Publié le 24 Jan 2019 - 00:20
HAUSSE DU PRIX DU PAIN

Le Directeur du Commerce dit niet

 

Le gouvernement du Sénégal reste sur sa position concernant l’élimination de la vente de pain dans les boutiques de quartier tant réclamée par la Fédération nationale des boulangers du Sénégal et exige le retour des kiosques. Toutefois, concernant la hausse du prix et du grammage de la baguette standard, le Directeur du Commerce intérieur, Ousmane Mbaye, a indiqué dans un entretien avec EnQuête que ce serait léser les consommateurs de petite bourse.

 

Au Sénégal, le prix du pain a été homologué depuis 2014, avec l’arrêté ministériel ‘’n°8262 en date du 19 mai 2014 portant homologation des prix plafond du pain à Dakar’’. Ainsi, la baguette de 190 g est fixée à 150 FCFA, celle de 125 g à 100 F et celle de 65 g à 50 FCFA. Dès lors, il n’est pas loisible aux distributeurs ou boulangers de procéder à des réajustements, sans qu’au préalable que ça passe par les procédures appropriées. Il s’agit, selon le Directeur du Commerce intérieur (Dci), des cellules du ministère du Commerce, avec à l’appui tous les éléments qui pourraient justifier un texte de réajustement soit à la hausse ou la baisse. ‘’Aujourd’hui, à l’examen des différents éléments qui entrent dans la production du pain, nous n’en avons pas un seul dont le prix est revu à la hausse. Au contraire, nous avons noté que la farine, l’électricité et le carburant ont vu leur prix baisser, sans pour autant que cela ne soit pris en compte dans le prix du pain, qui a été administré depuis en mai 2014’’, souligne Ousmane Mbaye, joint au téléphone, hier, par EnQuête.

Sur ce, il déclare que les boulangers ‘’ne peuvent pas’’, du jour au lendemain, procéder à une hausse du prix du pain. Ils risquent de se confronter à la rigueur de la loi. Aujourd’hui, selon le Directeur du Commerce intérieur, toute vente de pain au prix supérieur à 150 F CFA pour la baguette de 190 g sera considérée comme une pratique ‘’illicite’’. Auquel cas, elle sera sanctionnée conformément à la loi.

‘’Beaucoup de boulangers trichent sur le poids du pain’’

‘’Mais, nous constatons également qu’il y a beaucoup de boulangers qui trichent sur le poids du pain. A chaque fois qu’on mène des opérations de contrôle, nombreux sont les boulangers chez qui on le constate. Ceci aussi justifie notre réticence quant à l’augmentation du poids, afin de revoir le prix à la hausse. Si on laisse la latitude aux boulangers de le faire, nous n’avons pas les assurances qu’il faut qu’ils vont respecter le grammage, tel qu’il est indiqué’’, ajoute M. Mbaye. Ainsi, de façon obligatoire, la baguette de 190g est vendue à 150 F CFA.

Maintenant, si les boulangers veulent faire une baguette supplémentaire, avec un prix déterminé, il leur est recommandé un poids qui correspond au coût. Par exemple, si on fait une baguette qui est de 250 g, on doit la vendre en appliquant le coefficient qui est d’un franc pour 0,78g. ‘’Il y a des boulangers qui le font. Mais, on laisse la latitude aux consommateurs de faire leur choix en trouvant dans la boulangerie la baguette standard de 190 g et les autres. Cependant, en supprimant celle standard, on ne laisserait pas le choix aux consommateurs, surtout ceux qui sont de faibles bourses de pouvoir l’acheter à 150 F CFA’’, explique le Dci. 

Pour lui, le principal problème du secteur n’est pas le prix du pain. Il y a aussi, les distributeurs qui ‘’prennent en otage’’ les boulangers, et obtiennent des marges que ces derniers ‘’ne sont pas’’ en mesure d’avoir. ‘’Ils ne doivent pas chercher le problème dans le prix de la farine. C’est plutôt celui dans la structuration. Sur cette question, nous sommes disposés à réfléchir avec eux pour trouver une solution à ce problème. Il y a beaucoup de sujets sur lesquels, nous devons porter la réflexion ensemble. Ceci pour essayer d’avoir un produit de qualité à un prix accessible et qui rémunère aussi le travail des boulangers’’, préconise M. Mbaye.

