Publié le 11 Jun 2018 - 14:23
ONZE ANS APRÈS SA DISPARITION

Sembène Ousmane ‘’toujours vivant’’

 

9 juin 2018. Cela fait 11 ans, jour pour jour, que le cinéaste sénégalais Ousmane Sembène rejoignît son Seigneur. Plus d’une décennie après sa fin de mission sur terre, ses œuvres et les thématiques qu’il défendait sont toujours d’actualité. Tous s’accordent que le ‘’grand pédagogue est encore vivant’’ parmi nous.

 

‘’S’instruire, c’est devenir’’, disait le cinéaste, écrivain Sembène Ousmane. Né le 1er janvier 1923 à Marsassoum, une commune située dans la région de Sédhiou, dans la partie sud du Sénégal, l’homme de culture a été rappelé auprès de son créateur le 9 juin 2007 à Dakar. Onze ans après sa disparition, les œuvres du panafricaniste sont toujours d’actualité. ‘’Camp de Thiaroye’’ tourné en 1988 et qui retrace le massacre du bataillon des tirailleurs sénégalais, ‘’Xala’’ en 1974 (évoque la situation des enfants talibés), entre autres, alimentent toujours les débats. L’on se souvient très récemment du débat qui a eu lieu autour du meilleur traitement que la puissance coloniale aurait réservé aux combattants sénégalais. Avant-hier à Thiès (maison Daaray Sembène), la onzième édition de la commémoration de sa disparition a vu la participation de plusieurs personnalités venues du Sénégal et de certains pays de la sous-région, notamment le Burkina Faso et la Mauritanie.

Avec passion et tour à tour, les orateurs ont témoigné et plongé l’auditoire, essentiellement composé de jeunes étudiants et d’élèves, dans les écrits de l’homme de culture du XXe siècle. ‘’Sembène n’est pas parti. Il est encore vivant. Il vit parmi nous. Parce que toutes les thématiques qu’il a eu à développer, notamment le phénomène de la mendicité, sont toujours d’actualité. Ousmane Sembène était un grand visionnaire. Il anticipait sur les situations et portait la voix des sans voix des couches les plus défavorisées. Il œuvrait également à la diminution du fossé qui existe entre les riches et les pauvres’’, a affirmé Hugues Diaz au cours du 11e anniversaire commémorant la disparition de Sembène Ousmane. Dans une société sénégalaise en perte effrénée de valeurs, le directeur de la Cinématographie pense que les jeunes doivent aller à la rencontre des œuvres du défunt cinéaste pour mieux le connaître et s’inspirer davantage de l’enfant de Marsassoum.

Aussi, le représentant du ministre de la Culture à cette cérémonie a tenu à rappeler qu’un lieu de mémoire, à l’image de la maison du défunt président-poète Léopold Sédar Senghor sise sur la corniche-ouest (Dakar), sera bientôt construit afin de mieux préserver toutes les œuvres d’Ousmane Sembène.

‘’Sembène était un guerrier’’

Ousmane Sembène est parti depuis onze ans. Mais ses écrits, ses thèses et ses nombreux plaidoyers en faveur de l’enfant restent intacts. Invitée à prendre part à la cérémonie marquant la disparition de Sembène Ousmane, Aminata Sow Fall se souvient encore de l’esprit de grandeur et taquin du cinéaste. Pour elle, Sembène, qui vit encore parmi nous à travers ses œuvres, était un grand homme. ‘’Sembène était un guerrier. Il est décédé depuis onze ans. Mais, aujourd’hui, il est encore vivant. Sa mort, c’est le destin qui en a décidé. On n’y peut rien. Ousmane Sembène est parti. Mais on se souviendra toujours des bonnes choses qu’il a faites de son vivant’’, a certifié l’auteure de la ‘’Grève des bàttu’’ (Les Nouvelles éditions africaines, 1979). Avant de poursuivre : ’’Un jour, il m’a dit : ‘Aminata, peut-être que tu ne le sais pas. Tu es mon écrivain préféré’’, a relaté Aminata Sow Fall qui, malgré le poids de l’âge, a honoré de sa présence pour partager avec le public ce moment ‘’plein de sens et riche en enseignements’’.

Connaissant Sembène, pour avoir réussi à décrocher une interview avec le cinéaste, chose très rare, le journaliste-écrivain Bios Diallo indique qu’il n’était pas du genre à se laisser faire. ‘’Il n’était pas facile à interviewer, parce qu’il n’aimait pas trop s’approcher des journalistes. Pour lui, les journalistes étaient des prétentieux ou essayaient toujours de dire des choses qu’ils pensaient en les faisant passer par la bouche des autres. J’ai mis du temps à le rassurer là-dessus. Par la suite, on était devenu très amis. Et en mars 2005, il m’a accordé une très longue interview. Je garde encore de très bons souvenirs de lui’’, a confié le directeur du Livre et de la Lecture de la Mauritanie. Ainsi, Bios Diallo soutient que pour mieux connaître Sembène, il faut encore le ‘’lire, le relire et suivre (les) films’’ de celui qu’il considère comme ‘’un militant qui ne pensait qu’aux petites gens’’.

Dans tous ses films, ajoute-t-il, Sembène a essayé de montrer ces gens-là qui étaient marginalisés et rejetés par la société. ‘’Il leur accordait une seconde vie, en les mettant dans ses livres, son cinéma... La jeunesse doit s’inspirer de Sembène. Il a été autodidacte, parce qu’il avait quitté très tôt l’école. Mais il a pu faire de bonnes choses pour la société sénégalaise, africaine et du monde entier’’, a conclu Bios Diallo.

De son côté, la directrice de Daaray Sembène, Adja Maï Niang, a demandé aux jeunes présents à la cérémonie de se référer à Sembène, s’ils voulaient une ‘’référence’’. Aux yeux de la ‘’fille adoptive’’ de Sembène, le cinéaste n’était pas seulement un ‘’grand écrivain, il était un grand pédagogue très proche de son peuple’’.

Peu avant la cérémonie officielle commémorant la 11e édition de la disparition de Sembène, un panel sur la mendicité des enfants au Sénégal : ‘’États des lieux et perspectives’’ a réuni universitaires, étudiants et élèves pour discuter et proposer des pistes de solutions afin de combattre efficacement ce phénomène. En 2018, des chiffres révèlent que plus de 30 000 enfants errent toujours dans les rues du pays.

GAUSTIN DIATTA (THIES)

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