Publié le 18 Jun 2019 - 21:36
GESTION DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

Plus de transferts de compétences et de fonds sollicités par les élus 

 

L’Etat doit transférer plus de compétences et de fonds, pour que les collectivités locales puissent financer elles-mêmes leur propre développement, en mettant en place les infrastructures de base nécessaires. L’appel a été lancé, hier, par le maire de la commune de Keur Saloum Diané, situé à Foundiougne, Abdou Lakhat Seck, lors d’un atelier de formation à Dakar.

 

L’Acte 3 de la décentralisation a entrainé la communalisation des anciennes communautés rurales. Cependant, cette mesure n’est pas sans conséquence. Selon le maire de la commune de Keur Saloum Diané, dans le département de Foundiougne, les communes rurales ont des ‘’difficultés’’ par rapport à leur assiette fiscale. ‘’On a beaucoup de problèmes pour recouvrir certaines taxes. Il faut une sensibilisation des populations. Il n’y a que les impôts minimums fiscaux et certaines taxes telles que les droits de place qu’on arrive à recouvrir. Or, il y en a d’autres comme celles sur la publicité qu’on peine à recevoir’’, indique Abdou Lakhat Seck.

Il s’exprimait hier, lors d’un atelier de formation des agents municipaux sur la gestion budgétaire.

D’après l’élu, cette situation est liée, d’abord, à un problème de personnel et de communication. ‘’Les populations qui étaient dans les communautés rurales, si on leur impose certaines taxes communales, vont penser qu’on veut les ruiner. C’est un problème de compréhension de la fiscalité de la part des populations et, d’une manière générale, c’est la différence qui se pose entre les communes rurales et celles urbaines. D’autre part, nous attendons plus l’Etat sur le transfert de technologies, de fonds. Il devait avoir, avec l’acte 3, des mesures d’accompagnement’’, renchérit-il.

Le maire de Keur Saloum Diané de dire : ‘’Je peux en témoigner, parce que de 2014 à nos jours, les transferts ont évolué, notamment sur les fonds de décentralisation et celui de concours. Mais nous jugeons qu’il reste encore beaucoup à faire.’’

En effet, le montant est estimé à une vingtaine de milliards de francs Cfa pour tout le pays. Ce que le maire de Keur Saloum Diané considère comme ‘’minime’’. ‘’Beaucoup d’activités au niveau des communes, c’est l’Etat qui les exécute et il n’y a pas de transfert. C’est l’Etat lui-même qui exécute ses marchés, qui construit les écoles, les postes de santé, etc. Il y a le Budget consolidé d'investissement (Bci), mais ce qui concerne ma commune, depuis deux, voire trois ans, nous n’en avons pas’’, fait-il savoir.

Or, les communes rurales utilisent ces Bci pour la construction d’écoles, d’infrastructures. ‘’Nous voulons vraiment que l’Etat nous transfert plus de compétences, de fonds pour que nous puissions faire face à cette problématique’’, insiste l’élu local. Pour M. Seck, l’acte 3 n’est certes pas un blocage pour le développement des collectivités territoriales, mais il reste encore beaucoup de challenges. ‘’On n’a fait qu’un premier pas, à savoir la communalisation intégrale. En ce moment, nous sommes en train d’évaluer la première phase avec la tutelle. On nous a envoyé des questionnaires pour l’évaluation de l’acte 3. Parce qu’on est en train d’aller vers la territorialisation des politiques publiques. Et nous pensons que, dans les prochains budgets, il y aura des changements’’, souligne Abdou Lakhat Seck.

Pour le maire de Keur Saloum Diané, l’acte 3 tel que conçu, est ‘’très bien’’, mais il devait avoir des mesures d’accompagnement pour les collectivités territoriales. ‘’Nous avons une lourde charge d’administrer la collectivité territoriale. Et aujourd’hui, nous voulons renforcer nos capacités de gestion, surtout en ce qui concerne la finance de ces collectivités qui est un casse-tête pour les élus. Il y a beaucoup de difficultés de gestion et notamment un manque de personnel, surtout pour les communes qui sont issues de la communalisation intégrale, avec l’Acte 3 de la décentralisation’’, signale M. Seck.

En plus, l’élu ajoute que les charges sont devenues ‘’très lourdes’’. ‘’Ce que nous pouvons faire, pour y faire face, c’est de renforcer nos formations de manière régulière. Il y a aussi beaucoup de choses à faire : une gestion efficace du budget, de l’ordonnateur au compte-administratif. Ce compte est une nécessité, on doit le préparer de manière transparente pour le conseil municipal et la population de manière générale’’, admet le maire de Keur Saloum Diané.

Un besoin de formation de 11 000 agents recensé

En réalité, selon le consultant et inspecteur principal du trésor à la retraite, François Antoine Gomis, la tenue des finances au niveau des collectivités est marquée par un ‘’personnel routinier’’. ‘’Ils font une tâche et ne savent pas pourquoi et quel est l’objectif poursuivi. Alors, il est nécessaire de mettre à niveau les agents des collectivités locales en dehors des élus. L’Exécutif prépare son projet de budget et passe comme lettre à la poste. Les gens, en commission budgétaire, n’y comprennent rien’’, regrette M. Gomis.

Or, d’après l’ancien inspecteur, la gestion financière est une technique qu’on n’est pas obligé de connaitre, compte tenu de son niveau de formation. ‘’On a des collectivités qui fonctionnent très mal. Il y en a qui ne tiennent pas des réunions d’orientation budgétaire, d’autres qui ne font pas de compte administratif, etc. Il y a, aujourd’hui, un besoin de formation de 11 000 agents. C’est nécessaire pour que l’acte 3 puisse atteindre ses objectifs et que le pays puisse avancer’’, informe-t-il.

En plus, le coordonnateur de la formation menée par le cabinet Marketing, Communication et Conseil (Mcc) soutient que pour le démarrage de la fonction publique locale, c’est une ‘’valeur ajoutée’’ que cette formation va apporter dans le renforcement qualitatif de l’acte 3. ‘’Les formateurs sont bien outillés en ingénierie de formation et la formation se passe dans différentes langues. Nous sommes partis d’une expression de besoins des collectivités locales qui se renouvellent avec les élections. Donc, chaque mandat qui commence, débute avec des élus qui font leurs premières expériences dans ces institutions. Il est bon de les former pour les amener à bien remplir leurs missions. C’est une obligation pour les communes de le faire. Mais aussi, c’est leur droit’’, précise Amath Camara.  

MARIAMA DIEME

 

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