Publié le 13 Jan 2020 - 20:18
MOUSTAPHA BA, DIRECTEUR DU BUDGET

‘‘L’endettement modéré est un bon signe que le pays a des ambitions’’

 

Le directeur du Budget, Moustapha Ba, a relativisé les craintes nées de la notation du Fonds monétaire international (FMI) qui a fait passer le Sénégal d’un ‘‘risque d’endettement faible’’ à ‘‘risque d’endettement modéré’’. Ce qui traduit, pour lui, des ambitions de financer le développement économique et social du pays.

 

La dette revient, à la lumière de l’analyse du FMI sur la viabilité de la dette du Sénégal publiée vendredi dernier, qui loge le Sénégal ‘‘pays à risque de surendettement modéré’’ temporairement. Pour le directeur du Budget Moustapha Ba, il n’y a pas péril en la demeure, quoique le Sénégal en 2020, dépasse, de deux points, un indicateur qu’est le service de la dette extérieure sur les exportations (23 % au lieu de 21). ‘‘Le risque d’endettement modéré est un bon signe que le pays a des ambitions et qu’il consent à faire des emprunts pour financer son développement. On pense, à tort, que le risque d’endettement faible est une bonne chose, alors que ça signifie qu’un pays n’a pas les ambitions de développement économique et social’’.

D’ailleurs, fait-il remarquer, pour 2021, le pays devrait vite rentrer dans les rangs avec 17 % et faire mieux un an plus tard avec 14 % en 2022. Pour tous les autres critères, comme ‘‘la valeur actuelle de la dette extérieure sur le PIB’’, le Sénégal est à 46 %, à neuf points du seuil de référence qui est de 55 %. Le terme technique de dégradation utilisé par l’Administration du FMI n’a rien d’alarmant, puisque les pouvoirs publics sénégalais s’arrangent à maitriser l’endettement qui leur épargnera de se retrouver dans les deux extrêmes du Cadre de viabilité des dettes des pays (CVD) à savoir : ‘‘Risque de surendettement faible’’ et ‘‘En détresse’’. 

‘‘Le train de vie l’Etat a baissé de deux points en 2019 (...) soit 958 milliards’’

En effet, le FMI part du principe que tout pays s’endette. Il classe les 160 pays du monde en quatre catégories de risque de surendettement sur la base du CVD, suivant des seuils de référence par rapport au PIB, aux exportations et aux recettes : risque de surendettement faible, risque de surendettement modéré, risque de surendettement élevé, en détresse. Les pays de l’UEMOA et de la CEDEAO sont d’ailleurs tous inclus dans le groupe de ‘‘pays à risque de surendettement modéré’’ et ont des indicateurs en deçà des seuils, voire en léger dépassement ponctuel (en raison des emprunts nécessaires à contracter pour réaliser les investissements requis pour le développement économique et social du pays).

De plus, des tests de résistance (simulation du FMI) indiquent qu’en cas de chocs exogènes ou de changement brusque de politique macroéconomique, que les seuils pourraient être dépassés. ‘‘Dans le cas du Sénégal, ce qu’on pourrait craindre, c’est une baisse drastique des exportations, une baisse des recettes fiscales ou un repli prononcé de la croissance’’, explique Moustapha Ba. Ce dernier d’expliquer que même si le Sénégal était classé dans l’indicateur suivant (pays à risque de surendettement élevé) à l’image de la Mauritanie, du Ghana, du Cap-Vert, du Cameroun..., ce ne serait pas aussi alarmant, puisque le pays garderait encore ses capacités de remboursement, malgré le  dépassement des seuils de référence. 

