Publié le 11 Feb 2021 - 00:22
AFFAIRE OUSMANE SONKO/ ADJI SARR

Le ballet des leaders politiques et de la société civile chez le leader de Pastef

 

Après les événements de lundi, le député Ousmane Sonko gagne en soutiens. Plusieurs personnalités et responsables de mouvements citoyens se sont rendus à son domicile en guise de soutien et de réconfort. Pour eux, le régime ne cherche qu’à anéantir son dernier adversaire politique.

 

La cité Keur Gorgui a renoué, hier, avec son calme habituel. Toutefois, le domicile du leader de Pastef et ses environs demeurent sous haute surveillance. La police veille au grain, aucun regroupement n’est toléré. En termes de soutien, Ousmane Sonko continue de recevoir des personnalités convaincues qu’il est victime d’un complot d’Etat. De l’avis du maire de Derklé, l’alternance aurait dû emporter toutes ces formes d’élimination d’un adversaire politique. ‘’L’affaire Sonko est une entorse à la démocratie. On est en train de poignarder la démocratie. Il ne s’agit plus de Ousmane Sonko, mais de notre démocratie. Les Sénégalais de tous bords doivent être mobilisés pour sauver notre démocratie et notre pays. Unanimement, dans la conscience collective des Sénégalais, d’ici et de l’extérieur, cette accusation de viol n’est autre qu’une cabale montée de toute pièce’’, a déclaré Cheikh Guèye, à sa sortie de la maison du leader de Pastef. 

Le protocole à l’entrée du domicile est des plus stricts, il aura fallu de peu pour que le député Moustapha Guirassy ne rencontre pas son collègue. Interdit d’accès à sa première tentative, il sera finalement introduit, après plusieurs appels téléphoniques. Selon le parlementaire, l’Assemblée nationale ne doit pas autoriser la levée de l’immunité parlementaire de Sonko, parce qu’il est victime d’une injustice. Moustapha Guirassy invite les députés de tous bords à s’opposer à ce processus. ‘’Nous avons besoin, ajoute-t-il, d’être riche de nos visions, de nos convictions, de notre diversité, de notre façon de penser, c’est cela la démocratie. Mais, depuis quelques temps, il y a une volonté farouche d’éliminer certains acteurs de l’espace politique. Il faut vraiment manquer de vision et d’amour pour la patrie pour agir de la sorte. J’appelle les Sénégalais à la sérénité et au calme. Concentrons-nous sur l’essentiel ; les faits divers distraient les Sénégalais, alors qu’il y a beaucoup d’enjeux sur les plans sanitaire, sécuritaire et économique’’. Cette forte judiciarisation de la politique, selon son analyse, risque de tuer la démocratie.

‘’Si les choses continuent ainsi, le Sénégal va brûler’’

Pour le mouvement Y’en a marre, le Président Macky Sall est le seul et unique responsable des scènes de violence du lundi dernier.  Son gouvernement manque de sérénité et ne cherche qu’à décourager toute velléité contestataire. Selon Aliou Sané, ‘’si les choses continuent ainsi, le Sénégal va brûler. On demande aux autorités de ne pas instrumentaliser notre justice, ni nos forces de défense et de sécurité, pour inhiber toute voix discordante. Après avoir vu et observé ce qui s’est passé hier sous prétexte que les gens sont venus disperser une foule, toute la répression inouïe qu’on a vue hier, avec tous ces jeunes qui sont blessés et certains sont en détention et il parait que beaucoup sont torturés, nous avons compris qu’il y a une machine qui était en marche, pour créer les conditions d’une démocratie sans opposition au Sénégal. Et nous avons vu dans l’histoire récente tout ce qui s’est passé avec Karim Wade et Khalifa Sall’’.

Le combat actuel, selon les activistes, va au-delà de la personne d’Ousmane Sonko, puisqu’il s’agit d’une atteinte grave à la démocratie. C’est désormais ‘’l’affaire des politiques, des citoyens, des guides religieux, de la presse et de tous les Sénégalais. Tous ceux qui pensent, poursuit Aliou Sané, que le Sénégal doit avancer et qu’on doit rompre d’avec cette façon de nous gouverner doivent se mobiliser. Ces luttes perpétuelles sont dues à une même cause : notre démocratie et notre Etat de droit. C’est un appel au-delà du mouvement Y’en a marre, au-delà de la personne de Sonko. Il ne s’agit plus d’Ousmane Sonko. Ce que j’ai vu là me rappelle certains pays ; il est en résidence surveillée, en quelque sorte. Il est presqu’en résidence surveillée et ça c’est inacceptable pour notre démocratie’’.

 Egalement de la partie, le mouvement Nittu deug de Karim Xrum Xax dénonce la violence des forces de l’ordre sur une foule qui n’a voulu que témoigner son soutien à son leader. ‘’Ces jeunes étaient là depuis 7h, il n’y avait aucun heurt, c’est à l’arrivée des forces de l’ordre que le désordre s’est installé. L’interdiction de rassemblement n’est pas respectée par le régime qui foule du pied ses propres mesures. Il ne respecte pas ses propres règles. Nous accusons la police nationale, elle doit savoir parler aux foules, donner des instructions dans le respect, au lieu d’user de la violence’’, insiste son porte-parole.

A l’image de Mamadou Dia et de Cheik Anta Diop, le mouvement entend se battre contre l’injustice: ‘’On ne va pas accepter que Macky Sall vienne détruire la cohésion sociale qui règne dans ce pays; Sonko a été victime de plusieurs complots, si cette accusation concernait un autre homme politique, cela ne dérangerait aucun Sénégalais, mais, c’est parce que le peuple connaît la moralité de Ousmane Sonko, qu’il est sorti hier. Tout Sénégalais qui vient ici le fait pour lui-même, car ce qui lui arrive aujourd’hui peut arriver à d’autres, c’est le cas des multiples démolitions d’habitation qui ont eu lieu récemment’’.

