Publié le 14 Mar 2020 - 02:00
MACKY SALL SUR LE TRAFIC ILLICITE DE BOIS

‘’Nous ne laisserons aucun répit aux coupeurs de bois, trafiquants et à leurs complices’’

 

Aux coupeurs de bois, trafiquants et à leurs complices, le chef de l’Etat sénégalais se veut ferme sur le trafic de bois en Casamance. Hier, lors du Conseil présidentiel entre le Sénégal et la Gambie tenu à Dakar, Macky Sall a affirmé qu’ils ne leur laisseront ‘’aucun répit’’ et les peines seront alourdies.

 

La BBC vient d’éventer un vaste pillage du bois sénégalais par la Gambie, avec des niveaux de complicité insoupçonnés. Le président de la République du Sénégal était attendu sur la question, hier, lors du Conseil présidentiel entre le Sénégal et la Gambie. Il ne s’est pas dérobé. Il s’est même voulu ferme sur la question. ‘’C’est une catastrophe majeure que nous ne pouvons pas laisser perdurer. Je veux dire fermement aux coupeurs de bois, aux trafiquants et à leurs complices que nous ne leur laisserons aucun répit. Nous continuerons de mobiliser tous les moyens nécessaires pour mettre fin à cette pratique néfaste, y compris par un alourdissement des peines prévues à cet effet’’, met en garde le président Sall devant son homologue gambien.

Le chef de l’Etat sénégalais estime qu’une ‘’meilleure collaboration’’ s’impose aux deux Etats voisins, pour la préservation de l’environnement dans l’espace sénégambien. Puisque le trafic illicite de bois est en train ‘’de décimer’’ leurs forêts, ‘’d’appauvrir’’ la biodiversité et de ‘’mettre en péril’’ les conditions de vie de leurs populations.

Dans la feuille de route sur la défense, la sécurité, la gestion des frontières et l’environnement établie par la réunion ministérielle préparatoire de ce conseil et rendue publique à cette occasion, il est mentionné que le Sénégal a souhaité connaitre les mesures prises par la Gambie pour contribuer à la lutte contre le trafic illicite de bois.

En réponse, ‘’la partie gambienne a informé avoir pris des mesures concrètes, devenues effectives, contre l’exploitation du bois à partir du port de Banjul’’. De ce fait, le document apprend que ‘’les deux parties sont convenues de renforcer leur collaboration à travers le cadre multisectoriel conjoint impliquant les forces de défense et de sécurité des deux pays, pour lutter plus efficacement contre la coupe et le commerce illicite de bois’’.

Circuler 24h/24 entre le Sénégal et la Gambie

Héritiers d’un même patrimoine commun de parenté, d’amitié, de voisinage, de traditions socio-culturelles et de valeurs civilisationnelles, le président Sall appelle à la préservation de ces liens entre les deux peuples. ‘’Ces liens multiples, puissants et anciens donnent la pleine mesure de la responsabilité qui nous incombe, et il nous faut soigner ces liens. Il nous faut les enrichir et, surtout, les transmettre aux générations futures. Ce qui nous unit, c’est toute cette continuité humaine, géographique et surtout sociologique qui va au-delà des schémas classiques d’intégration’’, dit-il. Car il est d’avis que leur destin est entre leurs mains. Donc, il pense que c’est à eux de le bâtir ensemble et solidairement. ‘’C’est pourquoi nous sommes tenus de nous concerter en permanence, de nous rendre visible mutuellement, de dialoguer en toute confiance et de rester solidaire en toutes circonstances. Le pont de la Sénégambie est à la fois une infrastructure de développement, un trait d’union de plus entre nos peuples et un outil d’intégration africaine par la libre circulation des personnes et des biens’’, renchérit le président Sall.

D’après le chef de l’Etat sénégalais, il est important, de ce point de vue, que les deux gouvernements veillent à la fluidité du transport public comme privé de part et d’autre. ‘’C’est la finalité même des investissements importants consentis pour la réalisation du pont. Les blocages et autres entraves à la libre circulation des personnes et des biens ne sont pas acceptables. Nos services respectifs ne doivent pas tolérer de tels agissements qui sont contraires aux accords bilatéraux et instruments communautaires de la CEDEAO sur la libre circulation des personnes et des biens’’, relève-t-il.

Pour Macky Sall, il est ‘’tout aussi important que les deux gouvernements poursuivent les concertations, de manière à lever les entraves à l’application intégrale de l’accord sur les transports routiers. Ceci y compris par la mise en place de l’Observatoire de pratiques anormales, conformément aux conclusions de notre premier Conseil présidentiel’’.

Concernant les modalités relatives au fonctionnement du pont de la Sénégambie, les deux pays ont accepté de travailler ensemble pour s’assurer que la frontière commune soit ouverte 24h/24. Ceci afin de promouvoir la libre circulation des personnes et des biens. Ils l’ont notifié dans la nouvelle feuille de route sur les relations économiques et commerciales entre les deux pays, dressée à la sortie de la réunion des ministres.

Ces derniers ont aussi relevé que les difficultés sont liées aux retards liés à la mise en œuvre de l’accord sur les transports routiers, en particulier en son article 3 relatif aux licences inter-Etats. Mais aussi le quota jugé ‘’insuffisant’’ et ‘’la rotation illimitée’’ des sociétés nationales de transport telles que Dakar Dem Dikk et GTSC.

Dès lors, les deux Etats sont tombés d’accord pour ‘’réduire les impacts et limiter la rotation’’ des véhicules de ces deux sociétés de transport public à ‘’un maximum de deux bus par jour et par compagnie’’. Sur ce, il est décidé de lancer conjointement l’accord le 29 mars prochain, avant la Journée de la libre circulation en Sénégambie, prévue 31 mars 2020. Et pour le transport aérien, il est convenu la domestication de la ligne Dakar - Banjul. A ces fins, une réunion d’experts suivie d’une rencontre des ministres est prévue avant fin juin 2020.

