Publié le 1 May 2016 - 07:44
BALLET LA LINGUERE DE SORANO

Ici, le sang danse dans les veines…

 

Langage caché de l’âme. Expression des émotions humaines. La danse est l’une des formes parfaites de communication avec l’intelligence indéfinie. Emballée dans une pléiade de formes, d’appellations, elle est une langue parfois universelle. C’est tout aussi vrai au Théâtre national Daniel Sorano, temple des arts sénégalais. Le ballet la Linguère s’y offre une répétition de plus de trois tours d’horloge avec une passion ponctuée de principes, de réalités et de projets. Reportage !

 

En pleine répétition, les danseurs ont les mêmes gestes, vifs, aussi énergiques que dans une salle de musculation. Le mouvement d’ensemble est précis, rapide, ordonné. Les ondulations sont fines, contrôlées. Il est 10h passées, dans cette salle de près de 1000 places, maintes fois remplie par de grands artistes sénégalais. En cette veille de la journée mondiale de la danse, les répétitions sont sérieuses et accélérées. ‘’On répète parce qu’un ballet sud-africain nous a invités au Grand théâtre, mais aussi pour maintenir la forme. C’est comme le footballeur qui se livre à des séances d’entraînement avant d’entrer sur le terrain. C’est là qu’on peut revoir les défauts et rectifier’’, déclare la directrice du ballet Ndèye Banda Mbaye.

Tous, dans des tenues de danse, l’on s’étire, l’on roule par terre, et l’on saute comme pour prendre de l’envol. Un silence de cimetière règne. La seule expression est celle du corps. Ici, la discipline, la rigueur sont comme une religion. Soudain, une musique douce se dégage progressivement. La directrice fait signe aux premiers danseurs qui rejoignent la scène petit à petit. ‘’C’est à l’image de la progression de la lumière du jour. A l’aube, elle apparaît à peine, puis progressivement avant d’arriver au summum comme en plein jour’’, explique-t-elle.  

Le côté gauche de la scène est occupé par des percussionnistes. Ils sont au nombre de huit mais, à chacun à son type de sabar. Et la conjugaison de tous les instruments offre une gamme de sons variés, de la basse à l’aigu. Au fond de la scène, sont rangés les spécialistes du balafon, de la kora et de la flûte.

Au lieu de la scène, des danseurs reprennent des enchaînements parfaitement maîtrisés, répétés plusieurs fois auparavant. La souplesse des silhouettes étonne. Dans la salle, l’on peut compter les présents sur les doigts de la main. Pour autant, toutes les règles sont respectées et dans les moindres détails. Les ballerines (ndlr danseuses de ballet) pas encore programmées sont en coulisses et répètent joyeusement. L’art est pour elles une passion et elles le vivent pleinement. ‘’Je n’ai rien fait d’autre dans ma vie que danser. C’est plus qu’un amour et c’est d’ailleurs tout ce que je sais faire’’, confie Elisabeth Mendy, danseuse.

Les danseurs ont peu de mots pour expliquer leurs gestes. Leur monde est plutôt celui de la sensation. Mais tout se fait sous l’œil expert de la directrice. Elégante dans un grand boubou orange assorti d’un châle qu’elle ajuste de temps à autre, elle  ne rate aucun détail. Perchée sur de hauts talons, l’ancienne danseuse (Elle pratique la danse depuis 1982) n’hésite pas à faire quelques pas, envoyer les mains en l’air, tourner sur elle-même pour expliquer par le geste une chorégraphie sans faute.

Cette école a vu passer beaucoup d’artistes qui y ont fait leurs premiers pas. Sur les planches, ils sont 9 danseurs dont 5 filles. Ils ne choisissent pas la musique mais peuvent, à coup sûr, choisir comment ils dansent. Le premier ballet est appelé ‘’ballet balante’’. Il est inspiré de la danse des Balantes. Les danseurs haussent le ton pour entonner un des airs balantes. Les instrumentistes font aussi partie du spectacle et leur jeu oriente les chorégraphes. Les rythmes viennent donner une autre envergure aux mouvements d’ensemble. Les auteurs de ces chorégraphies impressionnantes forment un serpent pour la clôture de ce ballet.

On danse avec le cœur et le corps suit…

S’ensuit le ballet wolof. Et l’on enchaîne avec le ceebu jën. La communion doit être parfaite entre percussionnistes et danseurs. Ils ne tiennent pas sur place, basculent tout en formant des figures, respectant des symétries. Comme en Mathématiques, on calcule les pas. La tête de file Amadou Kassé dirige les mouvements et le ‘’dangañ’’ vient clôturer ce ballet wolof mixé à la danse lébou et au ‘’Bara Mbaye’’. Appelé maître du ballet, il justifie son savoir-faire par l’amour qu’il a pour la danse. ‘’Je répète trois fois par jour. C’est cette danse qui me nourrit parce que j’y raconte des histoires’’, dit-il.

Cet art, en plus de le nourrir de bonheur, couvre largement ses besoins financiers. ‘’Mon métier me satisfait, je suis allé dans plusieurs pays, j’ai fait beaucoup de découvertes, et j’ai pu acheter une maison avec cet argent de la danse’’, informe-t-il. Selon ce féru de la danse, seuls ceux qui n’ont pas appris véritablement la danse ne s’en sortent pas. ‘’La danse de la rue ne peut aucunement payer parce qu’on n’en fait pas un métier. Et donc on ne se professionnalise pas, on imite les autres et naturellement on ne gagne rien’’, lâche-t-il avec un wolof aux accents peuls.

Mais danser chez les professionnels, c’est dire plein de choses. ‘’On interprète des histoires à travers le ballet et l’on voyage avec toutes les ethnies, de la danse sérère, manjak à celle des joola. Parce qu’il s’agit d’un ballet national’’, explique la directrice du ballet la Linguère. Et l’on cite parmi cette variété, le Yagamb, Dangañ, Mbabass, Pitam, Ndaadali, Yado- yado, entre autres.

Les cours de danse, c’est aussi à Sorano des cours de morale. ‘’Ici, on ne nous enseigne pas seulement la danse mais le savoir-être, et on insiste beaucoup sur le comportement’’,  confie Elisabeth Mendy qui dit avoir intégré ce ballet en 2008. 

AMINATA FAYE 

 

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