Publié le 4 Mar 2021 - 08:34
OUSMANE SONKO, SUR SA CONVOCATION PAR LE JUGE DU 8E CABINET

« Nous irons écouter le juge d’instruction »

 

Finalement, le leader de PASTEF-Les patriotes va déférer à la convocation du juge d’instruction du 8e cabinet. Il l’a confirmé, hier, lors d’une adresse aux Sénégalais.

 

Résister, oui ! Mais, de manière intelligente. C’est dans cette ligne de défense que s’inscrit le député Ousmane Sonko qui a décidé, après plusieurs concertations avec ses avocats et l’intervention de médiateurs épris de conservation de la paix sociale, de déférer aujourd’hui à la convocation du juge du 8e cabinet. « Les religieux, les partis politiques de l’opposition, la société civile, le bureau politique du parti PASTEF-Les Patriotes et tous les représentants de 45 départements, tous ont compris à chaque étape, nous devons adopter une stratégie. C’est l’ensemble de leurs recommandations qui ont abouti à la décision que j’annonce : demain, à l’heure contenue dans la convocation, nous irons répondre à la convocation ou écouter le juge du 8e cabinet », a annoncé le leader de PASTEF-Les Patriotes, hier, dans une nouvelle adresse aux Sénégalais, depuis son domicile.

Ousmane Sonko revient, ainsi sur sa décision de ne pas déférer à la convocation du juge d’instruction qui fait suite à la levée de son immunité parlementaire. Ce ne sera, toutefois pas de gaité de cœur pour celui qui a avoué ne plus avoir confiance en la justice. Sans pour autant mettre dans le même panier tous les magistrats.

« Lorsqu’on a un bon dossier, il ne faut pas donner la possibilité de créer d’autres dossiers à l’intérieur »

L’audition de ce matin répondra, selon le député, à un mal nécessaire : l’obligation de ne point offrir une nouvelle fenêtre de tir aux « comploteurs » qu’il pointe du doigt, depuis l’éclatement de cette affaire. « Lorsqu’on a un bon dossier, il ne faut pas donner la possibilité de créer d’autres dossiers à l’intérieur. Si je ne défère pas à la convocation, la conséquence serait peut-être un mandat d’amener. L’armée qui sera envoyée pour me récupérer peut trouver une résistance à chez moi, même si je n’en suis pas l’auteur.  Même en l’absence de résistance, ils pourront la formater pour nous mettre sur le dos un délit de rébellion. Ce qui peut mener à un jugement direct en flagrant délit, une condamnation à six mois et le casier judiciaire est sali », justifie-t-il.   

Comptant sur les conseils de ses avocats, pour qui il ne devrait pas être trop compliqué de casser les accusations de viol devant n’importe quelle juridiction qui se respecte, l’ex-contrôleur fiscal assure avoir débusqué les pièges de ses comploteurs à la tête desquels il place celui qui a signé le décret de sa radiation de l’administration. En effet, dénonce-t-il, « Macky Sall a un objectif principal qui est de radier Ousmane Sonko des listes électorales, afin de m’empêcher de participer à toute élection à venir, mais particulièrement à la présidentielle de 2024. La démonstration de force dont il a fait montre dans cette affaire montre qu’il a en face de lui un adversaire dont il doit se débarrasser. Quelle que soit la situation et malgré l’évidence d’un complot ignoble, Macky Sall ne reculera pas. Il considère que s’il rate cette occasion, il n’en aura pas d’autre pour se rattraper ».

Un autre objectif du pouvoir en place serait de jeter le discrédit sur le leader de Pastef. Ce que ce dernier compte combattre de toutes ses forces. « Il n’est pas question que nous lui permettions d’atteindre allégrement, sans aucune résistance, cet objectif d’écarter des adversaires politiques », assure le principal opposant du régime.

