Publié le 5 Dec 2020 - 01:52
VOTE BUDGET MINISTERE DE LA FEMME

es violences sexuelles mettent l’Hémicycle en ébullition  

 

Un plaidoyer fort a été lancé, hier, en faveur des filles et femmes victimes de violences, surtout sexuelles. Les enfants n’ont pas été en reste. La ministre Ndèye Saly Diop Dieng a aussi été interpellée sur la révision du Code de la famille, le retard dans l’adoption du Code de l’enfant, la ratification de la Convention 190, entre autres.

 

Cette année 2020 a été horrible, émaillée par des scènes et actes de violence et barbarie envers les femmes et les enfants. Ces questions ont été au cœur des débats à l’Assemblée nationale, lors du vote du budget du ministère de la Femme, de la Famille, du Genre et de la Protection des enfants. Nombre d’entre les parlementaires ont soutenu que le contexte actuel de célébration de seize jours d’activisme sur les violences basées sur le genre est une opportunité d’exposer le débat. Les députés - majoritairement les femmes - ont insisté pour la mise en œuvre d’actions permettant une appropriation de la loi criminalisant le viol et l’harmonisation des textes, conformément à la Convention internationale des Droits de l’homme. Ce faisant, elles ont dénoncé le retard de l’adoption du Code de l’enfant et insisté sur le relèvement de l’âge du mariage de la fille. De manière globale, les députés réclament la révision du Code de la famille.

Ainsi, ayant fait le constat de l’augmentation des violences faites aux femmes et aux filles, la parlementaire Aminata Ly a demandé au ministre Ndèye Saly Diop Dieng de mieux sensibiliser sur la loi criminalisant le viol, car beaucoup ne comprennent pas les tenants et les aboutissants. Face aux nombreuses interpellations sur la question, la ministre a signalé que son département a engagé la vulgarisation de ladite loi criminalisant le viol et la pédophilie, par sa traduction dans 14 langues nationales codifiées, pour que nul n’en n’ignore. A ses yeux, cette loi est un instrument de dissuasion contre les éventuels auteurs de tels actes, pour que les familles, en général, plus particulièrement les femmes, puissent être en sécurité. Ainsi, elle reste persuadée que si les acteurs s’y mettent, la peur va changer de camp, puisqu’une stratégie nationale de vulgarisation de cette loi est en train d’être mise en œuvre.

Sur cette lancée, elle annonce la création d’un centre de prise en charge juridique pour la réinsertion économique et sociale des femmes. ‘’Nous pensons créer un centre holistique au Sénégal pour les femmes victimes de violence, pour leur réinsertion sociale et économique’’, annonce-t-elle. Dans ledit centre, il y aura la police, des avocats et des partenaires comme ONU-Femmes. Cela, dit-elle, va démarrer à Dakar.

‘’La réforme du Code de la famille, l’avortement médicalisé… sont des questions sensibles’’

Lors des débats, la députée Mame Diarra Fam a axé son plaidoyer sur l’autorisation parentale. Selon elle, le refus de paternité doit être criminalisé. ‘’Les femmes souffrent. La diaspora n’est pas épargnée dans cette situation. Vous pouvez faire des enquêtes dans les consulats, l’autorisation parentale doit être réglée une bonne fois’’, plaide-t-elle. Fanta Sarr abonde dans le même sens et souhaite la révision du Code de la famille. Elle s’interroge sur la faisabilité de cette révision.

Awa Guèye insiste, elle, sur l’harmonisation des textes du Code de la famille, car la Convention internationale des Droits de l’homme fixe l’âge du mariage de la fille à 18 ans, alors que dans le Code de la famille au Sénégal, on continue d’appliquer l’âge du mariage de la fille à 16 ans. Même son de cloche chez Sira Ndiaye qui a interpellé la ministre sur la procédure de modification du Code de la famille déjà entamée, surtout concernant l’âge du mariage de la fille.

Pour elle, le gouvernement doit prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre les violences basées sur le genre (VBG) et les mutilations génitales.

Mais le député Cheikh Mbacké Bara Dolly a affiché son opposition à l’adoption de la loi sur l’avortement médicalisé.

A ces interrogations, la ministre de la Femme, de la Famille, du Genre et de la Protection des enfants a répondu : ‘’La réforme du Code de la famille, l’avortement médicalisé, le relèvement de l’âge de mariage de la fille sont des questions sensibles. Nous sommes au Sénégal, un pays fortement religieux, et nous n’avons pas le même environnement socioculturel. C’est vrai qu’on a ratifié certaines conventions. Cela ne veut pas dire que l’on est d’accord sur tous les points. Il n’empêche, on va discuter avec les acteurs pour voir comment trouver des solutions’’, dit-elle. Considérant que l’harmonisation des textes sur le relèvement de l’âge de mariage de la fille est importante.

