans une mission devenue ambiguë. La rupture de Macky Sall avec son passé d’opposant a été matérialisée par quelques nominations et civilités à l’endroit d’individualité et de groupes du Parti démocratique sénégalais (PDS) mais son gouvernement semble plus teigneux.

 

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