Un autre X, introduit par le juge du 1er cabinet

De nouveaux éléments fournis par Ousmane Sonko abondent dans le même sens. Les manifestations du 8 février, suite à la première convocation du député par la Section de Recherche, avaient abouti à l’arrestation de 23 jeunes à Dakar et 13 autres à Ziguinchor. Ils ont été inculpés pour, entre autres motifs, association de malfaiteurs et participation à une manifestions interdite. « Mais les accusations, révèle Ousmane Sonko, concernent des délits d’appel à l’insurrection. Pour les 23 de Dakar et les 13 de Ziguinchor, le juge d’instruction du 1er cabinet vise également X dans son réquisitoire. Depuis lors, Samba Sall refuse de les auditionner. Il attend juste que la procédure sur Ousmane Sonko soit déclenchée pour désigner ce X comme Ousmane Sonko. A partir de ce moment, ce dossier de viol qui est vide sera remplacé par un dossier d’appel à l’insurrection ».

Encore choqué par le matériel de renseignement retrouvé par sa garde rapprochée dans une voiture stationnée à côté de sa maison, l’opposant a confirmé ses accusations sur la police, assurant détenir des preuves, des enregistrements et des vidéos de toute ce qui a été filmé chez lui. D’ailleurs, retient-t-il, « nous avons reçu des menaces d’une entrée musclée de la police qui viendrait chercher un objet perdu. Ensuite, des émissaires ont tenté une médiation. Ils n’ont qu’à dire aux Sénégalais quel matériel ils ont perdu et qu’ils espèrent trouver chez moi. Il n’y a rien ici ». Toutefois, Ousmane Sonko invite la police nationale à respecter les lois qui protègent les données personnelles et refuser que l’on déploie les moyens les plus sophistiqués de l’Etat pour espionner un adversaire politique.

Un recours contre la levée de l’immunité parlementaire d’Ousmane Sonko

Si le leader de Pastef compte « aller écouter » le juge Mamadou Seck, cela ne veut nullement dire, précise-t-il, une abdication. Car, « y aller ou pas reviendrait au même. La raison voudrait qu’on aille répondre demain (aujourd’hui, ndlr). Mais, nous n’accepterons aucune injustice, aucune forfaiture dans ce dossier ». D’ailleurs, les députés de l’opposition vont déposer un recours à l’Assemblée nationale contre la levée de l’immunité parlementaire d’Ousmane Sonko. « Ils ont déjà préparé le texte et ont eu les signatures nécessaires », renseigne le principal intéressé.  

Concernant les vices de procédure pénale, tous les recours qui devront être faits au plan national et international seront faits.

Ousmane Sonko se veut clair dans cette affaire à « 80 % politique et 20 % judicaire ». Malgré le démenti du président de la République, il déclare : « Macky Sall est le comploteur en chef, celui qui tire les ficèles. Certains témoignages qu’on nous a rapportés disent même que, de la bouche de la plaignante, Macky Sall aurait reçu Adji Sarr au Palais », souffle-t-il. Tout en appelant au maintien de la mobilisation pour refuser la liquidation d’un adversaire politique, il rappelle les enjeux de ce ‘mortal kombat’ : « nous pouvons y perdre des plumes, mais, Macky peut perdre son pouvoir. Tout dépend du peuple qui acceptera ou pas que celui à qui il a confié la responsabilité du pays, passe l’essentiel de son temps à comploter contre des adversaires politiques ».

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TENSIONS AUTOUR DE LA CONVOCATION DU LEADER DE PASTEF

Ousmane Sonko pose un premier pas vers la paix sociale

Après la levée de son immunité parlementaire, on a annoncé le refus d’Ousmane Sonko de déférer à toute convocation. Il a changé d’avis, après des médiations entreprises par des religieux et des membres de la société civile.

Jour de vérité pour Ousmane Sonko ! La sienne ou celle d’Adji Sarr, son accusatrice ? Devant le juge d’instruction du 8e cabinet du tribunal de grande instance hors classe de Dakar, le leader du Pastef/Les patriotes devra répondre, aujourd’hui, des charges de viols et de menaces de mort qui pèsent sur lui.

Cinq jours après la levée de son immunité parlementaire qu’il a contestée, le député a rendez-vous avec le magistrat instructeur Mamadou Seck, pour être entendu pour la première fois sur une affaire qui secoue le pays depuis trois semaines.

