Publié le 26 Sep 2018 - 20:26
REVUE ANNUELLE DES REFORMES, POLITIQUES, PROGRAMMES ET PROJETS DE L'UEMOA

Echanges succulents entre experts de l'Uemoa et du Sénégal

 

Des experts de l'Union économique et monétaire ouest-africaine sont au Sénégal depuis hier, pour évaluer, pendant trois jours, les performances du Sénégal dans la mise en œuvre des politiques communautaires.

 

Top chrono ! 72 heures. C'est le temps que va prendre la 4e édition de la Revue annuelle de l'Union économique et monétaire ouest-africaine sur les réformes, politiques, programmes et projets. Durant cette période, les experts de l'organisation communautaire et leurs homologues de l'Etat du Sénégal vont passer au peigne fin la mise en œuvre des directives, règlements et décisions de l'Uemoa, ainsi que les projets et programmes du gouvernement. Et le moins que l'on puisse dire est que rien ne sera laissé en rade par le groupe de spécialistes dépêchés par l'organe communautaire.

Hier ont été lancés les travaux. C'était aussi le début des contradictions. La discorde la plus marquante a sans doute été la nouvelle méthodologie utilisée par l'Uemoa pour évaluer les Etats. La décision de l'organisation d'extirper des critères de notation des Etats le Pacte de convergence, ne semble pas du tout agréer les représentants du gouvernement. ''Je voudrais d'abord demander à quel moment a été prise la décision de soustraire le pacte des critères devant faire l'objet de notation'', s'interroge d'emblée Moustapha Ngom, coordonnateur de la Cellule de l'intégration au ministère de l'Economie et des Finances. Monsieur Ngom a aussi interpellé les représentants de l'Uemoa sur les raisons pour lesquelles ce changement avait été retenu.

''Nous sommes, argumente-t-il, à une année de l'échéance de convergence. Si on sort le pacte, les Etats ne vont plus faire les efforts nécessaires. Je pense qu'on ne peut pas sortir comme ça une mesure sans des discussions préalables. Je ne sais pas si cela a été validé lors de la réunion d'évaluation. Si cela n'a pas été fait, je pense qu'il serait plus judicieux que le pacte fasse l'objet de notation''. Ce n'est pas tout, dans son propos, le chef de la délégation sénégalaise a demandé également que les critères qui ont été appréciés l'année dernière avec satisfaction ne fassent pas l'objet d'une nouvelle évaluation. Ce, pour aller plus vite, selon le représentant de l'Etat.

Pour ce qui est du Pacte de convergence, les spécialistes de l'Uemoa ont répliqué qu'il sera certes pris en compte, mais simplement à titre d'information, contrairement à l'année dernière. ''Les autorités ont estimé qu'il y a des cadres plus appropriés pour l'évaluation du Pacte de convergence. C'est la raison pour laquelle ils ont demandé que le pacte ne fasse plus l'objet de notation'', s'est défendu un membre de la mission. Quant aux projets et programmes qui ont déjà été appréciés avec satisfaction lors des sessions précédentes, le représentant de l'Uemoa a jugé que certains d'entre eux sont dynamiques. Selon lui, un Etat peut être en 2017 et ne pas l'être cette année. Il a cité l'obligation pour les Etats d'organiser le Baccalauréat à une certaine période. ''Ce n'est pas parce que cela a été fait l'année dernière qu'automatiquement l'on doit considérer que c'est encore le cas en 2018'', a-t-il expliqué, non sans affirmer que ce sera le cas à chaque fois qu'il sera besoin.

Malgré ces précisions, la partie sénégalaise est revenue à la charge pour demander la réintégration du pacte de convergence dans le système de notation. ''C'est comme s'il y avait une régression dans ce que nous faisons, a fulminé un des représentants du gouvernement. C'est la même chose avec le critère sur les arriérés. Un beau jour, on nous dit que les Etats ont des problèmes, donc on les sort. Or, ces arriérés avaient des incidences réelles sur la gestion macroéconomique et le secteur privé. Cet aspect est très important pour ne pas faire l'objet d'une notation''.

Mais c'était sans compter sur la détermination du président de la séance qui est resté courtois, mais ferme sur sa méthode. ''Nous prenons bonne note de vos remarques, tempère le chef de la délégation communautaire Clément Sékongo Ouollo, mais je dois signaler que cette question a été déjà débattue lors de l'atelier de restitution et d'orientation de la revue. Et c'est à la suite de ces discussions que les autorités ont pris cette décision. Ceci dit, nous avons noté les observations et les transmettrons à qui de droit''.

Outre les questions de méthodologie, la délégation de l'Uemoa a aussi constaté, pour le regretter, l'absence de certains secteurs dont le ministère de l'Enseignement supérieur et les différents ordres : avocats, médecins, pharmaciens, comptables. Séance tenante, M. Ouollo a réclamé que ces derniers soient conviés, s'ils ne l'ont pas déjà été. Au cas contraire, qu'on les relance afin qu'ils puissent rejoindre les débats, même en cours. Le président de la délégation s'est également voulu très clair, en ce qui concerne la nécessité de prouver les différentes allégations des ministères sectoriels et de l'Etat. ''Ceux qui n'ont pas tous les éléments de preuve aujourd'hui, ont jusqu'à demain, midi au plus tard, pour les apporter afin que les notes puissent être validées. Au-delà de ce délai, on ne pourra pas valider les points. Je voudrais que l'on soit clair entre nous pour qu'il n'y ait pas de suspicions'', a-t-il mis en garde.

Quelques instants plus tôt, le secrétaire général du ministère de l'Economie, des Finances et du Plan, Bassirou Samba Niasse, saluait la revue qui, selon lui, est un outil stratégique privilégié de veille et de dialogue entre la Commission de l'Uemoa et les Etats. ''L'objectif visé par la revue, renseigne-t-il, est de donner une plus forte impulsion politique au processus d'intégration régionale dans l'espace communautaire, en identifiant dans un premier temps les facteurs pouvant constituer un goulot d'étranglement ou pouvant atténuer les réformes et projets communautaires''. Interpellé sur la mise en œuvre des directives relatives notamment à la gouvernance, il renseigne : ''L'ensemble des directives ont été transposées. Le Code de transparence a été intégré dans notre ordre juridique interne et il en est de même des mesures portant sur les finances publiques, fiscales et douanières...''

Par rapport aux contraintes, le Sg n'a pas voulu entrer dans les détails. La représentante-résidente de l'Uemoa, après avoir salué les performances du Sénégal, a précisé que le but de la revue n'est pas de classer les pays par ordre, mais plutôt d'apprécier l'évolution des Etats membres d'une année à une autre. ''Car, estime Aissa Kabo, l'intégration est un long processus et que tous les domaines de réformes sont prioritaires''.

Lors de la session précédente, le Sénégal s'en était tiré avec un taux moyen de mise en œuvre des réformes évalué à 71 %. Il n'empêche, le Sénégal reste attendu sur plusieurs points dont l'éducation.

MOR AMAR

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