Publié le 7 Aug 2019 - 00:15
PAPA SAMBA BITEYE, DG SENELEC

‘‘Il n’y a pas de risques de délestages’’

 

Le directeur général de la Société nationale d’électricité du Sénégal (Senelec) a mis à profit sa rencontre d’hier avec la presse, pour éclairer plusieurs questions relatives aux coupures et aux dettes notamment.

 

‘‘Je n’ai pas hérité d’une société en crise’’. Devant l’incendie qui a commencé à prendre certaines proportions, le Dg de la Senelec, Papa Mademba Bitèye, est monté au créneau pour contrer le discours qui accablait sa gestion. Il a rejeté en bloc tous les derniers points d’actualité qui ont mis la Senelec dans l’œil du cyclone médiatique. Sur le retard de salaires, il s’est dit estomaqué. ‘‘Comment on peut payer les prestataires et ne pas payer nos propres agents ? Celui qui devait payer les salaires est juste tombé malade, c’est ce qui explique ce retard. D’ailleurs, on était toujours dans les délais, selon la loi’’. 

La hausse des prix de l’électricité ? ‘‘Il n'en a jamais été question’’, balaie-t-il d’un revers de la main. Quant à la privation d’électricité, ces derniers jours, le déni de M. Bitèye est encore plus ferme. ‘‘Il n’y a pas de délestages. Il n’y a pas de risques de délestages. La qualité de service sera maintenue jusqu’à la fin de la pointe, Inch’Allah. Le défi de la production est relevé depuis 2012’’, a-t-il avancé hier.

Le Dg attribue ces coupures de courant au cycle saisonnier qui met la société en délicatesse à la saison des pluies. ‘‘Chaque fois qu’on est en période d’hivernage, la qualité du service s’en fait ressentir. Nous avons déjà réglé le problème de la production. Le prochain défi, c’est la sécurité des installations, les mettre à un niveau standard qui permet, à chaque fois qu’on a des aléas climatiques, que la continuité du service n’en soit pas perturbée’’, explique Mademba Bitèye.

Ces coupures sont donc dues à la forte demande durant cette période de pointe dont le pic devait être la dernière semaine d’octobre. Actuellement, 1 130 mégawatt de courant sont produits, alors que le mix énergétique a pris les proportions de 20 % contre une production fossile intégrale, il y a quelques années. La direction de la boite assure qu’elle reste concentrée sur quatre préoccupations que sont la permanence du service public, la constance dans la qualité de service, la progression dans les performances (économiques, techniques et financières) et l’égal accès au service public de l’électricité.

‘‘L’Etat ne laissera jamais la Senelec tomber’’

Les rapports entre l’Etat du Sénégal et la Senelec sont tels, pour le Dg, qu’il ‘‘ne faut pas parler de dette, car la Senelec est détenue à 100 % par l’Etat’’. Derrière le montant de 247 milliards de F Cfa annoncé, ces derniers jours, comme dû de l’Etat à la société d’électricité, le directeur a expliqué que l’interdépendance entre les deux entités rendait la situation plus complexe qu’il n’y parait.

‘‘La compensation est versée, mais pas régulièrement. On a une situation particulière qui fait que l’Etat ne l’a pas versée. Mais vous avez vu toutefois les mesures que le ministre des Finances a annoncées pour combler ce gap. L’Etat a mis des subventions d’exploitation dans la Senelec pendant des années, au point que la société ne pouvait pas rembourser l’Etat. Ce dernier a donc mis cet argent en capital et n’a pas crié partout que la Senelec lui devait de l’argent. La dernière restructuration, il a mis 90 milliards dans la Senelec pour augmenter son capital sur le dernier croisement de dette’’, a déclaré le Dg.

Une autre raison est que les garanties financières exigées par les producteurs privés sont données par l’Etat. ‘‘Nous avons seize contrats pour lesquels l’Etat a donné une garantie’’. Sans eux, je ne peux pas faire venir les privés. L’exemple avec le prochain Compact américain de 600 millions de dollars. Les Américains ont traité avec l’Etat du Sénégal. Si ce dernier ne s’était pas proposé comme garant, il serait très difficile de décrocher ce partenariat’’, a fait remarquer M. Bitèye. Les modalités techniques de ces travaux à venir feront passer des câbles sous-marins du Cap des biches vers Bel-Air, puisqu’une centrale ne pouvait plus être construite à Bel-Air. Cette ligne de 225 Kv devrait fournir quatre fois plus que la production actuelle.

‘‘C’est pour cela que j’ai utilisé le principe des vases communicants, car c’est bon pour la Senelec et pour l’Etat. Mais quand on regarde l’équilibre, on voit nettement que c’est dû à l’Etat. Donc, je ne réclame pas de dette à l’Etat... Je préfère de loin préserver la relation que j’ai avec l’Etat, d’autant plus qu’avec l’accès universel pour 2025, on sera obligé de s’adosser sur lui, car on ne pourra pas prendre les tarifs commerciaux’’.

Papa Mademba Bitèye est optimiste dans les capacités de la Senelec qui a réussi, d’après lui, la performance inédite en Afrique d’être la première société d’électricité à surmonter une crise sans recourir à la privatisation.

Accès universel

La direction de la boite rassure qu’elle a une capacité de production suffisante qui lui permette de faire face à la demande. Ses deux objectifs principaux sont l’accès universel à l’horizon 2025 et la baisse du coût de l’électricité. Mais là non plus, ce n’est pas gagné. En 2017, le président Sall avait décidé d’une baisse de 10 % sur la grille tarifaire de l’électricité. Une mesure qui n’est pas étrangère aux soubresauts financiers que connait la boite.

Malgré la cherté déplorée par les consommateurs, le Dg de la Senelec est clair. Dans l’immédiat, ‘‘il n’est pas envisagé de baisse’’, fait savoir Bitèye. Pour ce qui est de la politique tarifaire, toutefois, la Senelec est juste un opérateur qui détermine ses propres coûts et le propose au régulateur.  Ce dernier prend l’avis du gouvernement et, sur cette base, notifie à la Senelec le tarif à appliquer.

En fin d’année, la centrale éolienne de Taiba Ndiaye, l’adaptation des installations avant le ‘‘first gas’’ devraient permettre d’alléger la charge électrique pour le consommateur et pourra même permettre à la Senelec de concurrencer la Côte d’Ivoire comme revendeur.

Mais, pour le moment, ce sont encore des problèmes d’ordre financier qui surviennent comme l’encours d’une autre dette.

Le Dg a également relativisé la dette que la société doit à son fournisseur de combustible, la Sar. La ‘‘Senelec a un délai de paiement. A l’image de ce que nous faisons avec nos clients, chaque fois, nous avons un encours avec la Sar. Et à chaque fois que nous avons des échéances, nous arrivons à les honorer. Ce qui fait qu’on entretient de bonnes relations commerciales avec elle’’, explique Bitèye.

OUSMANE LAYE DIOP

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