Un premier pas vers ‘’la paix et la stabilité du pays’’ dont s’est réjoui Serigne Abdou Mbacké, Khalife de la famille de Serigne Cheikh Khady Mbacké. ‘’J’ai demandé à M. Ousmane Sonko de bien vouloir déférer à la convocation du juge qui souhaite l'entendre ce mercredi 3 mars 2021. Une demande qu'il a acceptée au nom de l'immense respect qu'il me voue, en tant que son guide et ami, mais aussi au nom de son profond attachement à la paix’’, a révélé hier le guide religieux dans une note. Une entreprise, de concert avec ‘’plusieurs personnalités politiques, de la société civile, mais aussi de différentes obédiences religieuses du pays’’.

Cette décision représente un revirement conséquent dans la stratégie de riposte de l’honorable député. A la veille de la levée de son immunité parlementaire, vendredi dernier, Ousmane Sonko, dans une déclaration publique, avait opté pour faire face, de manière radicale, aux ‘’vices de procédure’’ dans le traitement de ce dossier. Ceci, en usant ‘’d’un droit constitutionnel de résister à l’oppression’’. Ainsi, annonçait-il, son intention de refuser à toute convocation qui ne respecte pas les procédures et de récuser le magistrat instructeur en charge du dossier, le juge du 8e cabinet, Mamadou Seck.

Et des constats allant en ce sens, il en fait. De la lettre du procureur de la République à la plénière menant à la levée de son immunité.

Déjà, la première convocation du leader de Pastef à la Section de recherches, le lundi 8 février 2021, avait provoqué des heurts entre la police et beaucoup de jeunes venus lui apporter leur soutien à son domicile. Depuis lors, la tension est allée crescendo, jusqu’à cette première audition. La maison d’Ousmane Sonko est quadrillée par des éléments des forces de l’ordre. Du matériel d’espionnage a été retrouvé dans une voiture stationnée dans les alentours.  

Le parti du principal opposant au pouvoir est aussi victime d’une série d’arrestations de responsables et de militants. En même temps, des activistes et manifestants pour la préservation de l’Etat de droit ont été arrêtés et sont toujours, pour la plupart, en détention. Rien qu’à Pastef, l’on dénonce près de 80 ‘’otages politiques’’ en détention. En même temps, des maisons appartenant à de hauts responsables ont été attaqués par des individus non identifiés. Toute cette tension a fini de plonger le pays dans une incertitude qui a déclenché des médiations religieuses et de membres de la société civile.   

C’est pourquoi, ‘’en mon nom propre et en ceux de toutes les autorités religieuses du pays, de la société civile, mais également des acteurs politiques impliqués dans cette médiation, je saisis cette occasion pour remercier vivement M. Ousmane Sonko’’, témoigne Serigne Abdou Mbacké qui lui renouvelle son soutien, pour ce ‘’sacrifice’’ dans le seul intérêt de la patrie.

Le conseil des avocats de Sonko

Cette position a également été celle des avocats du leader de Pastef. Dans un communiqué lu devant la presse par Me Mouhamadou Bamba Cissé, lui et ses neuf autres collègues ont annoncé, après concertations, avoir conseillé à leur client de déférer à la convocation d’aujourd’hui, devant le juge d’instruction du 8e cabinet du tribunal de grande instance hors classe de Dakar.

Le collectif, composé de Me Massokhna Kane, Me Ciré Clédor Ly, Me Cheikh Khoureychi Ba, Me Demba Ciré Bathily, Me Youssoufa Kamara, Me Joseph Etienne Dione, Me Ousseynou Ngom, Me Ndoumbé Wane, Me Djiby Diagne et Me Mouhamadou Bamba Cissé, se dit soucieux ‘’d’empêcher que le refus de déférer à la convocation ne soit le prétexte à des provocations dont le but serait de lui imputer de nouvelles infractions’’.

Les conseils se disent conscients de la légèreté des accusations portées à l’encontre de leur client, nonobstant des violations de la loi et vices qui ont affecté la procédure et dont ils entendent tirer toutes les conséquences de droit.  

Lamine Diouf

 

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