‘’Des patrouilles mixtes le long des frontières’’

Des lenteurs, les ministres en ont également noté dans la mise en œuvre du Programme de développement du corridor côtier Praia – Dakar - Abidjan sur un linéaire de 3 500 km. À cet égard, dans ce nouveau document, le Sénégal, en sa qualité de président du Comité ministériel dudit programme, a invité la Gambie à procéder à la ratification du traité du corridor avant la fin du 2e trimestre 2020. A ce propos, l’Etat gambien a souligné la nécessité de prendre des mesures nécessaires à l’achèvement du processus de ratification pour la mise en œuvre du programme sous-régional.

Relativement au corridor autoroutier Praia - Dakar - Abidjan, la Gambie a confirmé l’impératif de mener une étude de son passage par Banjul. ‘’D’autres défis sont à relever. Je pense au parachèvement des travaux de délimitation et de démarcation de la frontière. La Commission mixte sénégalo-gambienne de gestion des frontières devrait intensifier ses efforts dans ce sens. Ce qui permettra à nos deux pays de mieux lutter contre la criminalité transfrontalière grâce à une collaboration plus harmonieuse de nos forces de défense et de sécurité, par des patrouilles mixtes le long des frontières’’, signale, par ailleurs, Macky Sall.

En fait, le président Sall a rappelé que, lors de la 1re édition, des actions communes à mener ont été identifiées dans des domaines prioritaires tels que la défense, la sécurité, la justice, les affaires consulaires, la libre circulation des personnes et des biens, etc. ‘’Ces priorités restent au cœur de notre agenda et nous pouvons y ajouter l’investissement et la collaboration entre nos secteurs privés comme facteur de développement et d’intégration. Il y a aussi le domaine culturel. C’est fondamental d’affirmer et de raffermir notre patrimoine culturel commun et d’en faire un viatique pour les jeunes générations’’, ajoute-t-il.

Barrow prône la promotion des destinations touristiques

Pour sa part, son homologue gambien a soutenu que cette rencontre leur permet de dialoguer sur des questions ‘’d’intérêts communs’’, de prendre des ‘’décisions concrètes’’ pour le bénéfice mutuel des deux pays et le développement socio-économique des peuples.

Ainsi, bien que la mise en œuvre des accords signés lors du 1er Conseil présidentiel ait connu un succès pour certains projets, Adama Barrow précise également qu’il reste ‘’encore beaucoup à faire’’. ‘’Dans le cadre de notre coopération économique, le tourisme et le commerce sont deux domaines dans lesquels les deux pays peuvent réaliser des progrès significatifs. Les acteurs du tourisme doivent collaborer dans le but de renforcer les capacités des institutions d’accueil, tant en Gambie qu’au Sénégal’’, suggère le chef de l’Etat gambien.

Adama Barrow trouve que le partage d’expériences sur les destinations touristiques des deux pays est aussi un secteur à promouvoir au bénéfice des deux parties, vu leur proximité géographique. ‘’Les experts des deux pays peuvent mener des études et proposer des points d’accord. Cela peut éventuellement conduire à la création d’un marché unique de destination touristique qui sera le plus compétitif de la sous-région et au-delà’’, préconise-t-il.

Il convient de noter que, dans le cadre de la coopération douanière, dans la feuille de route n°2 pour la facilitation des échanges économiques et la libre circulation, la douane sénégalaise et la Gambia Revenue Authority ont convenu de mettre en œuvre un mémorandum d’entente sur l’assistance mutuelle administrative, signé en 2016. Il est aussi suggéré sa mise à jour, notamment, en ses articles relatifs à l’assistance en matière de recouvrement, à la mise en œuvre de la procédure des livraisons surveillées et à l’exercice du droit de poursuite transfrontalière.

Pour la facilitation des opérations de transit, il est prévu de mieux sensibiliser les opérateurs économiques sur la nécessité de communiquer aux autorités douanières locales compétentes, toutes les difficultés rencontrées lors du passage aux frontières.

Sous l’impulsion des comités nationaux d’agrément du Sénégal et de la Gambie, les deux parties se sont engagées à définir, durant le 1er semestre de 2020, les modalités de coopération et le suivi de la mise en œuvre du schéma assortis d’une feuille de route.

Signature de 5 accords

L’accord sur le commerce et le transit a été signé à hier. La partie gambienne a soulevé la question relative aux mesures de délimitation, par la partie sénégalaise, du transport de la noix de cajou par les camions à travers la frontière sénégalaise. Ce qui affecte, d’après eux, leur économie. En réponse à cette préoccupation, le Sénégal a décidé de faciliter le transit des noix de cajou à destination de la Gambie, en conformité avec les dispositions réglementaires internationales et celles de la CEDEAO sur le transit. Ceci se fera en application des règles régissant le transit, en particulier la production d’un certificat d’origine et d’une déclaration d’exportation dûment délivrés par le pays d’origine, ainsi que le respect des formalités relatives à la déclaration en transit au niveau de l’Administration des douanes sénégalaises.

Le Conseil présidentiel a permis, hier, de finaliser et de signer 5 accords. Ils concernent l’entraide judiciaire en matière pénale, l’extradition, le commerce et le transit, le redéploiement industriel, et un accord entre la Brigade nationale des sapeurs-pompiers du Sénégal et la Gambia Fire and Rescue Service’’ (GFRS).

Il convient de noter que la tenue du 3e Conseil sénégalo-gambien est envisagée en Banjul. Mais pour le moment, la date n’est pas encore indiquée.

MARIAMA DIEME

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