Publié le 21 Jun 2022 - 13:28
FOOT - ÉQUIPE DE FRANCE

La FFF et le Graët face à la révolution Mbappé

 

Les relations pour le moins compliquées entre Kylian Mbappé et la FFF ne semblent pas s’apaiser. Après la question des partenariats, voici que l’attaquant international et le président Noël Le Graët s’écharpent autour de celle du racisme. Cette tension paraît surtout dessiner par petites touches un nouveau rapport de force et une nouvelle configuration dans les relations hiérarchiques entre les Bleus et la Fédération de tutelle. Avec au centre de la lutte pour le pourvoir symbolique, la figure originale et singulière de l’attaquant du PSG.

 

Au départ, cette fois, un entretien de Noël Le Graët dans le JDD dans lequel il a tenté d’expliquer que si Kylian Mbappé « ne voulait plus jouer en équipe de France » , c’était parce qu'il trouvait que la Fédération ne l’avait pas défendu après son penalty raté et les critiques sur les réseaux sociaux. Interpellé, le joueur s’est senti obligé de rétablir sa vérité, avec un média personnel immédiatement disponible, Twitter et ses 8,2 millions de followers. Reprenant l’extrait en question, il a sèchement taclé la propagande officielle : « Oui enfin je lui ai surtout bien expliqué que c’était par rapport au racisme et NON au penalty. Mais lui considérait qu’il n’y avait pas eu de racisme... » Malgré une journée électorale, ce gazouillis a largement trouvé son audience et son public, et le patron du football français s'est empressé de calmer le jeu en caressant Mbappé dans le sens du poil auprès de RMC Sport : «  Je suis d’accord avec lui. J’ai bien tout compris, et il n'y aucun problème avec Kylian. J'ai toujours eu un attachement profond à sa personnalité. » Pas sûr que cela suffise à éteindre l'incendie.

Et ça continue, encore et encore

Cette énième escarmouche ne doit pas être réduite à des personnalités incompatibles ou au fossé des générations. Certes, l’enfant de Bondy et son entourage avaient peu goûté la communication de la FFF et les déclarations de Noël Le Graët, après son refus d’assister à une séance photo avec les partenaires des Bleus lors du rassemblement de mars à Clairefontaine. En cause, la volonté de laisser croire que le joueur était motivé par l’appât du gain, au détriment de ses coéquipiers, quant au contraire il mettait en avant des problèmes éthiques et la question de la redistribution de cette manne commerciale vers le foot amateur. Depuis, les avocats ont pris langue pour rediscuter les contrats.

De fait, la situation est assez inédite pour la Fédération, et la partition que récite Kylian Mbappé marque un tournant pour les Bleus. L’équipe de France, le principal « actif » de l’entreprise fédérale, a toujours été surveillée comme l’eau qui bout par les instances. Les échecs retombaient toujours sur les sélectionneurs et éventuellement le staff. En outre, les capés affichaient toujours le même profil du mouton noir, égoïste et mégalo, qui refusait la discipline et le respect de l’autorité qu’implique de porter le maillot bleu. Des personnalités faciles à disqualifier auprès de l’opinion, à l’exemple de Nicolas Anelka. Le désastre sud-africain l’illustre d’ailleurs parfaitement. La volonté des joueurs de s’ériger face à leur direction pour défendre l’un des leurs avait été complètement sabordée par une mise en scène désastreuse de la part des mutins.

Mbappé et le nouvel ordre

Or, et voilà qui nous ramène au cas actuel, Kylian Mbappé semble infiniment plus maître du jeu, et pas seulement sur le terrain, mais aussi dans sa communication, que la Fédération. Au point parfois de peser autant que l'institution. Il contrôle parfaitement son expression publique et médiatique, et a compris qu’il représentait bien davantage qu’un footballeur, surtout en sélection. Ses prises de positions et ses déclarations sont millimétrées et précises. Son interview sur le plateau du journal du soir de TF1, détaillant les raisons de sa prolongation au PSG, constituait un chef-d’œuvre en la matière, mixant élans patriotiques et choix professionnels, avec la petite touche personnelle sur la vie privée. Il n’ignore rien du modèle qu’il incarne désormais dans le pays. Un sportif que le président de la République appelle afin de le convaincre de rester en Ligue 1, et donc en France.

Le rapport de force a donc changé. Les coups d’intox ou de com' du président de la FFF trouvent en face une opposition qui pèse aussi lourd. Kylian Mbappé n’a plus peur de s’exprimer et de contredire. Il se sait incontournable dans l’effectif et peut compter sur la sympathie d’une grande partie du pays, par-dessus les divisions partisanes (à l’inverse de Karim Benzema, très clivant). Par ailleurs, Noël Le Graët se trouve affaibli dans une fin de règne qui s’éternise. La Fédération traverse elle aussi une période difficile, comme en témoignent les remous autour de son plan social ou encore le fiasco de la finale de la Ligue des champions. À cinq mois de la Coupe du monde, et après un mois de juin catastrophique en Ligue des nations, la suite promet d’être tout aussi passionnante à observer. Didier Deschamps, lui, ne pourra pas éternellement se tenir à l'écart.

SOFOOT.COM

 

Section: