Publié le 15 Jul 2020 - 20:41
BAISSE DU NOMBRE DE TESTS DE CORONAVIRUS

Une incrédibilité des chiffres en gestation 

 

En quatre mois passés avec la Covid-19, le Sénégal a toujours opté pour un dépistage ciblé. Toutefois, la crédibilité de ses chiffres officiels n’avait jamais été mise en doute. Une situation qui peut changer avec la nouvelle approche des autorités sanitaires consistant à ne tester que les personnes âgées et les malades.   

 

Le Sénégal est-il un pays particulier ? Les autorités sanitaires semblent le penser. Alors que tous les Etats ayant opté pour un déconfinement de leur population ont, en retour, augmenté le nombre de tests sur leurs citoyens, la cellule de lutte contre la pandémie au Sénégal, lors de son dernier point mensuel tenu le 2 juillet 2020 sur l’évolution de la Covid-19, avait pris le contrepied, en annonçant une limitation des tests.

Pour le docteur Abdoulaye Bousso, Directeur du Centre des opérations d’urgence sanitaire (Cous) c’est toute la stratégie de lutte contre la pandémie qui doit être adaptée à l’assouplissement des mesures restrictives sur les populations. Les personnes asymptomatiques ne seront plus testées ; cette faveur étant réservée aux personnes âgées et celles présentant des comorbidités.

Avec une telle approche, c’est la conformité des informations fournies par les officiels à la réalité du terrain qui sera remise en question. Si l’on sait que près de 50 % des malades sont asymptomatiques, ne tester que les personnes présentant des symptômes ne renseignera pas fidèlement du niveau de présence du virus dans la population. Avec moins de tests effectués, il y aura forcément moins de cas officiels. Ce qui pourrait laisser croire que la pandémie est en recul, alors que ce n’est pas réellement le cas.

 Les premiers mois de la maladie, le Sénégal présentait un nombre de cas réduit, choisissant de limiter ses tests. En deux mois, entre l’annonce du premier cas, le 2 mars, et le 1er mai, le pays n’avait enregistré que 1 000 cas. Dès que les tests ont été augmentés, le nombre de malades est monté en flèche. De mai à maintenant, ce nombre de contaminés a été multiplié par 8 (8 198 cas recensés, à la date d’hier).

L’orientation prise par les autorités administratives semble conforter les populations dans l’idée que la pandémie est en train de reculer. Certains doutant même encore de son existence. Malgré le démenti des chiffres en hausse du nombre de cas, les gestes barrières préconisés par les médecins sont de moins en moins respectés.

Pourtant, l'OMS (Organisation mondiale de la santé) alertait de nouveau, lundi, sur la mauvaise gestion de la pandémie, au lendemain d'une journée record où 230 000 nouveaux cas de coronavirus ont été enregistrés. ‘’Le virus reste l'ennemi public numéro un, mais les actions de nombreux gouvernements et personnes ne reflètent pas cela. (...) Trop de pays vont dans la mauvaise direction’’, déclarait son directeur général Tedros Adhanom Ghebreyesus. Un avertissement qui peut s’appliquer au Sénégal ?

En tout cas, dans d’autres pays, l’on multiplie les tests pour éviter une reprise des contaminations de masse.  En France où l’on vit, depuis le déconfinement, une situation similaire à celle du Sénégal, avec la perte quasi complète des mesures de distanciation, en particulier chez la population jeune, c’est le président du Conseil scientifique Covid-19, le Pr. Jean-François Delfraissy, qui a confirmé que ‘’beaucoup d'éléments font penser qu'il pourrait y avoir un retour du virus pour la fin octobre ou le mois de novembre’’. C’est pourquoi, afin de cibler les clusters et limiter leurs effets néfastes, le pays compte multiplier les campagnes de dépistage pour prévenir une deuxième vague.

Port du masque obligatoire pour trois mois

Une autorité qui ne cesse de clamer sa désapprobation de la tournure des événements au Sénégal est le khalife général des tidianes, Serigne Babacar Sy Mansour. Après avoir affirmé au ministre de l’intérieur, Aly Ngouille Ndiaye, que l’Etat avait démissionné face aux réticences de certaines couches de la société, c’est au président de la République, Macky Sall, venu lui présenter, lundi, ses condoléances suite à la disparition de Serigne Pape Malick Sy, que le khalife a dit ses vérités : ‘’L’État doit communiquer davantage sur l’existence de ce virus mortel et dire toute la vérité aux populations. La maladie est bel et bien présente au Sénégal. Pour la vaincre, il appartient à toute la communauté de s’engager et de respecter scrupuleusement les mesures édictées par les autorités compétentes en charge de cette crise sanitaire.’’

Malgré les remontrances du guide religieux, le gouvernement est bien décidé à continuer sur sa logique de vivre avec le virus pour relancer l’activité économique et compte s’appuyer sur un comportement citoyen des populations pour le respect des gestes barrières. Hier, l’arrêté ministériel n°011592 du 10 juillet 2020, prescrivant le port obligatoire de masque de protection dans les lieux publics et privés, a été publié au ‘’Journal officiel’’. Pour une période de trois mois, le masque est désormais obligatoire dans les services de l’Administration publique, quel qu’en soit le mode de gestion ; les services du secteur privé ; les lieux de commerce et les moyens de transport.

Cela sera-t-il suffisant, sans la surveillance des éléments de défense et de sécurité fatigués par trois mois passés sous état d’urgence assorti d’un couvre-feu ? Vu le niveau de respect des gestes barrières dans certaines parties du pays, la réponse est loin d’être affirmative.   

Lamine Diouf

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