Publié le 8 Dec 2020 - 23:18
VOTE BUDGET MINISTERE DE L’ECONOMIE

L’hémicycle demande une valorisation du secteur privé national

 

Le budget du ministère de l’Economie, du Plan et de la Coopération s’élève à 31 882 581 584 F CFA. A l’occasion de son vote à l’hémicycle, hier, les députés ont plaidé pour une croissance plus inclusive.

 

Prenant pour preuve, les conditions de vie difficiles de bon nombre de Sénégalais, plusieurs élus soutiennent que le Plan d’action prioritaire ajusté et accéléré (PAP2, d’un coût global de 14 712 milliards) ne repose sur rien de concret. ‘’Un rêve!’’ selon certains. ‘’Plusieurs régions du Sénégal regorgent d’opportunités économiques, mais elles sont tellement enclavées.

Tant qu’on ne règle pas ce problème, on ne pourra pas relever notre économie. Les jeunes ont besoin d’avoir un travail décent, mais les entreprises traitent leurs employés comme des esclaves. Des contrats à durée indéterminé sont résiliés sans préavis et sans indemnités, chaque jour que Dieu fait. C’est de l’esclavage salarial. Le PIB dont vous parlez est extravertie, plus de 50% ne reviennent pas au Sénégal. On a besoin d’avoir un discours alternatif. Nous n’avons aucune politique d’industrialisation. Quelle est la nouvelle stratégie pour un développement endogène ? Le secteur informel est inorganisé, laissé à lui-même, il n’a pas accès aux crédits. Le secteur privé national n’est pas protégé, l’agriculture régresse. Raison pour laquelle je dis que vous rêvez quand vous nous parlez ce PAP 2A’’, a fustigé l’honorable Mamadou Diop.

Abondant dans le même sens, Serigne Cheikh Mbacké déplore le fait que les chiffres de la croissance sont bien loin des réalités sénégalaises. ‘’Les Sénégalais ne mangent plus trois fois par jour. Nos jeunes peinent à avoir de l’emploi, au point que certains optent pour un voyage en mer. Les milliards engloutis par certains projets comme le Ter pouvaient servir à des choses plus importantes et urgentes’’. Plaidant, pour sa part, pour le redémarrage des industries textiles fermées depuis des années, Aissatou Mbodj a demandé un changement de paradigme : ‘’Si la part de l’industrie dans l’économie est relativement importante et représente 23,50% et ne compte que 18% de la population active, cela veut dire que le secteur industriel n’est pas à mesure de contribuer à une croissance inclusive, d’autant plus que le capital est largement détenu par des investisseurs étrangers. Il est temps d’inverser la tendance, en encourageant les nationaux à investir dans le secteur de l’industrie’’.

La pandémie de Covid-19 a fait perdre au Sénégal plus 950 milliards de francs CFA

La pandémie de Covid-19 a fait perdre au Sénégal plus 950 milliards de francs CFA, d’où la mise en place du ¨PAP 2A qui est dans sa deuxième phase (2019-2023) pour un montant de 207 milliards de francs CFA. Ce programme visant, entre autres, la souveraineté alimentaire, sanitaire et pharmaceutique, l’industrialisation pour un développement endogène, a attribué une somme de 19 milliards aux Très petites entreprises, aux Petites et moyennes entreprises et aux grandes entreprises sous forme de financement. Ce qui a permis de préserver 16 723 emplois.

Le budget du ministère de l’Economie, du Plan et de la Coopération s’articule autour deux programmes, à savoir une économie compétitive, créatrice d’emploi et la coopération-le développement du secteur privé - partenariat public privé. Selon le ministre Amadou Hott, les objectifs de son département ne seront atteints que si la population s’attèle à respecter les mesures barrières, afin d’éviter une deuxième vague de Covid-19. ‘’Nous avons réalisé un taux de croissance de 6,6%, entre 2014 et 2018. J’espère que tout le monde retiendra ce chiffre et acceptera que c’est un chiffre exceptionnel. Et ici, il y a la vision et l’action, ce qui signifie que nous ne sommes pas dans un rêve. La vision est claire et les actions vigoureuses’’, insiste-t-il.

