Publié le 6 Nov 2018 - 22:03
PRÉSERVATION DES INTÉRÊTS DES NATIONAUX

Les assureurs veulent verrouiller le code pétrolier

 

Les sociétés d’assurance sénégalaises, résolues à ne laisser aucune brèche aux multinationales, veulent cadenasser le futur code pétrolier. D’où la journée de sensibilisation organisée hier à l’attention des parlementaires.

 

Afin d’éviter que les retombées dans le secteur des hydrocarbures ne leur passent sous le nez, les  compagnies d’assurance sénégalaises cherchent à prendre les devants. Et, dans ce sens, elles pensent qu’il n’y a pas mieux que de passer par la législation pour encadrer le dispositif dès les premiers jours, pour s’assurer de leur implication avant même le démarrage de l’exploitation. C’est ainsi qu’une journée d’information a été organisée hier, en faveur des députés, afin de leur donner les arguments techniques nécessaires pour mieux préserver les intérêts des nationaux dans le code pétrolier actuellement en gestation.

Sinon, pensent-ils, les majors voudront s’auto-assurer pour ne rien laisser aux locaux. ‘’A chaque fois que l’odeur du pétrole se fait sentir, nos pays sont envahis par des compagnies étrangères qui viennent avec des solutions toutes prêtes, sans tenir compte des intérêts des entreprises locales. Ces dernières sont écartées, sous prétexte qu’il n’y a pas de compétence et la surface financière n’est pas assez vaste pour faire face aux risques’’, regrette Adama Ndiaye. Cet ancien Pca de la Société nationale de réassurance s’inscrit en faux contre cette littérature des multinationales destinée uniquement à s’accaparer le marché.

Il faut dire que les résultats du benchmarking fait par l’Association des assureurs du Sénégal (Aas) ont de quoi inciter à anticiper, afin d’éviter que le pays connaisse la même mésaventure vécue par la plupart des pays africains producteurs de pétrole. Selon Adama Ndiaye, expert en la matière, après 30 ans, aucune société d’assurance congolaise ne comprend comme fonctionne l’activité dans le secteur des hydrocarbures. ‘’Tout se faisait à Londres et à Paris’’, déplore-t-il. Le Cameroun et le Gabon ont connu les mêmes erreurs, avant que Libreville ne décide de créer une société de réassurance. Le Nigeria a laissé faire pendant longtemps, mais il a décidé récemment de donner un contenu local à l’assurance, en décrétant que 70 % du marché doit revenir désormais aux sociétés nationales. Le Ghana a aussi décidé de tout faire passer par le pool créé par les acteurs locaux.

Le Sénégal semble d’ailleurs vouloir s’inspirer de ce pays. Un pool sénégalais a déjà été créé pour mieux capter les dividendes. ‘’L’assurance est, par principe, une opération domestique. Il appartient aux décideurs de clamer haut et fort que l’assurance se prend à domicile’’, indique M. Ndiaye. Dans ce cadre, les acteurs attendent de l’Etat qu’il prend en compte les dispositions légales contenues dans les conventions. Autrement dit, qu’il fasse au moins autant que ce qui est recommandé par le code Cima (Confédération interafricain des marchés d’assurance). Lequel prévoit une domiciliation locale des assurances et 50 % au moins de la réassurance de certains risques.

Outre la création de pool, l’association a pris langue avec les sociétés de réassurance en Afrique telle qu’Africare afin de déterminer leur capacité. Tout cela pour garder au maximum les retombées du secteur et ne laisser aux mastodontes que ce qui, objectivement, ne peut être couvert par les Africains.  Et pour y arriver, il suffit juste ‘’d’inscrire l’essentiel dans le code pétrolier’’.

Rassurer d’abord avant d’assurer

Sur ce point, l’Aas n’a pas de souci à se  faire, tant les parlementaires semblent adhérer à la vision. ‘’Vous prêchez des convaincus. Nous avons déjà anticipé’’, rassure Néné Marième Kane. ‘’Il n’y a pas un lobby plus fort que la représentation nationale. Nous n’accepterons pas que les intérêts qui doivent revenir au Sénégal soient captés par les autres’’, renchérit Demba Diop, plus connu sous le nom Diop Sy. Cependant, le secteur des assurances à intérêt à se remettre en question, s’il veut rallier tout le monde à sa cause. Aïda Sow Diawara pense qu’il est bon de vouloir assurer, mais il faut d’abord rassurer. ‘’Vous devez changer de comportement’’, a-t-elle lancé. Une remarque acceptée volontiers par le président de l’Aas, Mouhamadou Moustapha Noba. ‘’Nous avons une image très écornée. Il y a en parmi nous qui tardent à payer les dommages, en cas de sinistre. Mais nous allons bientôt mettre en place un code moral qui obligera les uns et les autres à se conformer aux règles du jeu’’, promet-il, assurant au passage que cette mauvaise perception dont ils font l’objet sera bientôt un vieux souvenir. 

BABACAR WILLANE

 

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