Venus réconforter et encourager le président de Pastef-Les patriotes, les visiteurs sont unanimes : L’homme est serein et il rassure. Il est surtout prêt pour faire face à tous les fronts. L’ ancienne ministre Aminata Lo Dieng et le président des Forces démocratiques du Sénégal, Babacar Diop, ont eux aussi effectué le déplacement.

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La position des organisations politiques et de la société civile 

Les réactions sur l’affaire Ousmane Sonko ne s’estompent pas. Hier, des organisations de politique et de la société civile ont donné leurs positions sur cette affaire à travers des communiqués.  

HABIBATOU TRAORE 

Les développements de l’affaire Ousmane Sonko n’agréent pas certains membres de la classe politique, pour qui, il s’agit d’une tentative de liquidation d’adversaire. Yoonu askan wi, le Mouvement de la réforme pour le développement social (Mrds) et le Rassemblement national pour le développement (Rnd) ont en ce sens publié un communiqué pour mettre en garde le Président Macky Sall sur les conséquences ‘’incalculables’’ qui pourraient résulter de son entêtement puéril à prétendre réduire à néant les véritables forces de l’alternative patriotique, démocratique et panafricaniste au Sénégal.

Dans une déclaration tripartite, ces organisations lancent un appel à tous les patriotes et démocrates du pays, aux forces politiques, sociales et citoyennes à l’unité, à l’organisation, à la mobilisation et à la lutte. L’objectif, renseigne-t-on, est de barrer la route aux fossoyeurs de la République, à leur système de dépendance, de pillage et d’injustice, afin de frayer la voie pour un autre Sénégal, dans une Afrique de dignité, libre, unie et prospère.  

Aux yeux des membres de ces entités, le chef de l’Etat profite du contexte de crise généralisée pour mener obstinément son plan machiavélique de liquidation de l’opposition patriotique et démocratique. Ce avec l’usage, dénonce-t-on, d’un recours systématique au bâton et/ou à la carotte, à la violence sans restriction (institutionnelle, physique, policière, judiciaire), ainsi qu’à la corruption sous toutes ses formes. ‘’La dernière provocation contre Ousmane Sonko, président du parti Pastef, dépasse toutes les bornes, tant par sa grossièreté que son cynisme et sa gravité. En effet, le ridicule des accusations brandies n’a d’égal que l’évidente illégalité de la procédure suivie pour convoquer ou interpeler un député, de surcroît en cours de session parlementaire’’, relève le document.  

Au même moment des organisations comme Afrikajom Center, Amnesty International Sénégal (AIS), Forum social sénégalais (FSS), Ligue sénégalaise des droits humains (LSDH), la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme (RADDHO) ont, à leur tour, condamné ‘’fermement’’ le recours à la violence noté dans cette affaire et ce, précise-t-on, quels qu’en soient les auteurs. Ces organisations exhortent ainsi l’Etat à veiller au ‘’respect par les autorités judiciaires des procédures légales prévues pour convoquer et entendre un député, instruire les forces de défense et de sécurité de faire preuve de retenue, de maitrise et de pédagogie et de s’abstenir de tout usage excessif de la force, lors des opérations de maintien de l’ordre, de s’abstenir de toute immixtion dans les procédures judiciaires concernant des citoyens’’. 

Levée de l’immunité parlementaire du député de l’opposition

Sur la levée de l’immunité parlementaire du député de l’opposition, les organisations des droits de l’homme rappellent qu’elle obéit à une procédure légale bien claire qui est enclenchée par la saisine officielle du bureau de l’Assemblée nationale par le ministre de la Justice. Ledit bureau, poursuivent-elles, se réunit alors pour décider de la suite à donner à la demande ministérielle. ‘’La convocation qui lui a été servie n’a donc pas respecté les termes de l’article 61 de la Constitution du 22 Janvier 2001, modifiée et des articles 51 et 52 du règlement intérieur de l’Assemblée. Nos organisations tiennent à rappeler que le socle de l’Etat de droit est le respect par les différentes institutions de la République des procédures légales de mise en accusation des représentants du peuple. C’est par ce biais que s’affirme une Justice indépendante, impartiale et équitable qui inspire confiance aux citoyens et qui évite aux populations les scènes de violences constatées dans certains quartiers de la ville de Dakar le 08 février 2021’’. 

Dans le même sillage, Yoonu Askan wi, Rnd et Mrds estiment que le président du Pastef est dans son droit le plus absolu d’exiger ni plus ni moins que le respect de la loi par la levée préalable de son immunité parlementaire, avant de déférer à quelque convocation que ce soit. Pendant ce temps, s’insurgent-ils, les partisans ‘’du Prince’’ se pavanent, libres comme le vent, qu’il s’agisse des détourneurs de l’argent public, des trafiquants de drogue et de faux billets ou des corrompus et autres prédateurs en tous genres. ‘’C’est pourquoi nous tenons à dénoncer et à condamner fermement le complot ourdi par la clique au pouvoir, une manœuvre irrémédiablement vouée à l’échec. Tant il est vrai que de tels abus de pouvoir ne sauraient être tolérés par la plupart de nos concitoyens, d’ores et déjà spontanément et massivement mobilisés pour exprimer leur indignation et leur colère face à un procédé inacceptable, tout à la fois arbitraire, brutal et indigne’’.

EMMANUELLA MARAME FAYE

 

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