Publié le 19 Nov 2021 - 22:58
RADIOCOSPIE DES VIOLENCES PRE-ELECTORALES

La société civile prend les choses en main

 

La violence pré-électorale commence à s’installer, en prélude des Locales de 2022. Plusieurs organisations de la société civile, regroupés au sein de la plateforme Jammi Rewmi, comptent prendre les devants pour la freiner. Ces organisations ont planché, hier, sur les principaux déterminants de cette violence au Sénégal. 

 

Les élections locales de janvier 2022 ont un enjeu important. Au-delà de la bataille pour la conquête des municipalités, les résultats issus de ces échéances seront décisifs pour les prochaines consultations, notamment la Présidentielle de 2024. Par conséquent, depuis quelques jours, la violence s’installe peu à peu et risque d’entraver fortement ces joutes. C’est pour contrecarrer cette éventualité que la coalition Jammi Rewmi a organisé, hier, un atelier de partage de l’étude sur les principaux déterminants de la violence au Sénégal. L’objectif, dit-on, est d’identifier les ressorts de cette violence, afin d’y apporter des solutions.  

En effet, pour le professeur Babacar Guèye, l’élection peut avoir des effets pervers et être source de violence, lorsque les enjeux sont importants et que les acteurs ne sont pas en mesure de les gérer. ‘’Des signaux inquiétants font surface. Ce qui nous a motivés à discuter pour voir comment se mobiliser, afin d’apporter notre contribution pour que les élections ne soient pas entachées de violence’’, renseigne le constitutionnaliste.

Moundiaye Cissé de l’ONG 3D pense, à ce propos, que les déterminants sont à situer à plusieurs niveaux. Il cite, ainsi, l’aspect socio-économique basé sur l’inégale répartition des ressources. Il y a également, d’après le membre de la plateforme Jammi Rewmi, la dimension géoculturelle liée à la disparité territoriale, ce qui entraine des frustrations et la violence, mais aussi le déterminant institutionnelle, c’est quand, dit-il, on a une police qui matte les opposants et encourage l’impunité chez les membres du pouvoir. Et en perspective de ces locales, M. Cissé rappelle que, même dans les partis et les coalitions de partis, ces germes de la violence ont été détectés avec l’avènement des investitures.  

Le secrétaire général du Cadre unitaire de l’islam rappelle que les Sénégalais étaient surpris par l’ampleur de la gravité des violences de mars dernier, car ils n’avaient pas mesuré la frustration issue du désespoir des jeunes, de leur manque de motivation. Cheikh Guèye liste, entre autres, l’impact de la Covid-19 sur l’emploi et le secteur informel.

Toujours dans la même veine, le fondateur d’Afrikajom Center trouve, lui, que depuis le mois de mars dernier, le Sénégal vie une espèce de démocratie de tension, de confrontation et de la peur. Pour Alioune Tine, Il faut y remédier, mais auparavant, situer les responsabilités. ‘’Quand on avait cette situation, Abdou Diouf s’était dit : ‘Les gens n’ont plus confiance en l’Administration.’ Il a pris un général pour en faire un ministre de l’Intérieur et un autre à l’Onel (Observatoire nationale des élections) pour calmer la situation. Ce qui nous avait permis d’avoir des élections assez apaisées et une alternance en 2000. Pour la 2e alternance, il a fallu la mise en place des organisations comme le M23 et des luttes pendant sept mois. Cette fois, on a l’impression que, plus on avance, plus on a de la tension’’, regrette Alioune Tine.  

D’après son analyse, si les enjeux politiques et citoyens sont aussi élevés au Sénégal, c’est à cause des ressources. Il pense, néanmoins, qu’il ne faut pas qu’elles soient un enfer pour les Sénégalais. ‘’Il faut que celui qui assure les responsabilités au plus haut niveau rassure, prenne toutes les dispositions opportunes pour que la paix revienne, qu’on ait des élections transparentes, démocratiques et apaisées. De plus en plus, on a l’impression qu’il y a des incohérences. On arrête des gens, on les libère et, beaucoup plus grave, on a une espèce de confrontation entre l’Exécutif et le Judiciaire. Il ne faut pas qu’on fragilise nos institutions dans un contexte de menaces régionales globales. Il faut une Administration non-partisane et une justice indépendante et impartiale. C’est ce qui va amener la confiance et le calme’’, soutient M. Tine.

A ses yeux, il est impératif que le leadership politique sache que ces ressources appartiennent aux peuples. ‘’Ce que nous voulons, poursuit-il, c’est la responsabilité absolue de l’ensemble des acteurs de l’opposition, du pouvoir, de l’Administration et de la justice’’.  

Une réflexion pour connaitre les ressorts de la violence 

A travers la plateforme Jammi Rewmi, ces membres de la société civile souhaitent donner plus de portée à leur combat de par le regroupement de toutes leurs organisations. Pour Moundiaye Cissé, il s’agit d’une amplification de leurs actions dans le sens d’une société civile beaucoup plus forte. Ainsi, d’après le Pr. Gueye, l’atelier d’hier vise, entre autres objectifs, à mener une réflexion pour connaitre les ressorts de la violence avant d’envisager des actions.

Il permettra, également, d’après lui, de discuter des différentes pistes de solution qui existent et de proposer une charte de non-violence destinée à prévenir la violence à l’occasion de ce processus électoral. Les membres de cette organisation comptent, à cet effet, mettre en place un groupe de médiateurs composé de la société civile des personnalités religieuses qui vont faire de la médiation, à chaque fois que ce sera nécessaire, mais également mener une sensibilisation auprès des politiques et de la population.  

Ainsi, toujours en perspective des prochaines Locales, la plateforme prévoit, selon M. Cissé, en plus de cette étude, un plan d’action. Il sera axé, informe-t-il, sur le programme de prévention, de lutte contre la violence, une composante de mobilisation sociale pour accroitre le taux de participation aux élections locales. ‘’Dans le Code électoral, il y a de nouvelles réformes que même les acteurs politiques ne maitrisent pas, de surcroit les citoyens. Il faut aussi sensibiliser sur comment voter, pour éviter le nombre important de bulletins nuls’’, indique M. Cissé.  

HABIBATOU TRAORE 

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