Publié le 28 Apr 2019 - 04:00
PAIEMENT DE LA DETTE DE LA CMU A DIOURBEL

Une goutte d’eau dans la mare

 

La Revue annuelle conjointe de la région médicale de Diourbel a été mise à profit, par les acteurs, pour déplorer le montant très faible que l’Agence pour la couverture de la maladie universelle (Cmu) a remis pour le paiement des créances. Ils sont aussi revenus sur le bilan des activités de l’année passée, caractérisé par une recrudescence de la tuberculose multi-résistante et de la lèpre.

 

‘’La Cmu a envoyé une somme de 47 millions’’. A l’annonce de ce montant pour payer les dettes de l’année 2017 que l’agence doit aux structures sanitaires de la région de Diourbel, beaucoup de médecins-chefs de district présents n’ont pas caché leur déception. Pour le docteur Sidy Amar, médecin-chef du district sanitaire de Diourbel, ‘’47 millions, c’est très infime par rapport à la dette. Je me demande comment le médecin-chef de région va procéder au dispatching’’. Sa collègue Adama Haïdara Mbacké de renchérir : ‘’On a des problèmes pour la Cmu. Les gens ne sont pas contents. Pour 2016, elle n’a remboursé que 20 %. Et pour 2017, on nous annonce 47 millions pour toute la région. C’est comme une goutte d’eau dans la mare. La Cmu doit faire des efforts, en ce sens. Pour 2018, rien n’est payé.’’

Du côté de l’agence, le chef du service régional de Diourbel pointe ‘’le retard noté dans la mise à disposition des rapports’’. ‘’Faux, rétorquent les médecins, les rapports ont été bel et bien remis à date échue’’. Si la Cmu doit des dettes aux structures sanitaires, ces dernières doivent également à la Pharmacie régionale d’approvisionnement qui, aussi, réclame son argent. Le docteur Mahmadane Lo menace de ‘’ne plus remettre de médicaments, tant que les dettes ne sont apurées. La situation des créances est de 163 566 203 F Cfa. Elle s’établit pour Touba à 78 442 675 F, Mbacké pour 9 429 400 F, Diourbel  29 587 468 F et pour Bambey à 31 130 669 F.

Recrudescence de la tuberculose et de la lèpre

L’autre préoccupation débattue durant la revue annuelle conjointe est la recrudescence de la tuberculose. Docteur Balla Mbacké Mboup de dire : ‘’Pour la tuberculose, nous faisons partie des régions les plus endémiques. Je pense que Diourbel est à la quatrième position, au niveau national. Ça aussi, pour l’expliquer, c’est facile. La tuberculose est une maladie de pauvreté et de promiscuité. Or, nous avons, dans la région, des zones où la pauvreté règne. C’est pourquoi nous sommes victimes de cette maladie. Heureusement, nous avons un taux de dépistage de 80 % qui dépasse même l’objectif national, et nous les traitons. Nous avons un taux de guérison de 85 %. Je pense que c’est une bonne chose, car notre capacité de dépister est bonne, de même que notre capacité de traitement. Enfin, la région de Diourbel n’a jamais enregistré de perdus de vue pour la Tbmr.’’

Dans cette région, sévit aussi la lèpre. D’ailleurs, Diourbel est classée première avec 48 cas dénombrés en 2018. Docteur Balla Mbacké Mboup, médecin-chef de la région médicale, s’explique : ‘’Pour la lèpre aussi, vous avez entendu celui qui parlait. C’est un spécialiste. On les dépistait, parce que les gens se cachaient. Mais le fait d’avoir des cas dans la région prouve que nous avons les capacités de les dépister. Soixante-huit cas en 2017, 48 cas en 2018. Il y a une réduction quand même. Mais nous faisons partie des régions les plus touchées. Nous avons mis en place des stratégies. Nous sommes allés au niveau des familles de ces malades voir dans leur entourage comment dépister des cas qu’on peut prendre précocement en charge. Dépister est bon, mais les mettre en traitement et les guérir est encore mieux’’. 

Décès néonatals

L’autre préoccupation majeure du personnel sanitaire est de savoir comment venir à bout des décès néonatals. ‘’C’est en baisse. En 2016, on était à 115 décès maternels. On a eu beaucoup de stratégies mises en place. En 2017, nous étions à 80 décès enregistrés. En 2018, les décès dénombrés sont de 74. Ce qui augmente, c’est le décès au niveau des nouveau-nés. Rien qu’à l’hôpital de Diourbel, les décès néonatals constituaient presque 25 % des décès dans l’hôpital. Le conseil d’administration de l’hôpital avait décidé de faire une réflexion sur la problématique de ces décès. Au niveau des hôpitaux, c’est là où on enregistre le plus de décès de nouveau-nés. C’est alarmant, nous en sommes conscients. Nous l’avons exposé au niveau du ministère qui est prêt à nous accompagner dans cette croisade contre la mortalité néonatale’’.

Le docteur de recommander la mise en place d’une stratégie. Pour ‘’les décès néonataux, il faut un grand projet. Il faut se féliciter que le ministère de la Santé ait amené un projet pour d’abord évaluer l’impact de ces décès, l’hygiène au niveau des maternités, mais aussi mettre en place des stratégies de formation du personnel pour les soins du nouveau-né, de formation du personnel communautaire des cases de santé pour les soins du nouveau-né, de faire la promotion au niveau des populations pour qu’elles puissent savoir ce qu’elles doivent faire quand le nouveau-né est malade’’.

Vih/sida et contexte culturel

S’exprimant sur le Vih/sida, le médecin-chef de région note : ‘’Pour le Vih/sida, il faut savoir que nous sommes à une prévalence relativement faible, à l’échelle du pays. Nous sommes à 0,7 % et le pays est à 0,5 %. Le problème du Vih/sida au niveau de la région, ce sont des populations cibles, clés, passerelles : les prostituées, les drogués, etc., qui se cachent du fait du contexte culturel où nous sommes. Maintenant, la prévalence du Vih chez ces personnes est très élevée ; ça peut allez jusqu’à 20, 30 %. Si on ne les encadre pas, ils peuvent être des transmetteurs au niveau de la communauté. Or, ils n’osent pas s’affirmer ou se montrer. C’est ça la difficulté. Souvent, ceux qui viennent en traitement sont bien suivis. Le problème, c’est ceux qui ne viennent pas. Nous avons un taux de dépistage relativement élevé, d’environ 80 %. Mais la mise sous traitement et le suivi posent problème. Parce que les gens ne veulent pas fréquenter les structures’’.

S’agissant de la mise en place des comités de développement sanitaire, la région de Diourbel est la dernière sur le plan national. A ce jour, le taux d’installation de ces comités est de 67 %. Ces comités de développement sanitaire ont remplacé les comités de santé. Docteur Balla Mbacké Mboup revient sur les facteurs bloquants : ‘’En réalité, pour les départements de Bambey et de Diourbel, il n’y a pas de problème. C’est à Touba et à Mbacké où il y a des problèmes, parce que là-bas, il faut s’accorder avec les agents des chefs religieux. Souvent, ils ne sont pas là. Il faut des compromis dans ces localités. C’est ce qui a retardé  l’installation. Nous sommes à 67 %, c’est encore faible. Mais avec la directive du gouverneur au préfet de Mbacké, la situation va se décanter.’’

A noter qu’il n’existe aucun bloc au niveau des centres de santé. On note aussi dans la région un gap de 118 médecins, toutes spécialités confondues, 158 dentistes et 272 infirmiers.

Boucar Aliou Diallo (DIOURBEL)

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