Publié le 12 Apr 2021 - 19:38
CLASSICO - TACTIQUE

Le coup parfait de Zidane face au Barça

 

Puisqu’il savait son Real touché physiquement, Zinédine Zidane a tenté et réussi un coup tactique parfait face au Barça (2-1) en misant sur les jambes fraîches de Federico Valverde et sur un bloc bas qui a fait dérailler le plan A de Ronald Koeman. Voilà comment.

 

« Nous sommes vivants. » Au terme d’une nuit glacée, passée à se battre contre les éléments et à résister lors d’une deuxième mi-temps où ses hommes ont été secoués par un Barça qui s’est mis à chanter une fois la pluie venue, on a vu Zinédine Zidane se pointer en conférence de presse, et deux images se sont alors superposées. Celle du Zidane dans les cordes au début de l’hiver, cerné comme rarement, qui assurait à qui voulait l’entendre qu’il sortirait coûte que coûte le Real d’une énième situation brûlante. Puis, celle du Zidane du printemps, souriant et confiant façon Nadal à Roland-Garros, qui redevient cet homme que Florentino Pérez jugeait l’été dernier « béni des dieux » . Là, l’entraîneur madrilène s’est allumé : « Nous avons souffert, mais la première période a été pour nous et, même si on a peiné en seconde, on mérite notre victoire. Un match contre une équipe comme le Barça exige beaucoup, comme celui contre Liverpool, et ce soir, on est à la limite physiquement.

Mais c’est le football, et c’est plus facile quand tu ressors avec trois points. Maintenant, on va continuer à se battre jusqu’à la fin parce qu’on a su remonter, renverser la vapeur, et se dire qu’en croyant en notre travail, on allait réussir à changer les choses. C’est ce qu’on est en train de faire. » En silence, mais avec une féroce habitude. Avant le match de l’Atlético face au Bétis dimanche soir, revoilà donc le Real de Zidane, vainqueur samedi soir du Barça (2-1), à sa place : au sommet de la Liga et presque en demi-finales de la Ligue des champions. Plus que jamais vivant. Et surtout armé d’une certitude : ce Real sait danser sur toutes les musiques et, en fonction de l’adversaire, trouve toujours un plan pour s’adapter et injecter son venin. Amer, Ronald Koeman l’a parfaitement résumé : « On a prouvé qu’on était à la hauteur, qu’on luttait, mais c’est plus facile de défendre avec beaucoup de joueurs que de faire ce que l’on a essayé de faire nous. On a attaqué, pris des risques, mais on n’a pas su créer le danger... Et derrière, on s’est ouvert : on a laissé des espaces pour leurs contres et on n’a pas bien défendu en première période. Eux ont bien défendu et ont profité de leur vitesse... »

Armoire à tiroirs

Eux ont surtout su changer de costume au bon moment face à un Barça qui s’est présenté sans surprise avec, devant Ter Stegen, un trio Mingueza-Araújo-Lenglet, Dest et Alba pour pilonner les couloirs, un carré mouvant animé par Busquets, Messi, De Jong et Pedri, puis, devant, les mouvements d’Ousmane Dembélé plutôt que la science d’Antoine Griezmann. Pourquoi changer d’approche, au fond ? Les Catalans n’avaient plus connu la défaite depuis la claque reçue au Camp Nou face au PSG et ce 3-5-2, qui se transforme en 3-2-5 en phase offensive, a le mérite d’offrir de la profondeur à Koeman sur les côtés et davantage de variété dans les circuits intérieurs. Mais ce projet a aussi ses limites, et ce samedi soir, c’est avant tout sur ces plaies que Zinédine Zidane a appuyé, en choisissant de ne faire qu’un changement par rapport au onze vainqueur de Liverpool, mais un choix fort : la titularisation de sa pieuvre uruguayenne Federico Valverde, préférée à Marco Asensio. Moins de 120 secondes ont alors suffi pour comprendre le pourquoi du comment.

