Publié le 16 Jan 2023 - 18:30
REMISE DE PRIX - 2e ÉDITION DU CONCOURS TOUTHEME

Des écritures qui sortent du lot

 

Les quatre lauréats du concours ''Toutheme ou écrire libre'' sont connus. Deux Sénégalais ont été primés, lors de la cérémonie de remise de prix de ce concours organisé au Sénégal, qui a pour objectif de promouvoir les jeunes talents écrivains d’Afrique. Il s'agit d’Elsi Gomis, auteure du conte ''Le jeune qui cherchait la rivière'' et de Serigne Filor pour sa nouvelle ''L’exil avorté''. Dans la catégorie Roman, l'ivoirien N'Cho Jean-Christian Céquah est sorti du lot avec son livre ''Elle et Toi'' qui a impressionné le jury.

 

Il y a des livres qui sortent du lot, qui accrochent et suscitent la réflexion. Le roman ''Elle et Toi'' de N'Cho Jean-Christian Céquah en est un. Pour cette œuvre fascinante, l'Ivoirien s'est vu décerner, dans la catégorie Roman, le prix du Meilleur livre, lors de la 2e édition du concours d’écriture Toutheme, empochant un million FCFA.

Les membres du jury ont ainsi mis en avant une œuvre qui peut susciter un réel intérêt chez le lecteur et qui pose une réflexion critique.

Pourtant, avant de découvrir la profondeur d’''Elle et Toi'', le jury, préoccupé à promouvoir de nouvelles histoires, était resté sur sa faim. Diomaye Augustin Ngom confie qu'à part ce livre et un autre, la plupart des romans traitent de romance et sont mal écrits. D'après lui, bon nombre d'auteurs qui ont participé à cette compétition ont un faible niveau.  ''Non seulement, il y a beaucoup trop de romance, mais aussi, nous avons estimé qu’elles n’étaient pas forcément porteuses de réflexion'', relate-t-il. ''Je n’avais pas pu trouver un projet assez convaincant et qui remplissait tous les critères que demande un roman, mais surtout qui puisse être une référence pour la troisième édition'', a-t-il poursuivi.

Renversement de situation

Le renversement de situation est venu quelques jours avant la cérémonie de remise des prix, alors qu'il se demandait s'il ne fallait pas retourner l’argent aux partenaires. ''Un jour, alors que j'étais déjà fatigué, un roman est tombé sur ma table. On m'a demandé d'y jeter un coup d'œil. J'ai dit que j'allais essayer les dix premières pages’’, a expliqué M. Ngom, soulignant la difficulté de lire 50 livres de 100 pages. Mais après ces dix premières pages, il a avancé dans la lecture jusqu'à arriver au bout de l'histoire.

En effet, le roman ''Elle et Toi'' relate l’histoire un jeune homme qui souhaite porter la soutane, devenir prêtre, et une jeune fille voilée, musulmane, issue d'une famille traditionaliste. En dépit de leur religion, ils sont inévitablement attirés l'un vers l'autre. Pour le jeune homme, il y a une autre force qui le tire, celle de la vocation de servir Dieu dans l'eucharistie. Qui choisir ? Le couple est tiraillé. Ils recherchent tous les deux à gérer leur relation.

''Le jury, ayant pris le temps de lire les productions des candidats de toutes les catégories, a donné son point de vue par rapport aux thématiques abordées, au style des auteurs et à la syntaxe, avant de prononcer son verdict'', a précisé Diomaye Augustin Ngom.  La note du candidat dépend à 40 % des votes publics sur l’application mobile de Toutheme et à 60 % de l’appréciation du jury.

3 catégories, 4 lauréats

Dans la catégorie Conte, la Sénégalaise Élsi Gomis a remporté le prix pour son œuvre ''Le jeune homme qui cherchait la rivière de Marie''. Dans la troisième catégorie, deux prix ont été décernés. Le Sénégalais Serigne Filor est le grand gagnant pour sa nouvelle ''L’exil avorté''. Il a reçu 500 000 F CFA. Le deuxième prix a été décerné au Béninois Isssouf Coulibaly, l'auteur du livre ''Des larmes innocentes'''. Il a perçu 250 000 F CFA.