L’occasion lui a aussi été donnée pour ‘’déconstruire’’ l’idée selon laquelle l’économie sénégalaise est extravertie. ‘’En 2018, sur toutes les grandes entreprises suivies par l’ANSD 26%, seulement sont contrôlées par des entreprises internationales, 74% de ces entreprises sont contrôlées par le privé national. Ces entreprises étrangères ont généré 1368 milliards de valeur ajoutée dont 525 milliards ont été utilisés pour payer des salaires à des Sénégalais et 218 milliards d’impôts sur les facteurs de production. A cela, il faut ajouter les centaines de milliards générés en TVA et autres taxes. Sur 1368 milliards, à peu près 100 milliards sortent du pays en dividende, moins de 10%. Les statistiques de l’ANSD sont très claires. Les entreprises étrangères ne contrôlent pas notre économie. Donc qu’on pose le débat avec les chiffres à l’appui. Ces entreprises investissent au Sénégal 1749 millliards, 55% des contrats de l’autoroute Ila Touba reviennent au Sénégal, soit environ 220 milliards’’.

Plusieurs mécanismes pour soutenir le secteur privé national

Par ailleurs, une loi est en cours sur le partenariat public-privé pour faire passer à 35% la contribution à l’épargne des entreprises de l’ensemble du secteur privé. Une autre innovation consacre l’exécution de certains projets uniquement par des entreprises sénégalaises. En outre, le programme 100 000 logements devrait créer en cinq ans 650 000 emplois. L’industrialisation, selon le ministre, passe par la création d’agropôles et de Zones économiques spéciales (Sandiara Diass et Diamnaidio) qui vont permettre de capturer l’activité économique qui se trouve à l’extérieur, grâce à des incitations fiscales. En faveur du secteur privé, plusieurs initiatives ont vu le jour. Il s’agit de la politique de sous-traitance, en vue d’inclure les entreprises sénégalaises, la suppression de la prime fixe, la législation du travail et l’accès financier. Actuellement, le remboursement de prêt s’étale sur 10 ans et le taux d’intérêt ne dépasse pas 5,5%.

En 2020, ce sont au total 32 conventions de financements qui ont été signées pour un montant d’environ 831 milliards de francs CFA. Toutefois, les députés ont demandé au ministre de penser à améliorer le bien-être des populations, en leur permettant d’accéder à un emploi, à des soins, à une bonne éducation, au lieu de se focaliser sur des performances économiques évaluées en termes de croissance. Ils ont insisté sur la nécessité d’un encadrement plus poussé du secteur privé national pour concrétiser la relance économique. Partant du fait que le secteur informel constitue la majorité de la population, les élus estiment qu’il a été presqu’‘’oublié’’ dans la distribution des fonds du Force-Covid-19. Ils plaident en outre pour le renforcement du capital humain, afin de promouvoir une croissance plus inclusive, ainsi que la réorientation des investissements dans des secteurs porteurs de croissance.

L’exportation des matières premières combinée aux importations de denrées telles que le riz l’huile et le lait qui contribuent, selon leur analyse, à déséquilibrer la balance commerciale.

Concernant le programme ‘’100 0000 logements’’, les députés demandent leur accès aux agriculteurs et aux jeunes à l’aide de garanties. En ce qui concerne l’annulation de la dette des pays africains, la Chine est prête à accompagner le Sénégal, dans le cadre de la suspension du paiement des services de la dette. Selon le ministre, les marges budgétaires seront d’un montant de 21, 6 milliards pour les six premiers mois de l’année 2021 et de 80 milliards, si cette suspension couvre toute l’année.

EMMANUELLA MARAME FAYE

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