Des crèches dans les entreprises

Aida Mbodj a plaidé pour la ratification de certaines conventions, principalement la Convention 190 qui règle le problème du harcèlement à l’endroit des femmes. Une fois fait, selon elle, cela permettra son entrée en vigueur en juin 2021. ‘’Ça sera vraiment dommage, si le Sénégal n’entre pas dans la danse et rate l’histoire. Même la Namibie l’a ratifiée. Pourtant, nous étions mieux avancés par rapport aux textes’’, dit-elle.  

Dans ce sens, Mame Diarra Fam s’est insurgée contre ‘’la promotion canapé’’ qui, selon elle, est aussi un phénomène qui gangrène la société. Des femmes, selon elle, en souffrent et subissent des maltraitances dans ce pays.

Aida Mbodj est revenue sur l’allégement des travaux des femmes et le droit à un avenir décent pour celles qui sont dans les entreprises. A ses yeux, la ratification de la loi 556 pourra régler ce problème et obliger les entreprises à instaurer des crèches dans les entreprises. Elle demande aussi, dans l’accès aux instances de décision, le renforcement et l’accompagnement des femmes, surtout avec les élections locales à venir. Si cela est fait, elle croit que la ministre n’aura pas de crainte, à l’heure du bilan.

La députée Maimouna Sène a souligné le retrait de 5 000 enfants de la rue et 10 000 enfants talibés. La ministre a répondu que, sur ce nombre, 90 % ont été retournés dans leurs familles respectives, le reste - les 10 % - vient de la sous-région.   

‘’42 000 000 000 F CFA dans la petite enfance’’

En ce qui concerne le développement intégré de la petite enfance et des cases des tout-petits, la ministre a mis en avant le Projet investir dans les premières années pour le développement humain au Sénégal (PIPADHS). Ce projet, d’un montant de 42 000 000 000 F CFA financé par la Banque mondiale, va intervenir dans le cadre de la nutrition, l’initiation aux technologies de l’information et de la communication (Tic), la simulation précoce et l’enregistrement des naissances. Il permettra d’avancer en matière de développement intégré de la petite enfance et aussi la construction et la rénovation-réfection des cases des tout-petits.  

A propos de la Lettre de politique sectorielle de développement (LPSD) alignée aux axes stratégiques du PSE, à l’agenda 2030 des Nations Unies et l’agenda 2063 de l’Afrique, la ministre de la femme a présenté quatre programmes. Il y a le programme famille-genre qui vise la promotion de l’équité et de l’égalité à travers l’intégration du genre dans les politiques publiques ; la lutte contre les violences basées sur le genre ; les mutilations génitales féminines (MGF) et la protection des groupes vulnérables par l’amélioration de leur bien-être ; le renforcement du tissu familial et la lutte contre la pauvreté.

Le projet de budget du ministère de la Femme, de la Famille, du Genre et de la Protection des enfants est arrêté à 92 985 985 287 F CFA en autorisations d’engagement et à 25 281 840 457 F CFA en crédits de paiement.

Théodore Monteil réussit à émouvoir les parlementaires

Le député Théodore Cherif Monteil a commencé son discours sur ce récit allégorique : ‘’Cela fait plusieurs années que je parle de mon jeune frère Modou, le ‘’ndongo daara’’, sans parvenir à vous émouvoir. Aujourd’hui, Modou a décidé de monter dans la pirogue pour réaliser un rêve d’ailleurs.

Maman, lorsque le pélican de Dijouth viendra t’annoncer la funeste nouvelle que lui a transmis l’albatros des îles bien heureux, ne verse aucune larme, pas une seule goutte de larme, parce que des larmes, tu en as assez versé, lorsque père l’a abandonné au bourreau. Lorsque dans le dénuement total, nous étions contraints à partager la même chambre. Maman, je t’épargne le récit de notre dur périple en mer, car je sais qu’aucun cœur de mère ne supporterait ce que ton enfant a enduré, avant d’être englouti par les eaux. Tu diras aux mères de mes compagnons que leurs enfants ont chaviré dignement.

Pardonne-moi. Ton enfant adulte ne pouvait plus supporter ton égard. Maman pardonne à tout le monde, à ceux qui nous prennent pour des écervelés, à ceux qui, du haut de leur responsabilité politique, n’ont rien fait pour que l’on garde espoir d’être un jour heureux là sur notre terre natale.’’

 
AIDA DIÈNE
 
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