Publié le 2 Jun 2013 - 18:43
EN PRIVÉ AVEC KADER PICHININICO

''Ici, on préfère soutenir les étrangers''

 

Sorti du Conservatoire en 1997, Kader Diarra allias Kader Pichininico a commencé avec la troupe ''Les sept kuus'' dont il était un des fondateurs.  L'artiste-comédien est l'un des rares membres de cette troupe à ne pas s'expatrier. Il fait son bonhomme de chemin au Sénégal et essaie tant bien que mal d'imprimer sa marque personnelle dans l'univers de la comédie. Initiateur d'un spectacle regroupant divers artistes du continent, Pichininico en explique les ressorts. Kader se libère aussi et balance ses vérités aux sponsors. Les autorités ne sont pas épargnées.

 

Comment êtes-vous arrivé à la comédie ?

J'étais à l'école et j'ai senti que j'étais apte à faire de la comédie. C'est une branche qui me plaisait. Je faisais rire tout le monde. Je me suis dit qu'il valait mieux que je me spécialise d'autant plus qu'au Sénégal, il y en avait pas. Je me suis dit qu'il fallait que j'essaie pour voir ce que cela donne.

Est-ce que pour vous faire de la comédie équivaut à faire le clown ?

Le clown fait partie des comédiens. En comédie, il y a différents styles dont celui-ci. Au Sénégal, le clown a un sens péjoratif, alors qu'à la base, il ne l'est pas. Le clown c'est quelqu'un qui fait rire. C'est son job, c'est sa spécialité. Pareil pour le bouffon, le tragédien ou l'humoriste.

Et vous vous situez où ?

Je me considère comme comédien parce que le comédien doit savoir faire tout cela. En tant que comédien professionnel qui a suivi une formation dans ce sens, j'ai étudié tous ces styles.

Parlez-nous de ce nouveau format par lequel vous vous illustrez depuis peu et qui commence prendre de l'ampleur au Sénégal : le stand-up...

C'est un art où le comédien est seul sur la scène et raconte des scènes de la vie uniquement pour faire rire ou des fois pour faire passer des messages. Le stand-up est écrit et quand on lit on peut le faire au second degré. Le stand-uper, c'est quelqu'un qui joue seul sur la scène.

Pourquoi avez-vous emprunté ce chemin ?

Il était normal que j'initie cela au Sénégal. Je suis Sénégalais et je savais que cela pouvait plaire au public. Je n'ai pas voulu m'expatrier comme les autres. J'ai choisi de rester au Sénégal, de vivre ma vie ici mais aussi de réussir ici. Et c'était ma spécialité. Je m'y suis essayé cela a marché. Et là je tente de le développer davantage.

Vous êtes l'un des initiateurs du ''Dakar comédie club''. Où en êtes-vous aujourd'hui ?

On a fait notre première à l'Institut français (de Dakar, ex-CCF). Maintenant, il y a une tournée avec le réseau de ladite structure qu'on va faire au mois de novembre. Là, on est en train d'écrire et de répéter pour le nouveau spectacle qu'on va jouer l'année prochaine. Chacun de nous a un sketch différent de celui de l'autre. On traite de divers sujets. Nous sommes quatre dans ce groupe. En plus de moi, il y a Hady Niang, Pape Meissa Guèye et Anne Marie Doliveira. Le groupe n'est pas fermé. On cherche des talents. On est en train de travailler avec Sen Média Prod sur une émission qui s'appelle ''Kaay ré''. On veut déceler des talents et donner la chance à des anonymes qui le méritent.

Le stand-up est un genre très prisé en Europe. Pensez-vous qu'il est destiné à un aussi bel avenir au Sénégal ?

Bien sûr que c'est possible. C'est pourquoi d'ailleurs j'organise le 6 juin prochain, au Grand-théâtre, un gala du rire. J'ai invité des gens qui ont participé à des festivals de stand-up à travers le monde. Une manière pour moi de faire comprendre aux Sénégalais qu'il existe une autre manière de faire du théâtre. Je suis comédien et je suis dans une troupe et je sais qu'il est difficile de voyager à sept ou huit pour aller prester dans d'autres pays. Mais une seule personne se déplace facilement pour aller faire son stand-up pendant une heure ou plus. C'est plus léger.

Venons-en à ce spectacle du 6 juin. Qu'est-ce qui motive son organisation au-delà de faire découvrir aux Sénégalais une autre forme de théâtre ?

J'ai pensé monter ce spectacle suite au match Sénégal/Côte d'Ivoire qui était émaillé par des incidents déplorables. Alors j'ai des amis humoristes ivoiriens avec qui je partageais des messages sur le net. On se taquinait et je me suis dit pourquoi ne pas organiser un événement avec ces amis-là pour jouer la 3e mi-temps du match. Ainsi, on va sensibiliser les gens sur la violence. Le sport ne rime pas avec la violence. Il faut dire également qu'au Sénégal, on a tendance à verser de plus en plus dans la violence. On ne nous connaissait pas comme ça. Pour l'intégration africaine, on va faire ce spectacle pour demander pardon à la Côte d'Ivoire. Donc, il faut tenter de jouer la 3e mi-temps pour réconcilier les peuples et adoucir les mœurs.

