Publié le 12 May 2021 - 22:55
BUDGET INSUFFISANT, NON-RECONNAISSANCE DES ATHLETES

Le judo sénégalais envoyé au tapis

 

Le Sénégal participe régulièrement aux grands rendez-vous du judo africain, depuis la première édition des championnats d'Afrique en 1964, à Dakar, avec de bonnes performances de ses athlètes. Ce, malgré une dépréciation de la part des autorités de la valeur des médailles remportées par les judokas par rapport aux autres sports. Avec l’arrivée de la pandémie du coronavirus, la discipline est fortement secouée. Les 5 ligues que compte la Fédération sénégalaise de judo et disciplines associées (FSJDA) sont fortement impactées.

 

Sur le chemin des Championnats d’Afrique de judo 2021 qui se tiendront du 13 au 18 mai à Diamniadio, le Sénégal se prépare pour gagner des titres, à quelques mois des Jeux olympiques de Tokyo. Le judo a valu au pays de nombreuses satisfactions. La dernière en date est le double titre de champion d’Afrique remporté par Mbagnick Ndiaye dans la catégorie des +100 kg à Cape Town (Afrique du Sud) et à Antananarivo (Madagascar).

Avant lui, le Sénégal entretenait déjà une longue tradition de champions, à travers les générations, de Gatta Ba à Hortense Diédhiou, en passant par Ankiling Diabone, pour ne citer que ceux-là. Mais les récompenses n’ont jamais été à la hauteur des performances réalisées.

En plus du manque de reconnaissance des judokas sénégalais, nombreux parmi eux sont rentrés parés de médailles sans recevoir l’accueil chaleureux qui leur est dû ; certains même ont été contraints de rentrer en taxi. Pour preuve, Mbagnick Ndiaye a reçu, après son sacre aux Jeux africains de Rabat de 2019, une prime de 150 000 F CFA, alors qu’il avait décroché l’unique médaille d’or sénégalaise toutes disciplines confondues, lors de ces Jeux. A l’époque, il s’était désolé de ce manque de reconnaissance. ‘’C’est vraiment dommage de voir ces genres de choses. Avec tous les sacrifices qu’on faits au quotidien, on donne tout pour faire retentir notre hymne national et faire respecter notre drapeau et notre cher pays. Franchement, on mérite beaucoup plus de considération de la part de nos autorités et du président de la République”, avait-il regretté.

Auparavant, le pensionnaire de l’AS Douanes avait réussi l’exploit de réconcilier son pays avec la médaille d’or chez les +100 kg, en remportant le titre de champion d’Afrique au Cape, en Afrique du Sud, après 23 ans de disette, sans empocher le moindre sou.

Pourtant, l’équipe nationale de football, finaliste malheureuse à la Coupe d’Afrique des nations, avait été accueillie en fanfare, avec en prime une dizaine de millions pour chaque joueur. Des basketteuses, aussi, ont plusieurs fois bénéficié des largesses de l’Etat.

Finalement, c’est après son titre de 2020, obtenu à Madagascar, que Mbagnick Ndiaye sera reçu… par le ministre des Sports.

Le parent pauvre du sport sénégalais

Pas étonnant que cet art n’attire pas les foules et que notre pays soit rattrapé et dépassé par ses pairs. On est loin des trois médailles d’or obtenues par l’équipe nationale, en 1980. Maintenant, on se contente d’une médaille d’or au plus, à chaque campagne. L’Égypte et les pays du Maghreb sont devant, grâce à une bonne préparation et un bon traitement de leurs représentants.

Le judo fait partie des disciplines “pauvres” du sport sénégalais. En plus des moyens qui manquent, les athlètes sont frustrés. Les moyens dégagés par l'Etat du Sénégal, à travers son ministère des Sports, sont toujours en deçà des besoins exprimés. ‘’Si on a un budget de 10 millions pour une compétition à laquelle on prend part, ils nous financent à hauteur de 50 à 70 % au plus et le Bureau exécutif de la fédération complète le reste’’, révèle Idrissa Diop, Président de la Ligue de Dakar de judo.

Monica Sagna, 13 médailles africaines, vendeuse de friperie

L’histoire très médiatisée de Monica Sagna, internationale sénégalaise depuis 2013, qui vend de la friperie, malgré ses 13 médailles africaines, est encore récente. Mais c’est juste la face visible de l’iceberg. Comme elle, son coéquipier à Amajelo et en équipe nationale, Serigne Amsa Gaye, est devenu livreur, avec son lot de dangers, pour joindre les deux bouts. Alors que le quadruple champion du Sénégal Modou Fall a vu ses proches ouvrir une cagnotte via l'application ''Koppar'' pour l'aider à se préparer sereinement pour la grand-messe du judo africain.

Le judo sénégalais a perdu ses lettres de noblesse au profit de pays plus aptes à dégager des moyens financiers nécessaires pour soutenir leurs athlètes.

Si le Sénégal, premier organisateur des Championnats d’Afrique de judo en 1964, veut retrouver sa place au banquet continental de cet art martial, il devra mettre plus ressources à la disposition de ses judokas.

SOKHNA ANTA NDIAYE

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