Publié le 9 Dec 2019 - 18:10
VOTE BUDGET MINISTERE PECHE ET ECONOMIE MARITIME

Alioune Ndoye très emprunté pour sa première

 

Le budget-programme du ministère des Pêches et de l’Economie maritime a été voté hier. Les habituels problèmes de la pêche ont été abordés devant un nouveau ministre qui aura péché par excès de prudence.

 

Pour sa première sortie officielle depuis sa nomination, le maire de Dakar-Plateau, Alioune Ndoye, nommé ministre des Pêches il y a plus d’un mois, a connu un passage plutôt calme dans un hémicycle clairsemé, ce dimanche. Un projet de budget-programme arrêté à 48 milliards 893 millions en crédits de paiement contre 244 milliards 577 millions en autorisations d’engagement. ‘‘Est-ce que vous avez fait un audit de la gestion précédente avant de vous engager ? Les problèmes sont toujours aussi prégnants dans ce secteur, malgré tous les milliards qu’on y a injectés’’, s’est demandé Cheikh Bara Dolly.

Une question à laquelle Alioune Ndoye n’a pas fait suite dans ses réponses. D’ailleurs, il a choisi de survoler la plupart des questions, renvoyant à ses réponses en commission. Tout juste s’est-il limité à assurer de sa disponibilité aux parlementaires qui voudraient le rencontrer.

Qu’à cela ne tienne ! Les préoccupations n’ont pas manqué, pour ce secteur qui représente l’un des moteurs de croissance, avec 3,2 % du Pib national.

Pêche et aquaculture : points positifs avec la Mauritanie

Les relations avec le voisin du Nord ne sont pas de tout repos, dès qu’il s’agit de la pêche artisanale. Juste après sa nomination, Alioune Ndoye s’est rendu en Mauritanie pour négocier l’octroi de licences de pêche avec son homologue mauritanien. ‘‘Un acte à saluer’’, selon les députés, à l’image de Ndèye Lucie Cissé, le trouvant prioritaire, car on ne peut pas interdire aux pêcheurs de Guet-Ndar d’aller dans des eaux territoriales mauritaniennes plus poissonneuses. D’après Alioune Ndoye, le protocole qui devait arriver à échéance en décembre 2019 a été prorogé par la partie mauritanienne avec beaucoup d’avantages. Le ministre a obtenu la suppression des paiements du 3e trimestre et celle de 75 % des amendes dues par les pêcheurs sénégalais. Qui sont, d’après M. Ndoye, les seuls à bénéficier de la dérogation de pouvoir débarquer leurs prises en terre sénégalaise, en attendant la complétion du quai de pêche de Ndiago. Alioune Ndoye avance que l’Etat accompagne les pêcheurs artisanaux du Nord avec 5 000 moteurs qui sont déjà distribués.

Les derniers bilans meurtriers qui ont endeuillé les pêcheurs ont posé le problème de la sécurité et du port obligatoire du gilet agité par beaucoup de députés appelant même à des sanctions. Le département est en train de vouloir apporter des solutions idoines aux difficultés des pêcheurs. D’après M. Ndoye, un programme de géolocalisation a été lancé dans le segment artisanal, pour réduire les risques de perdition en mer. En phase de test, avec un peu moins de 300 balises fonctionnelles, la plateforme a connu une évolution importante, du fait des améliorations qui y ont été apportées. La possibilité est offerte aux pêcheurs en détresse de déclencher l’alerte et de recevoir un accusé de réception. ‘‘Le développement est une option forte du ministère pour réduire l’effort de capture, la satisfaction de la demande et la réduction du chômage en milieu rural. Nous comptons fournir 20 mille emplois à l’horizon 2023’’, a expliqué le ministre.

La mise en œuvre du programme Pêche et aquaculture, 10 milliards de crédits de paiement, devrait permettre d’augmenter le taux d’immatriculation des pirogues de 67 à 73 % et la production aquacole de 1 108 tonnes à 2 500 tonnes, de subventionner mille moteurs et de poursuivre les travaux de construction des infrastructures de production et de débarquement des produits de la pêche, entre autres.  Les députés des localités intérieures ont également demandé l’accélération des projets d’aquaculture pour l’hinterland sénégalais où il n’y a pas de ressources halieutiques. Le programme de substitution des pirogues de bois par des embarcations en fibre de verre devrait démarrer incessamment.

