Publié le 28 Sep 2018 - 14:06
MESSE A LA CATHEDRALE

L’ultime adieu de Bruno

 

Après l’hommage devant le palais de la République, le cortège funèbre s’est ébranlé vers la cathédrale, où l’ultime adieu a été fait à l’ancien chef du Service protocolaire de la Présidence.

 

‘’Seigneur, je suis avec vous ; tous les jours, jusqu’à la fin des temps’’. Voilà entre autres vers empreints de foi et d’amour, chantés par des jeunes, des garçons et des filles, le long de l’après-midi d’hier, pour accompagner Bruno Diatta dans sa dernière demeure, au cimetière de Bel-Air.

A la cathédrale Notre-Dame-des-Victoires de Dakar, l’émotion est à son paroxysme. Certains proches arrivent difficilement à se retenir. Des larmes perlent sur leurs visages lourds de tristesse. ‘’Maman, sèche tes larmes’’, lâche avec beaucoup de douceur l’une des deux filles de Bruno qui ont parlé au nom des enfants : Guilaine, Pierre Edouard, Olivier et Yalis. ‘’Nous savons à quel point tu l’aimais, dit-elle, s’adressant à sa maman qui ne cessait de pleurer. Nous avons vu à quel point il t’aimait. Tu peux être fière de toi, maman. Si papa a pu être cet homme, c’est aussi et surtout grâce à toi maman. Toi qui l’as épaulé pendant plus de 42 ans. Tu es restée à ses côtés, le poussant, le tirant, l’encourageant à toujours donner le meilleur de lui-même. Garde la tête haute, maman. Nous sommes tous là pour toi et avec toi. Maman, sois apaisée, ton mari est en paix’’, fredonne-t-elle sous les frissons du public.

Pendant ce temps, la chorale Julien Jouga de la Médina distille de belles mélodies. Des mélodies qui, de temps en temps, sont reprises en chœur par les fidèles qui sont venus de tous les coins de Dakar et même au-delà. ‘’Papyno, continue l’une des représentantes des enfants, tes petits-enfants que tu aimais tant et qui te le rendaient si bien ne t’oublieront jamais. Je t’en fais la promesse. Je leur dirai jusqu’à mon dernier souffle quel homme fantastique tu étais. Je leur dirai que leur grand-père était un guerrier, une légende, qu’il était notre héros. Je leur montrerai la voie que tu as tracée, et sur tes pas, ils marcheront, papa’’. Pour elle, Bruno est et restera ‘’leur berger, leur exemple…’’ ‘’Papa, continue-t-elle, tu as fixé la barre très haut, mais nous serons à la hauteur, pour toi. Notre amour pour toi est infini. Tu vis en nous, pour toujours et à jamais. Nous sommes si fiers de toi papa. Repose en paix ‘Jambar’ (Guerrier). Nous t’aimons tendrement’’.

Comment Bruno est mort ?

Le long de la cérémonie, c’est une longue procession qui faisait le tour pour se recueillir devant la mémoire du défunt. Avec des trémolos dans la voix, le porte-parole de la famille est, lui, revenu sur comment l’ancien chef du Protocole présidentiel a rendu l’âme. Il témoigne : ‘’Sa mort est d’une foudroyante douceur. Il est mort entouré par trois petites filles. L’une qui l’éventait parce qu’il avait chaud ; l'autre qui lui offrait des bonbons. C'est un symbole fort. Moi, j’en déduis que c'est Dieu qui lui a envoyé des anges. Si c’était en wolof, je dirais que Bruno ‘dou yonnente, wayé waliou leu’ (Bruno n’est certes pas prophète, mais il est homme de Dieu.  Car, être prophète c’est de la volonté divine. Par contre, c’est l’homme qui se fait ‘’waliou’’ tout seul, de par son œuvre, son courage, sa bonté. Ce que Bruno a su faire avec brio ; et c’est ce que nous retenons de lui. Nous devons tous nous inspirer de ses qualités’’.

Bruno, comme l’appelaient affectueusement les Sénégalais, fait ainsi l’unanimité. Les multiples témoignages illustrent éloquemment la dimension de l’homme d’Etat qu’était l’ancien chef du Protocole. Mais on peut affirmer sans risque de se tromper qu’hier, les témoignages de ses deux filles Guilaine et Yalis ont ravi la vedette à presque tous les autres. Pour les enfants, Bruno Diatta était un excellent père, un excellent mari, un excellent grand-père. Il était, selon toujours leurs dires, l’excellence incarnée. ‘’Papa, tu n’étais pas seulement ‘’Excellence’’, tu étais aussi le roi de notre existence. A travers nos larmes, nous te célébrons. Nous célébrons ton existence, nous célébrons ta vie. Nous rendons grâce à Dieu. Et, humblement papa, nous te disons merci. Merci de nous avoir enivrés de ton amour. Merci de nous avoir rendus si riches de tes valeurs. Merci de nous avoir donné la vie. Merci de nous avoir donné ta vie’’, confie l’une d’elles, toute en larmes. ‘’Papa, renchérit-elle, tu peux partir serein, car nous n’avons pas peur. Tu nous as donné des armes pour affronter la vie. Tu nous as donné ton courage, ta dignité, ta fierté, ton honneur. Et nous te faisons la promesse que, jamais, nous ne te décevrons’’.

Ainsi, pour les enfants, l’héritage de leur père est tout simplement un trésor qu’ils tâcheront de garder jalousement. ‘’Tu es et tu resteras notre pilier, notre force, notre référence’’, écrivent-ils dans leur hommage empreint d’émotion.

Mais ce serait très réducteur de réduire l’ancien chef du Protocole aux témoignages de ses seuls enfants. Hier, des Sénégalais ont afflué de partout. Des connaissances comme des inconnus. Monique, la vingtaine, vient de Grand-Yoff. Pour rien au monde, elle n’a voulu manquer cet ultime hommage à l’enfant de Cabrousse. Bruno, pour elle, est un modèle pour tous les Sénégalais. Elle déclare : ‘’Je n’ai jamais assisté à une cérémonie pareille. C’est très émouvant. En tant que jeune chrétienne, je pense que nous devons nous appuyer sur son legs pour être de bons croyants, être utiles à notre peuple et à notre pays. Sa perte est trop dure pour la nation toute entière. Moi, en plus de le voir à la télé, j’ai eu plusieurs fois l’occasion de le rencontrer ici à l’église. Ce qui me fait dire que c’était un bon chrétien. Un homme exceptionnel.’’

Après cette pluie d’hommages, l’heure fatidique est enfin arrivée. ‘’Adieu Bruno’’, chantent les fidèles. Dans la clameur et l’allégresse, on applaudit et on dépose les gerbes de fleurs autour de la dépouille. ‘’Indye ni manmang’’, chante en diola la chorale Julien Jouga. Léontine Badji, venue de Keur Moussé, à une cinquantaine de kilomètres de la capitale, pour assister aux funérailles, résume la quintessence de la chanson : ‘’Je m’en vais, disent-ils. Je m’en vais à Jérusalem. Que les saints viennent m'accueillir.’’ Bruno, estime-t-elle, a travaillé et a bien travaillé, ‘’il peut donc tranquillement rejoindre son Seigneur. Maman Marie le prendra dans ses bras. C’est donc l’heure d’aller recevoir sa récompense. ‘’Siggil nagnou’’ (Il a honoré la communauté catholique). Nous sommes si fiers de lui’’.

MOR AMAR

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