Le chemin de croix des patients
Selon le directeur de la Lutte contre la maladie, Dr Mouhamadou Moustapha Diop, au Sénégal, il y a 800 cas de malades rares. Dans le monde, on compte plus de 7 000 maladies qui touchent près de 350 millions de malades.
La célébration de la Journée mondiale dédiée aux maladies rares a permis, hier, de faire le point sur ces pathologies. Le directeur de la Lutte contre la maladie, Dr Mouhamadou Moustapha Diop, présidant la cérémonie officielle, est revenu sur leur définition : ‘’Une maladie rare est une maladie qui atteint moins d’une personne sur 2 000 en population générale (définition issue du Règlement européen sur les médicaments orphelins). C’est donc rapporté à sa prévalence en population générale qu’une maladie est dite ‘rare’, mais à l’échelle individuelle, pour chaque personne qui en est atteinte, c’est ’sa maladie’ et donc son besoin unique de soins, de traitements et d’accompagnement.’’
Il ajoute : ‘’Selon l’OMS, les maladies rares concernent un nombre élevé de personnes. Elles représentent, en effet, plus de 7 000 maladies qui touchent près de 350 millions de malades à travers le monde, 3 millions en France et près de 800 au Sénégal. Et 80 % de ces maladies sont génétiques et les enfants représentent 75 % de la charge de morbidité. Au Sénégal, les maladies rares les plus notifiées sont les myopathies (maladies de Duchen et Becker), les neuropathies dégénératives (Charcot Marie Tooth, la sclérose latérale amyotrophique, l’amyotrophie spinale) et aussi le syndrome de Sotos et l’albinisme, etc.’’.
À en croire le Dr Diop, la particularité de ces maladies est liée à leur faible niveau de connaissance de la part de la population et même du personnel de santé, avec comme conséquences l’errance et l’impasse diagnostiques. D’où l’importance de la rencontre d’hier initiée par l’Association humanitaire de lutte contre les maladies rares (Ahmar). La 2e édition après celle de 2017.
Aux yeux du Dr Mouhamadou Moustapha Diop, en organisant cet événement, les membres de l’Ahmar permettent à un plus grand nombre de Sénégalais d’avoir l’opportunité de bénéficier de connaissances et d’informations sur les maladies rares, mais aussi de faire le plaidoyer à l’endroit des autorités pour une meilleure prise en compte des maladies rares dans les politiques publiques.
Par conséquent, a-t-il précisé, la prise en compte des maladies rares est incontournable pour tendre à la couverture sanitaire universelle. ‘’Il me plait aussi de souligner les efforts importants déployés ces dernières années par l’État du Sénégal, à travers le MSAS, par la création d’une division de lutte contre les MNT (les maladies tropicales négligées), l’élaboration d’un plan de lutte contre les MNT prenant en compte les maladies rares. Il me plait aussi de souligner les efforts importants de l’Ahmar et de toutes les associations de malades qui œuvrent dans la lutte contre les maladies rares à travers la communication et le plaidoyer. Malgré tous ces efforts importants, force est aussi de constater qu’il y a des défis dans la satisfaction de la demande’’.
Il fait remarquer que la prise en charge des maladies rares dans les pays à revenu faible est fortement entravée par la question des ressources humaines spécialisées, la formation, le plateau technique, le financement, la recherche, etc. De ce fait, dit-il, ‘’le fossé est très grand entre le Nord et le Sud. Ces moyens sont coûteux et souvent inaccessibles pour la plupart de nos populations’’.
Cependant, le directeur de la Lutte contre la maladie note, dans les perspectives, que l’élaboration prochaine d’un plan national spécifique des maladies rares, le renforcement des équipements en cours dans le domaine des explorations radiologiques et biologiques et les facultés de Médecine vont certainement contribuer à renforcer la prise en charge des maladies rares dans notre pays.
Le cri du cœur de Birahim Aidara Ndiaye
Pour sa part, le président de Taxawuma assistance contre les maladies rares a confié que, lorsqu’il avait pris part à l'école de Myologie (tenue en Côte d'Ivoire en 2022), en compagnie des médecins sénégalais spécialistes des maladies dites rares, il avait porté le plaidoyer qui a conduit à recevoir de grands spécialistes venant de la France, de la Côte d'Ivoire et de l'Espagne, ici en terre sénégalaise.
En 2024, à défaut de ne pouvoir pas dérouler tout le programme qu’ils ont voulu réaliser, informe Birahim Aidara Ndiaye, ils jugent important de parler à la presse pour non seulement marquer cette célébration, mais surtout lancer un appel, comme par le passé, pour une bonne prise en charge des victimes de maladies dites rares.
Pour étayer son propos, il raconte : ‘’Nous avons eu tout récemment un cas, celui d'une personne, un jeune Sénégalais, qui a pu payer (avec beaucoup de difficultés) ses frais de traitement médical en France (640 mille), sa réservation d'hôtel (370 mille) et il lui restait à payer les billets d'avion (230 mille par personne), car il devait être accompagné par deux autres membres de sa famille. C'est pour vous faire comprendre combien c'est coûteux la prise en charge médicale des personnes victimes de maladies rares’’.
Il ajoute : ‘’Mon cas peut aussi être un exemple, puisque je suis victime d'une maladie rare. D'abord la myopathie de Duchenne qui a évolué à la myopathie dystrophie musculaire. Depuis que nous avons mis en place notre association Taxawuma assistance handicap contre les maladies rares, nous avons entrepris beaucoup de démarches, nous avons porté le plaidoyer pour une meilleure prise en charge des personnes en situation de handicap. Nous avons aidé et essayé d'accompagner les personnes en situation de handicap à propos des formations, des dons de béquilles, médicaments, de fauteuils roulants, des consultations gratuites (avec l'accompagnement de médecins spécialistes). Nous lançons un appel aux autorités étatiques, aux partenaires internationaux comme nationaux, aux entreprises (dans le cadre de leur responsabilité sociale d'entreprise), aux institutions internationales comme nationaux, pour qu'ils apportent aide, assistance, accompagnement aux victimes de maladies rares’’.
Birahim Aidara Ndiaye de marteler que les malades sont fatigués, démunis, car le diagnostic, la prise en charge médicale coûtent trop cher ; que les risques de handicap, de mort surtout chez les enfants sont fréquents. ‘’Le plateau médical laisse à désirer, faute de centre approprié de rééducation et de réadaptation pour les victimes de maladies rares’’, constate-t-il.
CHEIKH THIAM