Publié le 2 Jan 2024 - 00:15
AFFAIRE SONKO, FORCES OCCULTES, SAISIES DROGUE, EMIGRATION…

Les faits saillants en société en 2023

Le pays a été violemment secoué cette année 2023 par l’affaire Ousmane Sonko et ses excroissances : les fameuses ‘’forces occultes’’, les arrestations, les morts par balles. L’année a aussi été marquée par les importantes saisies de drogue et de faux billets et le drame de l’émigration clandestine.

L’actualité sociale a été dense durant cette année 2023 qui tire à sa fin. En effet, elle avait débuté sur fond de tension née de l’affaire Sweet Beauté et rapidement, les choses ont tourné au vinaigre. Les sept premiers mois de l’année, il a souvent été question de manifestations violences, d’arrestations, de personnes tuées par balles, de ‘’forces occultes’’… Le point d’orgue de cette éruption de violence a été l’arrestation d’Ousmane Sonko, au mois de juillet. Depuis, la situation reste tendue et les affrontements dans la rue ont cédé la place à une féroce bataille judiciaire.

Le paroxysme de cette violence a été enregistrée au mois de juin dernier, lorsque des manifestations spontanées ont éclaté dans, presque toutes les régions du Sénégal, pendant des jours. C’était au début du mois de juin. Des maisons de responsables du régime ont été attaquées ; l’autoroute à péage barrée, l’économie du pays paralysée, des magasins d’Auchan et grandes surfaces pillées par des manifestants furieux. Même des gares du TER et des tronçons du BRT n’ont pas échappé à la furie d’une jeunesse déterminée à se battre pour son leader Ousmane Sonko. Même, les forces de l’ordre, dépassés, ont enregistré beaucoup de blessés.

Face à cette situation, on assista à une vague d’arrestations. Le régime cibla des maires et responsables de Pastef, des militants ou simples sympathisants. La Division des investigations criminelles, la section de recherche de la gendarmerie nationale, les différentes brigades de recherches des régions menèrent les opérations. Les procureurs furent en alerte maximale. Pour justifier cette répression, le ministre de l’Intérieur d’alors convoqua alors les ‘’forces occultes’’.

Antoine Félix Diome : ‘’Des forces occultes ont infiltré les manifestations. L’État va sévir. Ces forces occultes ont tenté de saboter l'usine de Tieudeme qui produit de 12 000 mètres cubes d’eau.  Cela va engendrer un déficit d'eau dans la capitale et les autres localités qui sont ravitaillées via cette installation. Par ailleurs, des hommes armés sont parmi les manifestants et pillent les biens d'autrui. Ils sont armés et sont d'une violence inouïe. Ce qui se passe dépasse la politique, c'est la République et l'État qui sont attaqués. Et sur instruction du chef de l'État, nous allons prendre les dispositions nécessaires pour faire régner l'ordre".

Interpellé sur l'identité de cette organisation occulte, le ministre de l'Intérieur informait qu'il communiquera sur le sujet le moment opportun, après avoir mis hors d'état de nuire ces malfrats. Par la suite, beaucoup d’arrestations furent opérées sur le territoire. Durant cette même période, le directeur de sécurité publique fit un point de presse pour confirmer l’existence de manifestants ayant infiltré les manifestations. Une thèse vite démentie par des pro Sonko et la presse étrangère, puisque des images montraient des images d’individus armés opérant aux côtés des FDS.
Après la vague d’arrestations s’ouvrit un long feuilleton judiciaire. Depuis, quelques-uns ont pu humer l’air de la liberté. D’autres sont toujours en détention au niveau des 37 établissements pénitentiaires du pays.

L’arrestation d’Ousmane Sonko, la sortie du Procureur

L’année 2023 n’a pas été du tout repos pour Ousmane Sonko. Entre le mois de février et juillet, l’actualité judiciaire a été concentrée sur le maire de Ziguinchor. Après son arrestation à la surprise générale, après plusieurs mois d’isolement dans son domicile, à travers des barricades policières, le Procureur de la république du tribunal de grande instance hors classe de Dakar avait fait une sortie pour expliquer les tenants et les aboutissants de cette affaire. Assane Ngom a présenté Ousmane Sonko comme étant l'élément instigateur des séries de manifestations violentes ayant troublé l'ordre public, avec des pillages et destructions des biens publics et privés. Ainsi, il avait déclaré que ''l'histoire du téléphone portable n'est que l'élément déclencheur de son arrestation qui était imminente pour appel à l'insurrection''.

Pour corroborer son propos, le procureur avait invité la presse à visionner une compilation des déclarations d'Ousmane Sonko, de 2021 à nos jours. Ce, pour dénoncer des appels à l'insurrection et des séries de manifestations violentes ayant troublé l'ordre public.

