Publié le 22 Aug 2017 - 23:42
DECRISPATION DES RELATIONS DIPLOMATIQUES

Le Sénégal renoue avec le Qatar

 

Le Sénégal a décidé, hier, après trois mois de consultation, du retour de son ambassadeur à son poste à Doha, au Qatar. A travers son geste, Dakar exprimait sa solidarité ‘’agissante à l'Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis, au Bahreïn et à l'Égypte". Ces pays ont rompu leurs liens diplomatiques avec Doha qui, selon eux, soutient le terrorisme.

 

C’est le réchauffement des relations diplomatiques entre le Sénégal et le Qatar. Hier, après trois mois de consultation, Dakar s’est engagée à renouer avec ce pays ‘’ami’’. ‘’Le Sénégal a décidé, ce 21 août 2017, du retour à son poste à Doha, de son ambassadeur au Qatar, qui avait été rappelé pour consultation’’, rapporte-t-on dans une note diffusée hier. Ce faisant, poursuit le document, le Sénégal encourage ‘’vivement’’ la poursuite des initiatives en cours, en vue d’un règlement pacifique de la crise entre le Qatar et ses pays voisins. Dans l’esprit de la solidarité islamique, lit-on, le Sénégal est disposé à contribuer à tout effort allant dans ce sens.

Le mercredi 7 juin dernier, Dakar, en rappelant son ambassadeur au Qatar, s’est rangée du côté de l'Arabie saoudite et ses alliés, dans la crise qui secoue le Golfe. Ces derniers sont les Emirats arabes unis, Bahreïn et l’Egypte. Ils ont rompu leurs liens diplomatiques avec Doha qu’ils soupçonnent de soutenir le terrorisme. Et le Sénégal n’a pas été indifférent par rapport au climat délétère dans cette région : les autorités sénégalaises accordaient une attention particulière à cette ‘’lutte diplomatique’’ entre les géants de cette région. ‘’Le gouvernement du Sénégal suit, avec une vive préoccupation, la situation en cours dans la région du Golfe’’, informait un communiqué du ministère des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur. La même source soulignait ceci : ‘’Le Sénégal exprime sa solidarité agissante à l'Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis, au Bahreïn et à l'Égypte."

Dakar avait marqué le coup en rejoignant, le mercredi 7 juin dernier, la longue liste des Etats en rupture avec le Qatar. C’est une posture radicale, mais il n’y a ‘’pas de rupture ou de suspension des relations diplomatiques’’, indiquait une source au sein du gouvernement sénégalais. Avant d’ajouter : ‘’Un conseiller va gérer les affaires courantes.’’

Il faut dire que ce rappel de l'ambassadeur en poste à Doha a été un coup de semonce dans les relations entre le Sénégal et le Qatar. Parce que les relations entre ces deux pays semblaient être solides ces derniers mois : coopération économique, gestion secrète du dossier de Karim Wade (ce dernier a été accueilli à Doha après sa sortie de prison).

Le parti de Washington

Le 21 mai dernier, Macky Sall avait été invité à Ryad pour assister au discours de son homologue américain Donald Trump. C’est, semble-t-il, à cette occasion que le Sénégal et les Etats-Unis se sont engagés pour impacter sur les relations avec le désormais ‘’ex-ami’’ qatarien. Lors de ce premier déplacement à l'étranger en Arabie, le président américain a signé un accord sur ‘’une vision stratégique’’ pour renforcer les relations économiques et de défense entre le royaume saoudien et les Etats-Unis. Dans son discours à Ryad, la capitale saoudienne, devant des dirigeants du monde musulman, Trump a appelé à ‘’chasser’’ les extrémistes et ‘’les terroristes’’, en référence aux groupes djihadistes, auteurs d'attaques dans plusieurs pays. Il a aussi demandé à la communauté internationale ‘’d'isoler’’ l'Iran.

