Publié le 31 Aug 2020 - 21:40
MAGAL DE TOUBA

Des chercheurs prônent le "Magal chez soi"

 

Le Magal de Touba, qui célèbre le départ en exil de Cheikh Ahmadou Bamba, aura lieu le 5 octobre prochain. Cet événement sera-t-il commémoré dans les mêmes formats que les années passées ? La question se pose avec acuité. Des chercheurs ont proposé que le Magal soit célébré dans son format originel.

 

Serigne Mouhamadou Fadel Mbacké avait pris la décision, en 1945, de faire célébrer le Magal à Touba. Une manière, pour le 2e khalife général des mourides, de rassembler les fidéles dans la cité religieuse, d’après certaines informations. Il y a une seconde version qui veut que Serigne Fallou ait voulu développer la cité religieuse, en demandant aux fidèles de venir commémorer. En y allant, les talibés allaient acquérir des maisons et, par conséquent, développer la ville.

Avec la pandémie du coronavirus, des chercheurs prônent un retour à l’orthodoxie, c'est-à-dire célébrer le Magal comme l’avait demandé Serigne Touba. Docteur Cheikh Sokhna, directeur de recherche à l’IRD et chef d’équipe à l’IHU à Marseille, Dr Cheikh Guèye, géographe et spécialiste de la ville de Touba, Abdoul Aziz Mbacké Majalis, chercheur sur le mouridisme, et d’autres chercheurs mourides, viennent de remettre un rapport sur l’organisation du Magal de Touba 2020 dans un contexte de Covid-19, le 27 août dernier, au khalife général des mourides. Le document aborde les problématiques et fait des recommandations. Dont la mesure forte est "d’inviter les disciples mourides à célébrer le Magal chez eux et d’éviter les déplacements ou grands rassemblements classiques du Magal de Touba’’.

Les chercheurs y voient la décision ‘’la plus prudente et la moins porteuse de risques épidémiologiques". Ils s’en expliquent : "Des études scientifiques ont montré que le Magal de Touba, malgré ses atouts et apports, expose, à l’instar de beaucoup de grands rassemblements humains, à des risques accrus de transmission de maladies infectieuses, surtout les infections digestives et respiratoires. Tel qu’illustré par l’édition de 2004 ayant concouru à l’extension d’une épidémie de choléra dans le pays. En effet, des recherches épidémiologiques sur les risques sanitaires du Magal, menées en 2015-2016, par une équipe de l’IRD de Dakar et l’IHU-MI de Marseille, dirigée par le professeur Cheikh Sokhna (faisant partie des auteurs du présent rapport), confirment l’enjeu sanitaire de ce type de rassemblement".

Ils ajoutent : "Cette étude a démontré que, en tant que lieu de promiscuité infectiogène, ce grand évènement, qui regroupe des millions de personnes, est source de risques sanitaires qu’il convient de détecter et de prendre précocement en charge. Parmi ces risques, les principaux sont la diffusion de maladies infectieuses transmissibles ainsi que la mondialisation des infections tropicales. En effet, le contexte mondial, sous-régional et national du Sénégal est marqué par l’existence de nombreuses maladies transmissibles (méningites, choléra, fièvres hémorragiques, dont Ebola, grippes, paludisme, dengue, salmonellose, etc.) qui peuvent profiter du brassage de populations occasionné par l’évènement pour se propager. A ces risques, s’est ajoutée, cette année, la maladie à coronavirus Sars-Cov-2 (ou à Covid-19) qui rendra plus difficile et plus complexe l’organisation d’un tel évènement. Du fait de la dimension internationale du Magal de Touba, l’évènement pourrait même, en cas d’une insuffisance de mesures préventives fortes, accentuer la propagation de la Covid-19 à travers le pays et même au-delà des frontières du Sénégal."

Circonstance aggravante, les auteurs du rapport évoquent "les pénuries en eau, très courantes en période de Magal, qui pourraient impacter sur le respect des règles d’hygiène à même de prévenir les contaminations".

En conclusion, ils se veulent péremptoires : "Les résultats des recherches ci-dessus décrites, démontrent clairement que le Magal de Touba peut exposer à des risques accrus de transmission de maladies infectieuses telles que la Covid-19." Ainsi, ils recommandent la célébration du Magal chez soi qui, ‘’historiquement, est tout à fait conforme à la tradition et à la doctrine mourides. En effet, la recommandation d’action de grâce de Cheikh A. Bamba à ses disciples n’incluait nullement dans ses modalités l’obligation explicite de l’accomplir en un lieu précis donné".

Un second scénario

Puis, devant les nombreuses réactions, les auteurs ont précisé leur pensée, chez nos confrères de Seneweb. ‘’Il s’agit ainsi d’un travail de recherche rigoureux, fondé sur des arguments scientifiques et chiffrés, portant sur la prise en compte du contexte particulier de crise sanitaire (Covid-19) dans la commémoration de l’un des plus grands évènements au Sénégal et dans le monde. Le document, qui fait près d’une vingtaine de pages, traite de plusieurs volets relatifs à cette question importante, aussi bien pour la communauté mouride que pour toute la nation sénégalaise", dit-on. Soulignant qu'après validation par l’équipe multidisciplinaire (composée d’une dizaine de chercheurs, de spécialités différentes), Serigne Mountakha a vivement apprécié cette modeste contribution et félicité les auteurs. 

On apprend ainsi que le rapport a été aussi remis aux membres du comité d’organisation du Magal qui ont, d’après les rédacteurs, ‘’apprécié le caractère à la fois scientifique et noble de la démarche, qui s’inscrit dans une perspective participative, prospective et communautaire. Le premier porte sur l’option du ‘Magal chez soi’ (conforme au modèle de célébration d’évènements précédents). Alors que le second scénario envisage l’affluence des fidèles à Touba (selon les modalités de célébration traditionnelle), en proposant des mesures fortes de prévention sanitaire, en termes de sensibilisation au respect des gestes barrières, de protection individuelle des hôtes du Magal, etc.". 

‘’L'équipe de recherche, en mettant en exergue certains éléments lui semblant importants, ou en émettant un avis sur tel ou tel aspect (conformément à une certaine déontologie scientifique), n’a nullement pour vocation d’imposer un quelconque scénario au détriment d’un autre. Dans la mesure où c’est au khalife général et aux autorités mourides, en rapport avec les pouvoirs publics, qu’échoit la responsabilité exclusive d’indiquer les modalités de célébration du Magal de Touba. En définitive, il reviendra aux autorités mourides et aux organisateurs du Magal d’apprécier en toute liberté ces arguments ci-dessus exposés, de les analyser sereinement, pour toute prise de décision souveraine en conformité ou non à ces recommandations. Au cas où ces derniers estimeraient, en dépit desdits arguments, devoir, pour d’autres raisons, convier les fidèles à Touba pour le Magal, l’on pourra envisager le second scénario’’, précisent les auteurs.

Boucar Aliou Diallo

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