Pour une croissance résiliente face au climat
Le lancement du premier rapport sur le climat et le développement (CCDR) du groupe de la Banque mondiale pour le Sénégal s'est tenu hier à Dakar. En effet, ce rapport national constitue un nouvel outil de diagnostic approfondi, intégrant de manière simultanée les enjeux de changement climatique et de développement. Il propose une analyse détaillée de l'intersection entre ces deux dimensions, en formulant des recommandations stratégiques pour renforcer la résilience face aux impacts climatiques.
Hier, Dakar a accueilli la cérémonie de lancement du premier rapport sur le climat et le développement (CCDR) du groupe de la Banque mondiale pour le Sénégal. Celle-ci a été marquée par la présence des représentants des autorités, des partenaires au développement et des acteurs du secteur privé.
En effet, dans un contexte où le développement durable du Sénégal est aussi lié aux changements climatiques, il est indiqué que le rapport CCDR vient en appui et s’aligne à la Vision 2050 du Sénégal. Dans cette optique, la directrice des Opérations de la Banque mondiale au Sénégal, Keiko Miwa est revenue sur l’objectif et les différentes stratégies que propose le rapport. ‘’Le Sénégal est à la croisée des chemins avec la nouvelle vision 2050. Le rapport CCDR constitue un outil important d’appui au gouvernement du Sénégal pour l’identification des voies de réduction des vulnérabilités climatiques et des émissions de gaz à effet de serre ainsi que des avantages et des opportunités qui en découlent’’, a-t-elle déclaré.
Autrement dit, l’objectif de ce rapport est de promouvoir une croissance durable et inclusive au Sénégal en tenant compte des défis environnants, car il met en lumière les enjeux climatiques pressants auxquels le pays fait face et, par conséquent, propose des stratégies visant à guider le pays vers une croissance durable et résiliente.
La DG Keiko Miwa articule son discours autour de trois mots clés : ‘’L’adaptation, l’action urgente et le financement’’. Pour elle, ce sont les trois messages principaux pour guider le Sénégal sur la voie de la résilience climatique et de la prospérité. Elle explique : ‘’Premièrement, la vision d’un Sénégal prospère, porté par 39 millions d’habitants à l’horizon 2050, est une ambition réalisable, si elle intègre pleinement les considérations climatiques. Ici, le mot clé est l'adaptation’’, précise-t-elle.
En effet, les pertes annuelles moyennes du PIB pourraient atteindre jusqu'à 9,4 % d'ici 2050, si aucune mesure d’adaptation aux changements climatiques supplémentaires n’est prise. ‘’Par ailleurs, elle affirme que les mesures climatiques peuvent inverser cette tendance négative et favoriser la croissance économique estimée, pour les seules mesures d'adaptation, à au moins 2 % du PIB d’ici 2030’’. Les avantages et les gains socioéconomiques de l'action climatique sont considérables, notamment l'augmentation de la productivité agricole, la sécurité alimentaire et hydrique, l'amélioration de la santé publique, l'amélioration des services écosystémiques, une meilleure mobilité, une énergie moins chère et plus fiable, et la création de nouveaux emplois’’, précise-t-elle de façon explicite.
Ainsi, l'action climatique pourrait créer environ 155 000 nouveaux emplois, tout en mettant en valeur le potentiel considérable de l'agriculture, de l'élevage et de la pêche.
Concernant l'action urgente, elle explique que ce sera le moyen de viser une transformation durable. Elle a insisté sur l'importance de prendre des mesures immédiates pour éviter les coûts élevés de l’inaction. ‘’Ce que ces chiffres nous apprennent, c’est que l’inaction climatique coûte cher et menace les ambitions de développement du Sénégal’’.
Les recommandations du CCDR appellent donc à renforcer la résilience des secteurs cruciaux comme l'alimentation, l'eau et les écosystèmes ainsi qu'à développer des infrastructures urbaines durables et un capital humain de qualité. ‘’Pour concrétiser cette ambition et permettre au Sénégal de suivre une trajectoire de croissance résiliente face au climat, le CCDR préconise de prioriser et d’accélérer les mesures de résilience et d’atténuation en fonction de leur urgence. Ces mesures devraient se concentrer sur les systèmes productifs (sécurité alimentaire, sécurité hydrique, forêts), les villes durables, le capital humain ainsi que sur des actions concrètes pour faciliter la transition énergétique’’. D’après le DG, la transition vers une économie sobre en carbone doit aussi être une priorité, car elle permettra de bâtir un modèle de croissance inclusif et productif.
Vers un financement substantiel :
‘’La réalisation des objectifs climatiques du Sénégal nécessitera des ressources financières importantes, notamment du secteur privé ainsi que des approches innovantes et des réformes politiques pour assurer la durabilité à long terme’’, informe la directrice des Opérations de la Banque mondiale Keiko Miwa.
De ce fait, elle estime que les besoins d'investissement s'élèveraient à 8,2 milliards de dollars pour la période 2025-2030 et à 10,6 milliards de dollars pour la période 2031-2050. Elle a souligné que ces montants, bien qu’importants, sont nécessaires pour assurer la pérennité et l'impact des initiatives climatiques, et a réaffirmé l'engagement de la Banque mondiale à mobiliser ces fonds aux côtés d'autres acteurs.
Pour appuyer ses propos, le directeur régional de la Société financière internationale (IFC), Olivier Buyoya, souligne que le rapport (CCDR) se veut plus qu'un simple document. ‘’Ce rapport est conçu comme une feuille de route visant à renforcer l'intégration des enjeux climatiques dans les cadres législatifs et dans l'agenda de développement durable du Sénégal’’, dit-il.
Selon lui, le pays fait déjà des efforts notables en matière de développement durable, mais l'urgence climatique exige une accélération et une coopération accrue entre les secteurs public et privé.
Par ailleurs, au vu de la complexité de la tâche et des immenses besoins en financement, l’IFC se place comme un soutien pour la mise en œuvre de solutions climatiques en mobilisant ses capitaux et son expertise. ‘Nous entrevoyons cinq grands axes permettant d’accroître de manière tangible la participation du secteur privé pour le financement de l’action climatique au Sénégal. En premier lieu, mobiliser les financements multilatéraux et concessionnels : des partenariats avec les institutions de développement tels que le groupe de la Banque mondiale et la Bad, via des obligations durables et thématiques, faciliteraient l’accès des PME aux financements verts, énumère le directeur régional. Ensuite, développer les initiatives du secteur financier national : encourager les banques publiques et internationales à augmenter les financements pour les PME en utilisant des garanties de crédit partielles et des fenêtres de financement vertes.
En outre, innover dans les structures financières : en introduisant des mécanismes financiers innovants, comme des garanties de liquidité pour les projets climatiques, nous renforçons la confiance des investisseurs.
THECIA P. NYOMBA EKOMIE