Publié le 19 Feb 2022 - 20:56
RETRAIT DES FORCES FRANÇAISES ET EUROPÉENNES DU MALI

La junte exige un départ sur-le-champ

 

Le président Emmanuel Macron annonçait, jeudi, un départ des forces Barkhane et Takuba, programmé entre quatre et six mois. Du côté de Bamako, ce retrait est voulu dans l’immédiat.   

 

Le divorce est consommé entre Bamako et Paris. Si ce jeudi 17 février 2022 a marqué l’officialisation de la fin de la présence militaire de la France et des forces occidentales au Mali, l’Elysée espérait mettre la forme dans sa mission de quitter un pays avec lequel il ne s’entend plus. Mais même un fin ‘’heureuse’’ n’est plus permise entre les deux ex-partenaires.

Hier, à travers un communiqué signé par le porte-parole du gouvernement de transition malien, les militaires au pouvoir ont fait savoir à la France qu’elle était invitée à quitter le pays ‘’sans délai’’.  

Le colonel Abdoulaye Maiga s’est voulu clair : ‘’Au regard de ces manquements répétés des accords de défense, le gouvernement invite les autorités françaises à retirer, sans délai, les forces Barkhane et Takuba du territoire national, sous la supervision des autorités maliennes. Le gouvernement exhorte nos vaillantes forces armées et de sécurité nationale à plus d’engagement, de vigilance et de détermination dans l’accomplissement de leurs missions de défense de l’intégrité territoriale, et de sécurisation des personnes et des biens.’’

Ces violations auxquelles fait allusion le ministre malien de l’Administration territoriale et de la Décentralisation concernent le non-respect ‘’ flagrant du cadre juridique liant la France et le Mali’’. Ceci, par ‘’la décision unilatérale du 17 février 2022 des autorités françaises de procéder au retrait des forces militaires de Barkhane et de Takuba’’.

De plus, ‘’les annonces également unilatérales de la France, le 3 juin 2021, de la suspension des opérations conjointes avec les forces armées maliennes et le 10 juin 2021, de la fin de l’opération Barkhane, sans préavis et sans consultation préalable de la partie malienne’’.

Non-respect ‘’flagrant du cadre juridique liant la France et le Mali’’

Ce jeudi, le président français a annoncé à Paris que ‘’les conditions politiques, opérationnelles et juridiques ne sont plus réunies’’ au Mali et que la France, ses partenaires européens et le Canada ont décidé ‘’le retrait coordonné’’ des opérations militaires anti-djihadistes Barkhane et Takuba.

Toutefois, ces derniers assurent de leur ‘’volonté de rester engagés dans la région’’ du Sahel en proie à la contagion djihadiste et d'’’étendre leur soutien aux pays voisins du Golfe de Guinée et d'Afrique de l'Ouest’’, selon une déclaration conjointe. Les ‘’paramètres’’ de cette réorganisation seront arrêtés ‘’d'ici juin 2022’’, a précisé Charles Michel, Président du Conseil européen.

Même si, pour sa part, le président Emmanuel Macron a ajouté : ‘’Nous avons commencé à fermer des bases au Nord (du Mali). Nous allons progressivement tout fermer, dans un exercice qui va prendre quatre à six mois.’’

Mais les autorités maliennes ne sont pas disposées à attendre autant de temps pour voir leurs anciens partenaires faire leurs valises.

Ce délai était un moyen pour permettre aux pays occidentaux d’éviter le scénario chaotique du départ des Etats-Unis, en août 2021, de l’Afghanistan. Un retrait en urgence interprété comme une défaite de la puissante armée américaine face aux Talibans. Dans leur précipitation, les GI ont "démilitarisé" (mis hors d'usage) et abandonné sur place 73 avions avant d'achever leur pont aérien. Le Pentagone a aussi laissé sur place 70 véhicules blindés MRAP résistant aux mines - d'un coût d'un million de dollars pièce - et 27 véhicules légers Humvee. Les États-Unis ont également suspendu leur présence diplomatique en Afghanistan et transféré les opérations de l'ambassade à Doha, au Qatar.

Un scénario à l’Américaine en Afghanistan ?

Le même scénario est-il espéré par le gouvernement de transition en place au Mali ? La France et ses alliés occidentaux ne comptent pas quitter le Sahel et prévoient de renforcer leur présence au Niger, voisin du Mali, et dans d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest et du Golfe de Guinée. Et un départ précipité d’une force qui compte quelque 2 400 hommes, rien que dans le cadre de l'opération Barkhane, a tout pour se révéler chaotique à son tour.  

Dans sa déclaration, le président Emmanuel Macron a réaffirmé les relations exécrables que partagent le gouvernement de transition malien et l’Elysée, lorsqu’il a soutenu que son pays ne peut pas ‘’rester engagés militairement aux côtés d'autorités de fait dont nous ne partageons ni la stratégie ni les objectifs cachés’’, tout en récusant le terme ‘’échec’’ dans ce contexte.

Mais sur ce point, les autorités maliennes ne sont pas du même avis. Comme le rappelle le gouvernement de transition, ‘’par rapport aux résultats attendus, les résultats obtenus et annoncés officiellement par les autorités françaises n’ont pas été satisfaisants, ni en 2013 avec l’opération Serval (détruire le terrorisme, restaurer l’autorité de l’Etat malien sur l’ensemble du territoire national, faire appliquer les résolutions de l’ONU) ni en 2016, avec l’opération Barkhane (lutter contre le terrorisme, aider à faire monter l’armée malienne en puissance, intervenir en faveur des populations). Malgré la présence de l’opération Barkhane et des forces internationales, de 2013 à 2021, le Mali a risqué la partition et la menace terroriste initialement localisée au nord du Mali s’est répandue sur l’ensemble du territoire national’’.

‘’La France responsable de la situation au Sahel’’

La passe d’armes continue, côté malien. Les militaires imputent une grande partie de la responsabilité de la situation actuelle du Sahel à la France.

En effet, estime le colonel Abdoulaye Maiga dans son communiqué, ‘’l’opération Serval n’aurait pas été nécessaire, si l’Otan n’était pas intervenue en Libye en 2011. Cette intervention, qui a fondamentalement modifié la donne sécuritaire dans la région et dans laquelle la France a joué un rôle actif de premier plan, et au grand dam des Africains, est à la base des problèmes sécuritaires actuels du Mali en particulier et du Sahel en général’’.

Aujourd’hui, les autorités maliennes affirment avoir entrepris des actions qui ont permis ‘’la montée en puissance des forces armées maliennes et l’amélioration significative de la situation sécuritaire sur le terrain depuis six mois, notamment en vue de créer les conditions de la tenue des élections’’. Une allusion faite, entre autres, à la collaboration avec la société paramilitaire russe Wagner que leur reprochent leurs ex-partenaires occidentaux.  

Lamine Diouf

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