Inquiétudes pour les accords avec l’Ue, la Chine... et le gaz

Le pillage des ressources halieutiques a également été passé à la loupe par les parlementaires. Les députés, à l’image de Mor Kane, ont invité à plus de vigilance, appelant à des quotas de Sénégalais le contrôle des prises. Pour le député de Tekki, Mamadou Lamine Diallo, ‘‘le premier défi est lié aux puissances étrangères qui arrivent dans ce pays (...) Les Coréens prennent le thon et l’exportent, alors qu’ils ont failli à créer les emplois qu’ils avaient promis’’, a-t-il déclaré. L’annonce de futurs accords de pêche avec la Chine, ‘‘alors que les accords avec l’Ue ne sont même pas audités’’, inquiète également. ‘‘Les Chinois dans la pêche ? N’y pensons même pas. Si on devait signer cet accord, autant leur laisser totalement la mer et aller voir ailleurs. Ils vont tout racler’’, s’est inquiétée Mously Diakhaté qui a appelé à décréter des périodes de repos biologiques et de jeter les épaves de voitures en mer pour servir de récifs artificiels et rempoissonner l’océan.

Les externalités négatives de l’exploitation des ressources offshore en gaz dont le projet Gta devrait voir le premier gaz en 2022, intéressent également les députés. L’exploitation devrait ériger des zones d’exclusion en mer pour rétrécir davantage la surface maritime d’une activité déjà sévèrement contrôlée par des garde-côtes mauritaniens. Marie Sow Ndiaye estime que si rien n’est fait pour anticiper sur les contrecoups à venir, rien ne pourrait empêcher les Saint-Louisiens de braver l’immensité océane pour se livrer à la migration irrégulière. ‘‘Le gaz avec les menaces sur la pêche. La malédiction du pétrole et du gaz. C’est une affaire sérieuse. Les études environnementales sont bâclées généralement, alors que la pêche nourrit beaucoup de gens’’, s’inquiète, pour sa part, Mamadou Lamine Diallo. 

Alioune Ndoye a plutôt répondu sur une inquiétude tout autre. ‘‘Pour la brèche de Saint-Louis, l’Etat est en train de mobiliser les ressources. Un dossier va être lancé pour faire face aux mesures d’urgence. Mais cette brèche réclame des investissements beaucoup plus lourds et plus importants’’, a-t-il lancé.

Nango Seck, député de la diaspora : ‘‘Les rats du port, il faut les éliminer’’

La sécurité dans l’espace portuaire de la capitale a interpelé les parlementaires. Le Dg du Port autonome de Dakar (Pad), Ababacar Sédikh Bèye, qui a fait partie de la délégation du ministère, a été interpelé. Si la majorité des députés a été dithyrambique envers lui, les préoccupations n’ont pas manqué, venant notamment de l’opposition et des députés de la diaspora. Cheikh Bara Mbacké de Bokk Gis Gis, ainsi qu’Alé Lô, n’exclut pas la constitution d’une commission d’enquête parlementaire sur les blocages de l’entreprise Africamer impliquant des ‘‘gens tapis dans l’ombre au port’’ au bénéfice des Turcs’’. D’autres députés de la majorité ont requis une mission d’information pour savoir ce qui passe entre Africamer et Flash Afrique. ‘‘Cette structure que le Pad a donné une concession et un cahier des charges précis est restée plus de quatre ans sans aucun investissement. Le port, après trois mises en demeure infructueuses, a pris la décision qu’il a eu à prendre. Nous ne pouvons pas concéder des espaces du Pad pendant toutes ces années sans rien. C’est une perte énorme. En venant, l’information que j’ai eue, est que cette structure avait trouvé un accord avec les Turcs. Nous regarderons cela dans l’intérêt du port’’, a affirmé Alioune Ndoye.

Mais c’est la sécurité dans le Port autonome de Dakar qui a le plus concentré l’intérêt des intervenants. ‘‘Je suis député de la diaspora. On vandalise nos voitures et vole nos marchandises. Il est de notre devoir de parler, de dénoncer ça. C’est l’ampleur exceptionnelle qui fait qu’on en parle. La vidéo des voleurs que le Dg nie n’est effectivement pas au port de Dakar, mais ce qui s’y passe est même pire. Les rats du port, il faut les éliminer à zéro. Il n’y a pas de sécurité au port. C’est un fait. Il ne faut pas déplacer la polémique en parlant d’autres chose’’, explique Nango Seck.

Ce dernier appelle également les autorités portuaires à accélérer la cadence pour la réalisation du port de Kaolack qui ferait un trajet plus court pour les camionneurs maliens, face à l’attrait d’un port d’Abidjan qui se fait de plus en plus insistant avec un corridor Bamako - Abidjan. Même le très pondéré député de Rufisque, Seydou Diouf, a appelé à veiller à l’image du port, car elle pourrait porter gravement atteinte à l’économie sénégalaise en pleine concurrence avec les ports de Lomé et Abidjan.

Cependant, les parlementaires ont également dénoncé le problème qui vient d’abord du fait que les fausses déclarations émanent des propriétaires de containeurs. Des complaintes qui n’ont pas trouvé d’écho favorable.

OUSMANE LAYE DIOP

 

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