Et pourquoi la présence, dans la programmation, d'humoristes non ivoiriens comme les Burkinabés Siriki et Souké, ainsi que Seydou Abacha du Cameroun ?

Je me suis dit que, quelque part aussi, c'est pour l'intégration africaine. L'Afrique est un même peuple, il serait bien de les convier. Mais aussi, on a vu qu'en Afrique de l'Ouest c'est Blaise Compaoré (Président du Burkina Faso) qui est le facilitateur à chaque fois qu'il y a des problèmes entre deux pays ou dans un État. C'est pourquoi, Siriki et Souké viennent pour jouer les facilitateurs. Il vont arbitrer le match. Ensuite, Seydou Abacha, lui, est un Camerounais très connu. Il a son propre festival, il joue au festival de Montréal ''Juste pour rire'' et il fait les plus grands festivals du rire du monde. Je l'ai invité parce qu'Issa Ayatou est le président de la CAF. Ainsi, Abacha va représenter la CAF. Il est président de la CAF humoristique.

C'est vrai que Seydou Abacha a son festival, il y a aussi le ''Marrakech du rire'' avec Jamel. A quand un festival dakarois 100% stand-up ?

Ce gala n'est qu'un tremplin pour arriver à un événement du genre. On veut juste dire aux gens qu'il faut qu'ils nous aident. Car, il faut le dire, on n'est pas assez soutenu pour faire ce genre de choses. Je tiens à beaucoup remercier monsieur Keyssi Bousso du Grand-Théâtre qui a cru en ce projet et nous a beaucoup soutenus. Il est le seul à m'avoir aider pour asseoir ce projet-là. Il faut que nos autorités et les sponsors sachent qu'il n'y a pas que la lutte. C'est vrai que c'est un métier mais la comédie aussi en est un. Quand Jamel devait jouer ici, on a vu des sponsors. Ils ont aidé un milliardaire déjà connu. Aujourd'hui, nous ne sommes même pas ''millefrandaire'' et nous ne sommes pas connus. On vivote. Mais ils nous disent : ''L'idée est très bonne mais vous vous y êtes attelés trop tard.'' S'il faut développer le Sénégal, il faut appuyer les bonnes idées. Si cent entreprises nous donnaient chacune ne serait-ce que 100 000 francs mais c'est 100 millions et on pourrait organiser un très grand festival avec. On supporte les étrangers mais pas nous. Je ne suis pas raciste mais dans ce genre de manifestation, l'entrée est à 25 ou 30 000 francs. Ce sont les Libanais et autres blancs qui viennent. On veut un festival africain et pour les Africains. On va s'entraider avant d'aider les autres. C'est mieux que des étrangers viennent ici et prennent notre argent avant de rentrer. Je n'ai rien contre Jamel parce qu'il fait son job. Je suis contre ces Sénégalais qui ne veulent pas soutenir. C'est bien que Jamel soit là pour qu'on découvre un autre style de théâtre.

Combien vous coûte cet événement ?

Le budget prévisionnel est estimé à 15 millions de francs CFA. Tout n'est pas encore bouclé. Mais on a l'essentiel. Je rappelle que c'est en coproduction avec le Grand-Théâtre et là, il a donné presque les 2/3 du budget. Et c'est nous-même qui prenons en charge les artistes.

Concrètement, que doit-on faire pour que Dakar ait un événement annuel et pérenne, dédié au stand-up ?

C'est mon plus grand souhait de voir Dakar avoir son événement. J'en ai marre d'aller jouer dans d'autres festivals et qu'on ne vienne jamais chez moi. Après ce gala-là, je vais organiser le premier festival du rire du Sénégal. Il y a un festival du rire qui existe et qui se tient à Saint-Louis, le FRIT. Mais je dirais le premier festival du rire de Dakar.  Après le 6 juin, je vais prendre une date et on va commencer le travail pour ce festival.

Kader et les enfants, c'est une longue histoire. Que prévoyez-vous pour les enfants ?

Je vais sortir un single pendant les vacances pour eux. Je préfère pour le moment ne pas trop en parler. Car j'avais commencé à le faire sur une radio et des gens ont tenté de le copier. Cela ne m'a pas plu. C'est une chanson qui disait : ''Si j'étais président, je ferais de Kouthia mon Premier ministre, de Sanex tel autre ministre, etc.'' Et j'ai entendu des lutteurs dire la même chose.

 

PAR BIGUÉ BOB

 

 

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