Après le rappel de l’ambassadeur du Sénégal au Qatar, le président Macky Sall s’est prononcé sur la crise diplomatique dans le Golfe persique. Il avait argué avoir agi par solidarité à l’égard de l’Arabie saoudite. “Nous soutenons cette initiative pour arriver à une désescalade et à une paix retrouvée entre pays partenaires”, motivait-il au sortir de son audience avec son homologue français Emmanuel Macron, au palais de l’Elysée. Le président Sall avait aussi appelé toutes les parties à travailler dans la perspective d’une solution négociée, dans l’intérêt de la Oumah islamique. ‘’Pour cela, nous espérons qu’il y aura une désescalade, surtout avec ce mois de ramadan”, souhaitait-il. Avant de saluer l’initiative du président Alpha Condé qui avait fait part de sa volonté de jouer les bons offices entres Saoudiens et Qataris.

Ryad et ses alliés reprochent également à leur voisin de soutenir les groupes islamistes, voire djihadistes et sunnites dans la région. Alors que Doha refuse de placer les Frères musulmans sur la liste des groupes terroristes et ‘’continue’’ d’apporter un soutien à plusieurs groupes islamistes proches de la confrérie, notamment en Libye et en Syrie. Abou Dhabi et Le Caire, qui considèrent pour leur part les Ikhwan (Frères musulmans) comme l’ennemi absolu, entretiennent des relations très tendues avec le Qatar depuis déjà plusieurs années.

En chef de file du camp sunnite, le roi Salmane d’Arabie saoudite, moins hostile que son prédécesseur à la confrérie, arbitrait jusqu’à récemment les conflits entre ces différents États. Mais, conforté dans sa ligne anti-iranienne par les récents discours du président américain Donald Trump, Ryad semble avoir décidé qu’il n’était plus question de tolérer la moindre dissidence au sein du “Sunnistan”. Ces mesures sont ‘’injustifiées’’ et ‘’sans fondement’’, réagissait le ministère des Affaires étrangères du Qatar dans un communiqué. Elles ont été prises ‘’en coordination avec l'Egypte’’ et ont un ‘’objectif clair’’ : placer l'Etat (du Qatar) sous tutelle. Ce qui, dénonce-t-il, marque une ‘’violation de sa souveraineté’’ et est ‘’totalement inacceptable’’. Exprimant ‘’son profond regret et sa surprise’’, le ministre qatari a déploré ‘’une campagne hostile, fondée sur des mensonges (...) témoignant d'une préméditation à nuire à l'Etat’’ du Qatar.

 Le Qatar coupé de ses voisins

Il faut relever que le projet de Donald Trump de créer un Otan arabe, qui aurait vocation à combattre l’extrémisme sunnite comme chiite, ressemble aujourd’hui plus que jamais à un mythe. Les pays arabes sunnites ne parviennent pas à s’entendre autour d’une stratégie commune et Ryad n’est toujours pas parvenue à imposer totalement son leadership aux autres puissances. Le Qatar, émirat aux moyens importants, notamment en gaz et en pétrole, mais qui reste un petit pays dans la région, apparaît néanmoins aujourd’hui plus isolé que jamais.

Outre la rupture des relations diplomatiques, l'Arabie saoudite a fermé ses frontières terrestres, aériennes et maritimes pour ‘’protéger sa sécurité nationale des dangers du terrorisme et de l'extrémisme’’. ‘’Elle a pris cette mesure décisive en raison des sérieux abus des autorités de Doha tout au long des dernières années (...) pour inciter à la désobéissance et nuire à sa souveraineté’’, selon un responsable saoudien. ‘’Le Qatar accueille divers groupes terroristes pour déstabiliser la région’’, accuse-t-on. L'Egypte a fermé également ses frontières aériennes et maritimes comme les Emirats et Bahreïn. Il a été aussi demandé aux ressortissants du Qatar, visiteurs ou résidents permanents dans les trois pays, de quitter ce pays.

 PAPE NOUHA SOUANE

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