Alors qu’il existait un risque, sur le papier, de voir Ousmane Dembélé s’amuser dans la profondeur, Zidane a choisi de protéger son onze samedi soir et d’utiliser Valverde, un type qui peut faire sauter à tout moment le scénario d’une rencontre grâce à ses qualités multiples, en tant que cinquième défenseur, quatrième milieu et troisième attaquant. Grâce à cette solution réaliste à un problème numérique évident, le bloc madrilène ne s’est jamais découvert et Zidane a éteint le plan A de Ronald Koeman. Pendant la première période, le Barça a alors eu le ballon (68% du temps), mais a dû attendre les arrêts de jeu, et un coup de pied arrêté, pour voir Messi réussir à sortir la première frappe cadrée catalane de la soirée. À cet instant, le score était déjà le suivant : Real 2, Barça 0.

Comment l’expliquer ? Par le fait que le Barça, trop lent et trop maladroit dans ses transmissions dans le dernier tiers madrilène, n’a d’abord jamais pu mettre à profit les espaces trouvés face à une défense du Real qui s’est transformée en armoire à cinq tiroirs, dont le fonctionnement a été simple et efficace : Valverde s’occupant de gérer Alba, Lucas Vázquez a pu, jusqu’à sa blessure en fin de première période, éteindre Pedri entre les lignes là où, de l’autre côté, Nacho est venu mordre Messi à plusieurs reprises dans des zones similaires.

En fermant à plusieurs tours sa surface et en coupant la relation Alba-Messi, Zidane a vu ses éléments défensifs se goinfrer et son Real, porté par une science de l’équilibre assez brillante et qui n’est allé chercher le Barça haut que sur de rares séquences, ne quasiment rien concéder jusqu’à la pause. Tout n'a pourtant pas été parfait...

Une première période transformée en exposé

Face à Liverpool, mardi, les Madrilènes s’articulaient défensivement en 4-4-2. Là, on a davantage vu un 5-4-1 ou 5-3-2 selon les séquences (le 4-4-2 est revenu lors de la dernière demi-heure), lors desquelles les centraux catalans étaient relativement libres de sortir le ballon. Offensivement, en revanche, on a retrouvé les forces de la semaine, et c’est là que le Real a été encore plus clinique, notamment... Valverde. Impérial sans ballon jusqu’au but de Mingueza, sur lequel le Barça a enfin pu mettre à profit les quelques situations de deux contre un offertes par la structure défensive du Real, l’Uruguayen l’a aussi été avec, devenant une arme redoutable dans les transitions, capable de bloquer et d'attaquer Alba à la fois. Ici, aucune surprise tant on connaît le coffre énorme du bonhomme et sa capacité à construire des châteaux sans avoir besoin de beaucoup de sable (samedi soir, c’est l’élément offensif qui a touché le moins de ballons, 37). Résultat : la première période madrilène s’est transformée en exposé.

Quinze minutes après avoir détroussé le Barça à droite, c’est à gauche que les Catalans vont recevoir la deuxième gifle... Et, peu après la demi-heure de jeu, on a retrouvé Valverde...

À 2-0 à la pause, porté par une paire Kroos-Modrić très proche de ses centraux pour casser rapidement un contre-pressing barcelonais souvent perméable, deux moteurs (Vinícius et Valverde), un pivot en or (Benzema) et une défense intraitable, le Real s’est retrouvé logiquement devant. Lors de la seconde période, plus émotionnelle que rationnelle, face aux ajustements de Koeman (Dembélé replacé sur un côté, entrée de Griezmann), Zidane a vu ses hommes progressivement tirer la langue (aucun tir cadré), mais on a aussi noté que le technicien français a su adapter son approche pour ne pas trop s’exposer. La vérité est surtout dans les faits.

Un premier : cette saison, le Real n’a jamais lâché un gros match, que ce soit face au Barça, à l’Atlético, à l’Inter, à Liverpool, à l’Atalanta ou face à Gladbach, et n’a jamais été mené lors de ces chocs. Un second : Zidane a toujours su s’adapter et faire la différence sur son plan de jeu lors de ces rencontres. Certains peuvent évoquer la chance de l’entraîneur français, sauvé par la barre en fin de match, mais on se dit aussi qu’il ne récupère souvent que ce qu’il mérite grâce à son intelligence. Sous la pluie et l’orage de Madrid, c’est un succès à la Valverde que Zidane a obtenu samedi soir : en caméléon.

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