Il faut dire que le concours de Toutheme a pour objectif de promouvoir les jeunes talents écrivains d’Afrique et à favoriser une intégration africaine, à travers l’écriture et la lecture. Il s'agit notamment des talents qui sont dans l'écriture libre, c'est-à-dire ceux que l'on trouve dans les réseaux sociaux.  Pour cette édition, il y a eu plus de 200 participants ; 55 parmi eux ont été sélectionnés pour les trois catégories (Roman, Nouvelle et Conte). Et le concours a vu la participation de plusieurs nationalités africaines telles que la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Sénégal, le Togo, le Gabon, la Guinée, la diaspora africaine et tant d’autres.

Une nouvelle forme d'écriture

Directrice de Toutheme, Ndèye Marième Diop dite ‘’Mme Ndiaye’’ s'est réjouie de la réussite de ce concours. ''Le fait d'organiser un concours et de voir autant de candidats venus un peu partout en Afrique, ça fait plaisir. Pendant un mois, nous avons eu plus de 200 mille visites sur notre plateforme et 11 000 votes'', renseigne-t-elle. Et d’ajouter : ''Un grand éditeur m'a dit qu'il y a un grand concours en France qui n'a pas plus de 50 candidats.''

En effet, c'est un nouveau courant littéraire qui voit le jour au Sénégal et en Afrique de façon générale. Cette forme littéraire née à travers l’utilisation des réseaux sociaux est en train d'être de se développer fortement, grâce à la plateforme Toutheme. Celle-ci est une sorte de réceptacle de jeunes férus de la création littéraire, ayant fait leur preuve dans le numérique, mais dépourvus de moyens de se faire publier par les grandes maisons d'édition.

''L'objectif, c'était surtout de montrer que les chroniqueurs existent, que nous sommes suivis un peu partout'', a fait savoir Ndèye Marième Diop. D'ailleurs, de son côté, elle a 3 millions de lecteurs sur les réseaux sociaux, ce qui lui a permis de vendre plus de 5 000 e-books. De son point de vue, les jeunes lisent ; ils s'intéressent à ce qui leur parle. Les séries télévisées ''Maîtresse d'un homme marié'', ''Salma'' et ''Karma'' ont été des chroniques célèbres sur les réseaux sociaux, avant que les maisons de production les prennent pour faire leur adaptation. 

Écrire, socle de l'émergence

''C'est important qu'il y ait une liberté de tout dire. Mais il faut surtout qu'elle soit une liberté encadrée, responsable à travers la formation et ce qu’offre Toutheme'', a salué Oumar Sall, Président de Ciné Cap, une structure de production.

Pour sa part, le ministère de la Culture et du Patrimoine historique du Sénégal, par la voix de son Dage Alioune Pala Mbaye, se dit conscient de l'enjeu de cette cérémonie.

En sus d'un appui en matériel notamment en livres délivrés par la Direction du Livre et de la Lecture, il a décidé d'accompagner et de parrainer chaque année le concours d’écriture Toutheme.  Ceci a été consolidé par un appui financier de 2,200 millions F CFA pour la couverture relative aux frais des prix des quatre lauréats de cette édition.

Pour le Pr. Aliou Sow, célébrer l'écriture devrait être une évidence au pays de Senghor, Cheikh Anta Diop, Mohamed Mbougar Sarr et de Mariama Ba.

D'ailleurs, il a procédé à l'inauguration et à l'installation d'un centre de lecture et d'animation culturelle dit ‘’Clac de Mboumba’’ dans région de Matam. Il estime que l'écriture est le socle d'une émergence intelligente, solidaire, sociale et consolidante à travers un brassage des plumes entre différentes générations du Sénégal, de l'Afrique et du monde.

BABACAR SY SEYE

 

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