M. Ba estime que les résultats de 2019 ‘‘où les objectifs de recettes d’un montant de 2 561,6 milliards F CFA ont été atteints, avec une progression de 555,98 milliards F CFA en valeur absolue et de 27,7 % en valeur relative par rapport à 2018 (2 005,620 milliards F CFA)’’, augurent d’une bonne tenue pour l’exercice budgétaire 2020. En 2019, les pouvoirs publics ont opté pour la rationalisation de dépenses publiques. ‘‘Le train de vie de l’Etat a baissé de deux points, si l’on considère qu’il a tapé sur certaines niches comme la téléphonie, le parc automobile, la baisse de la charge locative, grâce aux sphères ministérielles, et au Building administratif Mamadou Dia, la fermeture de consulats et de bureaux économiques’’, explique le directeur du Budget. Soit un gain de 958,5 milliards F CFA représentant 56,8 % des dépenses de fonctionnement et d’investissement sur ressources internes.

La prépondérance des dépenses d’investissement, le contrôle de la masse salariale (744,6 milliards), l’augmentation des allocations de pensions et les six marqueurs du filet social (Promovilles, Puma, Der, Bourses familiales...) sont autant d’autres indicateurs que les solutions sont un mélange entre réduction des dépenses publiques et relance de la compétitivité.

Le FMI approuve l’ICPE ; la croissance projetée à 7 % pour 2020-2021

Vendredi dernier, le Conseil d’administration du FMI a approuvé l’Instrument triennal de coordination des politiques pour le Sénégal (ICPE), après un accord de principe en septembre 2019. L’ICPE vise à soutenir les efforts des autorités pour consolider la stabilité macroéconomique et favoriser une croissance durable et inclusive. Les examens des programmes ont lieu selon un calendrier fixe semestriel. D’après le DG adjoint Tao Zhang, la croissance économique du Sénégal a été en moyenne de 6,5 % au cours des cinq dernières années et les besoins élevés de financement public ont entraîné une augmentation rapide de la dette publique et un creusement du déficit du compte courant. La croissance économique est estimée à 6 % en 2019 et l’inflation reste faible à 1,3 % pour la période de 12 mois se terminant en octobre.

Le déficit du compte courant s’est creusé en 2018 pour atteindre 8,8 % du PIB, en raison de l’augmentation des importations d’énergie et de biens d’équipement. ‘‘Les perspectives économiques restent favorables. Après avoir quelque peu ralenti en 2019, la croissance devrait s'accélérer à 7 % en 2020-2021, soutenue par la deuxième phase du PSE, une activité robuste dans l’agriculture et les services et une augmentation des investissements liés aux hydrocarbures. Ce qui entraînerait également un élargissement temporaire du déficit du compte courant à environ 11 % du PIB’’, explique la note de ce vendredi.

La menace des paramètres exogènes

En dehors de la forte variation des prix de l’énergie, le Sénégal pourrait avoir à s’inquiéter plus de paramètres exogènes, car ‘‘les risques pesant sur les perspectives découlent principalement de l’augmentation des menaces à la sécurité dans la région, de l’augmentation des barrières commerciales’’, fait remarquer le FMI.

Le président Macky Sall assume ouvertement s’endetter pour financer le développement. ‘‘Il faut s’endetter pour se développer. Evidemment, il faut de la bonne dette. Mais pour ce faire, nous sommes handicapés par la classification et la notation qui nous sont faites, considérant que l’Afrique est un continent à risques. Ce qui n’est pas avéré. Ce qui nous impose donc le paiement des primes d’assurance élevées qui renchérissent et le crédit et l’investissement en Afrique. Nous voulons que l’Union africaine porte ce combat’’, s’était-il plaint le 12 décembre 2019 à l’ouverture du Forum d’Assouan, faisant noter que la dette africaine est à 48 % du PIB, là où elle est de 250 % dans les pays développés.

Une semaine plus tôt, en recevant également ses collègues ivoirien et béninois à la Conférence internationale sur le développement et l’endettement, le 3 décembre à Diamniadio, à la veille de la Session extraordinaire de l’UEMOA, Macky Sall et ses homologues avaient demandé aux institutions de Bretton Woods de reconsidérer le plafonnement du taux directeur de l’UEMOA (3 %), ainsi que la révision des critères de convergence et de notation qui pourraient décourager les investissements étrangers.

OUSMANE LAYE DIOP

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