Publié le 14 Mar 2024 - 10:56
CONDITIONS DE DÉTENTION DES FEMMES ET DES FILLES EN PRISON

Les chantiers de la dignité

 

Au Sénégal, il y a deux établissements pénitentiaires destinés aux femmes. À cause de leur spécificité, des avancées ont été notées dans les conditions de détention. Malgré tout, il reste énormément de contraintes. La contrôleuse Fatou Senghor a fait un état des lieux.

 

La question des conditions de détention des femmes et des filles est indissociable de la politique carcérale mise en place par l’État qui joue un rôle central dans la définition des normes et des pratiques qui régissent le traitement des détenues ainsi que dans la création d'infrastructures adaptées à leurs besoins spécifiques.

Dans de nombreux cas, les politiques carcérales ne parviennent pas à répondre de manière adéquate aux défis auxquels sont confrontées les femmes et les filles en détention.

Lors de la Journée internationale de la femme juge organisée par l’Association des femmes magistrates, la contrôleuse Fatou Senghor a fait une communication sur les conditions pratiques de  détention des femmes et des filles. Pour cela, elle a passé en revue le dispositif.

Elle souligne qu’il existe deux établissements pénitentiaires pour femmes : une maison d’arrêt à Liberté 6 et une autre à Rufisque. L’intérêt qu’il convient d’accorder au thème découle, d’après elle, de la problématique consistant à allier la gestion matérielle de la femme en milieu carcéral et le respect de ses droits les plus élémentaires. D’autant que, rappelle-t-elle, aux termes de l’article 10 du décret 2001-362 du 4 mai 2001 relatif aux procédures d’exécution et d’aménagement des sanctions pénales, dans chaque maison d’arrêt et de correction, des quartiers séparés sont aménagés pour les femmes, de sorte qu’il ne puisse pas y avoir de communication avec les hommes détenus.

‘’Tenant compte des besoins spécifiques des femmes et des filles, des efforts sont consentis pour leur donner soit au besoin ou mensuellement des produits pour leur hygiène personnelle (serviettes hygiéniques, pâtes dentifrices, lait de corps, entre autres). Une ligne budgétaire pour les produits d’entretien existe pour une bonne prise en charge de l’hygiène et de la propreté des locaux et des pensionnaires. La prise en charge, aussi bien alimentaire que médicale, est gratuite’’, informe la contrôleuse.

La problématique de la grossesse et de l’allaitement

Pendant la grossesse, renseigne Fatou Senghor, les femmes enceintes sont placées, pendant les deux derniers mois de leur grossesse, dans un local séparé des autres détenues : c’est-à-dire deux mois avant accouchement et elles y restent durant les deux mois qui suivent l’accouchement.

Elle précise qu’au niveau des deux établissements pénitentiaires, les visites prénatales (échographie, vaccination, etc.), sont assurées par un personnel médical adapté (sages-femmes issues du personnel pénitentiaire et formées dans les écoles reconnues par l’État).

S’agissant du régime alimentaire, pendant cette période, leur alimentation et celle des femmes allaitantes sont améliorées. Après sevrage, ajoute-t-elle, les enfants peuvent être laissés jusqu’à l’âge de 3 ans aux soins de leur mère. Par la suite, ils sont confiés aux soins de leur famille ou d’une institution charitable agréée. ‘’Les conditions d’incarcération des femmes enceintes et allaitantes doivent tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant’’, insiste la contrôleuse Fatou Senghor.

Concernant la gestion des établissements, elle est assurée par un personnel féminin (fouille, vie intérieure et escorte). Les femmes et les filles détenues sont surveillées par des surveillantes de prison qui sont assujetties aux mêmes règles que les surveillants (cf. art 119 du décret 2001-362). Les seuls personnels masculins dans ces deux établissements sont le portier et le chauffeur.

Réinsertion et difficultés

Fatou Senghor renseigne, également, que des activités sont développées au profit des femmes et des filles, par le biais des sécurités au sein des établissements (SSE) créées en 2010 dans tous les établissements pénitentiaires (EP), pour les préparer à la réinsertion sociale. Elles tournent autour de la coiffure, la broderie à la main, la teinture, la transformation des céréales locales et l’alphabétisation. ‘’L’éducation est obligatoire pour les mineures’’, indique-t-elle.

Toutefois, Mme Senghor souligne qu’il y a de nombreuses difficultés au sein de ces établissements pénitentiaires. Notamment, avec les détenues de nationalité étrangère. Même si elles reçoivent parfois des visites de leurs représentants diplomatiques ou consulaires, les difficultés, renseigne Fatou Senghor, sont liées à la barrière linguistique, aux habitudes alimentaires, au manque d’espaces de jeu pour les enfants vivant avec leur maman en détention, au surpeuplement et aux infrastructures inadaptées.

Concernant les cas spécifiques de la maternité en détention, il y a le manque de moyens pour assurer le maintien des liens familiaux entre les détenues et leur famille, le problème des longues détentions (en matière criminelle).

Perspectives

Après avoir passé en revue les difficultés, la contrôleuse a abordé les perspectives. Et c’est pour faire cas des initiatives de sensibilisation et de plaidoyer pour améliorer les conditions de détention et des efforts pour intégrer une perspective de genre dans les politiques carcérales et les programmes de réhabilitation.

Fatou Senghor lance aussi un appel à l'action aux décideurs politiques, praticiens et défenseurs des droits de l'homme. Elle souhaite aussi la révision des textes pour limiter l’instruction dans le temps et lutter efficacement contre la surpopulation carcérale qui constitue un problème majeur pour les établissements pénitentiaires et pour l’application des alternatives à l’incarcération (exemple du travail au bénéfice de la société).

CHEIKH THIAM

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