Un secteur ‘’complètement désarticulé’’

En fait, dans un communiqué publié vendredi dernier, la Fédération nationale des boulangers du Sénégal avait invité le gouvernement à ramener le poids de la baguette de référence de 190 grammes à 250 grammes pour le prix de 200 francs CFA. Mais, aussi, ‘’l’application immédiate de l’interdiction de la vente du pain dans les boutiques, la réglementation de l’ouverture anarchique des boulangeries et l’application de l’arrêté ministériel portant interdiction de la distribution inter-région du pain’’.  La fédération souligne aussi que ‘’depuis la tenue des concertations de la filière boulangère en décembre 2017, aucune mesure n’a été prise par le gouvernement pour l’application des conclusions de cette rencontre’’.

A ce propos, M. Mbaye relève que les conclusions de ces concertations étaient diverses. Mais, la principale qui tenait à cœur les boulangers, concerne l’assainissement du secteur de la distribution. ‘’En effet, c’est un secteur qui a été complètement désarticulé au point qu’aujourd’hui, les équipements commerciaux qui existaient pour assurer la distribution finale aux consommateurs, il s’agit notamment des kiosques, ont disparu. Nous avons dit à la Fédération, que nous sommes disposés à travailler ensemble pour assainir le secteur’’, dit le Dci. Mais, dans ce cadre, il précise qu’il y a des préalables à régler, parmi lesquels figurent l’installation des kiosques. ‘’Parce qu’il n’est pas du rôle du gouvernement de fabriquer des kiosques et de les installer. On leur a dit que s’ils règlent de ce point, nous sommes disposés à les accompagner pour qu’on puisse mettre fin à la distribution du pain dans les boutiques. Le faire sans cette disposition entrainerait une perturbation d’un produit aussi sensible qu’est le pain. Or, le gouvernement n’est pas prêt à aller dans cette dynamique. A savoir celle qui consiste à supprimer la vente du pain dans les boutiques préalablement à l’installation des kiosques’’, fait savoir M.  Mbaye.

Claude Demba Diop : ‘’Il n’y a pas de hausse, c’est juste un rétablissement des prix’’

Pour la Fnbs, le ‘’prix harmonisation’’ de la farine fixé par l’Etat entraine ‘’le dysfonctionnement de la libre concurrence entre les meuniers’’. Sur cette question, le président de l’Association des meuniers et industriels du Sénégal (Amis), Claude Demba Diop, souligne que le gouvernement avait fixé le prix du sac de farine à 16 200 francs CFA. ‘’Nous-mêmes meuniers, à cause de la concurrence, avons été amenés à baisser progressivement notre prix au point d’atteindre 14 000 francs CFA et, quelques fois même, 13 500 F CFA. Mais, cela ne répondait à une aucune logique économique. Les boulangers en ont profité pour prendre goût des prix bas, au point que, quand on l’a remis au prix normal, ils ont pensé que c’était une hausse. Or, tel n’est pas le cas. Eux-mêmes le savent. C’est juste un rétablissement des prix’’, précise M. Diop au téléphone.

Ce meunier estime que ce qui se passe avec les boulangers, c’est plus un problème d’organisation lié à des habitudes qui se sont installées, faisant qu’ils se plaignent du prix de la farine. ‘’Il faut accepter que, quand on a fixé le prix de la baguette à 175F CFA ou 150 F dans certaines zones, le sac de farine coûtait 18 000 F CFA. Aujourd’hui, ils ne peuvent pas dire qu’ils perdent, alors que le prix de la farine est à 16 200 F CFA. C’est un problème de concurrence entre boulangers qui a conduit à sacrifier le prix de la distribution. Toute la marge que les distributeurs percevaient avant, ils l’ont remis aux maïgas (fast-food)’’, renchérit le président des meuniers.

La baguette qui est censée être vendue à 150 francs ou 175 F dans certaines régions est remise à 100 ou 110 F aux revendeurs. Il n’y a que 40 F CFA de frais de distribution. ‘’Ce qui n’est pas acceptable. S’il y a des aménagements à faire, ce sera plutôt de ce côté-là’’, soutient-il.  Il faut rappeler que le prix actuel de la farine complémentée à savoir celle boulangère, est à 16 200 F CFA et celle améliorée est à 16 700 F CFA.

MARIAMA DIEME

Section: