Les députés s’inquiètent pour/de la presse

La presse a occupé l’essentiel des débats samedi dernier à l’Assemblée nationale. Lors du vote du budget du ministère de la Communication, des Télécommunications, des Postes et de l’Economie numérique, les parlementaires ont soulevé les difficultés que rencontre ce secteur. Ils ont aussi fait part de leurs préoccupations relatives à La Poste et à l’opérateur mobile, Orange.
La situation de l’Agence de presse sénégalaise (APS) ne laisse pas les députés indifférents. Samedi, lors du passage du ministre de la communication et de l’Economie numérique, Abdoulaye Bibi Baldé, les parlementaires se sont inquiétés de la situation que traverse l’agence. ‘‘Il faut tout faire pour améliorer les conditions de travail des journalistes de l’APS. Ils n’ont même pas de caisse de sécurité sociale. Les agenciers doivent être alignés au même niveau que les journalistes du quotidien national, Le Soleil et de la RTS’’, souligne d’emblée Mame Bounama Sall. Ce dernier n’a pas non plus oublié les misères de la presse privée. ‘’Il faut particulièrement aider les jeunes reporters qui souffrent énormément et qui ne bénéficient pas de l’aide à la presse octroyée aux groupes de presse’’, renchérit le député socialiste.
Après lui, presque tous les parlementaires qui ont suivi ont abordé la même question. D’après eux, il y a une forme d’injustice à l’égard de l’APS. Il n’en demeure pas moins que Le quotidien et la télévision étatique ont aussi leurs défenseurs. Certains ont demandé au ministre de tutelle d’augmenter l’aide dont bénéficient la RTS et Le Soleil, pour mener à bien leurs activités qui, d’après eux, consistent pour l’essentiel à ‘‘rendre visibles les réalisations du pouvoir’’. C’est le cas du député Abdoulaye Willane qui n’a pas manqué de ‘‘rendre hommage à tous les journalistes, particulièrement à ceux du service public, grâce à leur excellent travail et leur professionnalisme’’.
‘‘La RTS doit faire preuve de neutralité’’
Un ton bien différent du côté de l’opposition. La télévision publique a subi d’ailleurs les foudres de certains parlementaires. Serigne Cheikh Mbacké affirme que ‘‘les Sénégalais ne regardent plus la RTS, à cause de son manque d’équilibre et la pauvreté de ses programmes’’. ‘’Depuis que Racine Talla est à la tête de la RTS, il ne fait que la promotion des activités de l’APR’’, martèle-t-il. Ce dernier, contrairement à ses collègues de la majorité, pense qu’il faut ‘’diminuer l’aide allouée à la RTS et la donner aux médias privés, car ce sont eux qui informent les gens de ce qui se passe vraiment dans ce pays’’. Cela ne veut pas dire pour autant que le Mbacké Mbacké est satisfait des chaînes privées. Il a fustigé la diffusion de certains films qui, de son point de vue, ne font que ‘‘détruire les mœurs’’.
Le code de la presse n’a pas non plus été oublié. Depuis son adoption, le texte tarde à entrer en vigueur, faute de décret d’application. Aïda Mbodj n’en exige pas plus et demande des assurances au ministre.
La Poste préoccupe
Outre la presse, les députés ont aussi interpellé Abdoulaye Bibi Baldé sur la situation de La Poste. Le bilan dressé par Ousmane Sonko n’est guère reluisant. ‘‘La poste affichait en 2013 une perte nette de 4 milliards et depuis lors, aucun état financier n’a été déposé, ce qui est grave pour une entreprise nationale. En décembre 2016, le ministre du Budget reconnaissait une dette de 130 milliards vis-à-vis de l’Etat, et la DPE a fait état d’un gap de plus de 22 milliards. De 2013 à 2016, environ 60 milliards du Trésor public ont été consommés par La Poste, sans aucune politique de l’Etat. La Poste encaisse sans jamais rembourser, voilà le problème’’, s’est désolé l’élu. Entre autres questions : le problème entre la Sonatel et Hayo, l’exigence des populations pour une meilleure qualité de service de la part de l’opérateur mobile Orange, la TNT, le différend Tigo-Wari et de l’économie numérique.
Code de la presse : ‘’quelques mois pour obtenir des décrets d’application’’
Le ministre Abdoulaye Bibi Baldé a tenu à rassurer les parlementaires quant à leurs préoccupations. Il a pris des engagements sur les différents problèmes sur lesquels il a été interpellé. S’agissant des médias par exemple, il dira : ‘‘On a mis des années à attendre le vote de ce nouveau code de la presse, mais on n’attendra que quelques mois pour obtenir des décrets d‘application’’. Il donne rendez-vous aux acteurs de la presse pour bientôt. Il compte aussi prendre des mesures pour mettre un terme aux ‘‘dérives’’ de la presse en ligne et des réseaux sociaux.
En ce qui concerne La Poste, le ministre a tenu à assurer que ‘‘l’ordre du jour, ce n’est pas la privatisation, mais sa restructuration. Plusieurs réunions ont été tenues entre la trésorerie générale et la société nationale La Poste, dans le cadre du comité interministériel de restructuration, entre le ministre de l’Economie et des Finances et le ministère en charge des Télécommunications’’. Si l’on en croit la tutelle, la restructuration s’articule autour de trois points : la compense, la rémunération du service public à hauteur d’un milliard 300 millions et la recapitalisation.
Pour les services de la Sonatel, il informe que l’Etat a pris les engagements, d’ici 2025, d’assurer une meilleure couverture avec des tarifs abordables. En ce qui concerne la RTS, le ministre a déclaré que ‘‘l’opposition et la société civile sont bien présentes dans les émissions et débats’’. Malgré tout, il a demandé au directeur général de prendre en compte les préoccupations des députés de l’opposition, en essayant tant bien que mal d’équilibrer les temps de parole. Il a aussi fait souligner la démarcation qu’il y a lieu de faire entre la RTS et l’APS ‘‘qui n’ont pas les mêmes rôles’’.
Le projet de budget du Ministère de la Communication, des Télécommunications, des postes et de l’Economie numérique est arrêté à la somme de 15 388 696 100 francs CFA contre 4 229 391 020 francs CFA en 2017, soit une hausse de 11 159 305 080 francs en valeur absolue et 263,85% en valeur relative. Cette hausse s’explique par le rattachement du département de la Communication qui était auparavant au ministère de la Culture.
CHEIKH DIOP (STAGIAIRE)