Publié le 12 Oct 2019 - 22:34
AFFAIRE DES 94 MILLIARDS

La Commission d’enquête parlementaire acquitte Mamour Diallo

 

Il n’existe pas de ‘’détournement de deniers publics’’, ni un ‘’quelconque comportement répréhensible’’ de Mamadou Mamour Diallo dans l’affaire des 94 milliards. C’est ce qui ressort des conclusions du résumé du rapport de la Commission d’enquête parlementaire portant sur les faits, évènements et actes relatifs au titre foncier n°1451/R, rendu public hier.

 

Après près de trois mois de travaux constitués ‘’essentiellement’’ de revue documentaire et d’auditions, la Commission d’enquête parlementaire a apporté, hier, les réponses à ‘’toutes les questions’’ concernant les faits, évènements et actes relatifs au titre foncier n°1451/R et ayant abouti à l’affaire dite des ‘’94 milliards’’.

Dans un résumé du rapport étalé sur 20 pages, les parlementaires indiquent, dans leur première conclusion, qu’il y a ‘’absence de détournement de deniers publics et inexistence d’un quelconque comportement répréhensible de monsieur Mamadou Mamour Diallo’’. Et que conformément aux dispositions de l’article 152 du Code pénal, dans cette affaire, ‘’la seule personne habilitée à procéder aux paiements est le chef du Bureau des domaines de Ngor-Almadies qui émet des chèques du Trésor dont il est l’unique signataire’’. ‘’Monsieur Mamadou Mamour Diallo, Directeur des Domaines à l’époque d’une partie des faits, ne peut, de par sa position, tant dans la procédure administrative que dans le processus de paiement des indemnisations, être accusé de détournement de deniers publics’’, précise le document des parlementaires de la majorité.

En fait, selon cette commission, le directeur des Domaines a ‘’un rôle somme toute limité’’ dans la procédure, à la co-signature des actes d’acquiescement. Encore que pour ladite signature, disent-ils, ‘’il n’a pas un pouvoir discrétionnaire, mais une compétence liée, c’est-à-dire que dès lors qu’il reçoit le procès-verbal d’accord de la commission de conciliation, il est légalement obligé d’en tirer les conséquences d’un point de vue administratif’’.

D’après les députés, ‘’aucune’’ des personnes auditionnées ‘’n’a affirmé ou simplement reconnu’’ que Mamour Diallo a pu commettre un détournement de deniers publics dans ce dossier. Par conséquent, les griefs à lui reprochés par le député Ousmane Sonko sont ‘’dénués’’ de ‘’tout fondement objectif et sérieux’’. Et elle juge qu’ils semblent plutôt relever de ‘’l’acharnement politique et médiatique’’.

Sur le contentieux sur le rachat de créances des héritiers par les sociétés Sofico et Cfu, les parlementaires informent que Seydou dit Tahirou Sarr, gérant des deux établissements, a déjà dépensé ‘’plus de 3 milliards de F Cfa’’ dans ce dossier. Et les paiements qu’il a reçus jusqu’ici ‘’ne couvrent même pas les sommes qu’il a avancées (on est très loin des 46 milliards régulièrement annoncés par Monsieur le Député Ousmane Sonko)’’. ‘’Les seuls montants qui sont sortis de la caisse du Trésor, à savoir les 2 845 875 000 F Cfa, ont été payés à partir d’un compte de dépôt du Trésor dont le receveur de Ngor-Almadies, Meïssa Ndiaye, est le gérant exclusif. Les familles héritières ont déjà tourné la page Sofico/Cfu et ont entamé de nouvelles négociations avec l’Entreprise immobilière du Rip (Eidr) pour la défense de leurs intérêts’’, lit-on dans le rapport.

Les parlementaires en charge de cette enquête ont aussi relevé l’existence de quelques dysfonctionnements dans l’organisation des services de l’Etat en matière d’expropriation. Sur ce, ils ont déploré les délais de traitement des dossiers et d’attente des familles avant d’être indemnisées, qui selon eux, ‘’sont trop longs’’. Les députés estiment aussi qu’il y a une ‘’violation’’ de la loi par le député Ousmane Sonko. Qui, selon eux, a joué un ‘’rôle d’intermédiaire’’ pour le compte de certains des héritiers, en utilisant des ‘’prête-noms’’. ‘’Conformément aux dispositions de l’article 30 de la loi de 1976 rappelé plus haut, il ressort, de nombreux témoignages de personnes auditionnées, mais aussi de documents écrits et audio en la possession de la Commission d’enquête parlementaire, que le député Ousmane Sonko avait clairement agi comme intermédiaire dans ce dossier. Les représentants des héritiers ont notamment fourni à la commission des feuilles de présence de réunions tenues avec M. Sonko et signées de la main de ce dernier’’, font-ils savoir.

En plus, le rapport indique qu’Ousmane Sonko a ‘’personnellement et physiquement rencontré certaines des parties et négocié avec eux une rémunération au pourcentage (12 % du montant de l’indemnité, soit plus de 11 milliards de F Cfa) contre son rôle de facilitateur’’. ‘’Mais quand il s’est agi de signer des conventions de représentation dûment établies avec ses ‘clients’, Ousmane Sonko a préféré mettre en avant le sieur Ismaëla Ba qui est très clairement un prête-nom, gérant les cabinets de conseil Atlas et Mercalex qui, de fait, appartiennent et sont contrôlés par Ousmane Sonko’’, rapportent les documents.

Pour tirer cette affaire au clair, la Commission d’enquête parlementaire a proposé un certain nombre de recommandations. Il s’agit notamment du fait de repenser le système, de le corriger et de l’encadrer. ‘’Même si l’accusation de détournement de deniers publics s’est révélée fausse et uniquement nourrie des arrière-pensées politiciennes, les travaux de la Commission d’enquête parlementaire auront tout de même permis de mettre en exergue certaines anomalies dans la procédure d’indemnisation des expropriations pour cause d’utilité publique, qu’il convient d’éradiquer’’, disent-ils.

La révision du cadre législatif et règlementaire et l’introduction de moyens de coercition et de sanctions pénales pour refus de comparution des personnes convoquées par la Commission d’enquête parlementaire sont également souhaitées par la commission. Il faut ‘’insérer dans le Code pénal le délit de refus de comparution ou de coopération loyale et sincère avec une commission d’enquête parlementaire légalement constituée, de même que le délit de parjure, d’omission ou de dissimulation devant une commission d’enquête parlementaire, avec les sanctions appropriées’’, préconisent les députés.

MARIAMA DIEME

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