Il rappelait qu’en février 2021, à la suite de sa convocation par la Section de recherches de la gendarmerie de Colobane, le député Ousmane Sonko avait tenu à son domicile un point de presse pour appeler ses partisans à se mobiliser. ''Le combat s'annonce mortel, le mot n'est pas de trop. Nous ne sommes plus au temps de la révolte au salon, nous résisterons par tous les moyens possibles. La confrontation démarre demain'', disait Sonko. Le procureur de soutenir : ''Il est évident que le contenu du discours d'Ousmane Sonko appelait manifestement à l'insurrection. Ses partisans se sont mobilisés, le 8 février 2021, devant son domicile pour s'opposer à une éventuelle arrestation''.

''L'État, garant des libertés individuelles, collectives et de la sécurité publique, prendra toute disposition nécessaire, afin de maintenir l'ordre et de préserver les personnes et les biens de toute menace'', poursuivait le magistrat.
Il faut dire que le parquet s’est montré inventif pour caractériser tous les faits saillants de cette éruption de violences, avec les dossiers ''Mortal Kombat'', ''Forces spéciales'', ‘’Commando’’, ‘’Cocktails Molotov’’, ‘’Combat final’’.

Le dossier ''Mortal Kombat''

En effet, lors des violentes manifestations, des émeutiers ont détruit, dégradé des biens publics et privés et incendié des édifices publics et privés, des stations d'essence, des magasins, des véhicules, etc. ''Apparemment très bien organisés, comme s'ils avaient planifié ces actes, ils s'attaquaient aussi bien à la propriété publique que privée'', avait indiqué le procureur Ngom pour parler du dossier ''Mortal Kombat''.

Ces actes, disait-il, ont conduit à l'arrestation de plusieurs individus domiciliés à Ouakam, à Fass Delorme, à Médina Gounass, aux Parcelles-Assainies et à Diass. Ils sont poursuivis et inculpés pour appel à l'insurrection, provocation à un crime et délit, participation à un attroupement sur la voie publique, troubles à l'ordre public, destruction et dégradation de biens publics et privés, actes de nature à compromettre la sécurité publique, actions diverses et rassemblements ayant causé des dommages aux personnes et aux biens, violences et voies de fait commises sur des agents de la force publique dans l'exercice de leurs fonctions, incendie criminel, faits prévus et punis par les articles 85, 92 et suivants, 98 et suivants, 201 et suivants, 225, 249 et suivants et 406 et suivant du Code pénal.

Le dossier ''Forces spéciales''

Le dossier ''Forces spéciales'' prend sa source de la manifestation projetée à la place de la Nation par la coalition Yewwi Askan Wi le 17 juin 2022 et interdite par le préfet de Dakar. Lors de cet épisode, le procureur de la République renseigne avoir reçu des informations faisant état de ce qu'un groupe d'une dizaine d'individus s'organisait en vue d'attaquer les forces de défense et de sécurité, le jour de la manifestation.

Le procureur déclarait, lors de sa conférence de presse : ''La source renseigne avoir identifié à Grand-Yoff et à Rufisque les nommés B et M, lesquels sont chargés respectivement de confectionner des herses destinées à stopper la progression des forces de l'ordre et des cocktails Molotov dans le but d'attaquer et d'incendier des installations publiques comme privées, des magasins et autres commerces d'intérêts étrangers et particulièrement français. Mais également, les forces de l'ordre et domiciles des hautes autorités de l'État (ministres, DG, députés, magistrats…). Elle ajoute que les nommés P. O. S. et A. A. Niang seraient les coordonnateurs de toutes ces actions envisagées''.

Ainsi, plusieurs individus domiciliés, entre autres, à Grand-Yoff, à Pikine, à la cité Aliou Sow, à Dakar, à Ouest-Foire, à Rufisque, quartier Diorga, à Thioyène Serigne et à Kaolack avaient été arrêtés. Ils sont poursuivis pour complot contre l'autorité de l'État, actes de nature à occasionner des troubles politiques graves et de compromettre la sécurité publique, association de malfaiteurs en vue d'organiser des bandes, en leur fournissant des armes, munitions dans le but de s'attaquer à la force publique, de causer des destructions, dégradations et dommages de biens appartenant à l'État ou intéressant la chose publique, menaces d'atteinte à la vie, détention et transport de produits et substances incendiaires en vue de la commission d'un acte terroriste, détention illégale d'armes à feu et de munitions, financement du terrorisme, complicité de ces chefs, faits prévus et punis par les articles 72 et suivants, 80 et suivants, 279 et suivants du Code pénal, loi n°66-03 du 18/01/1966, relative au régime général des armes munitions et son décret d'application n°66-889 du 17/11/1966.

Le dossier ‘’Commando’’

Le dossier ‘’Commando’’ est du même acabit. Pour celui-ci, le procureur disait avoir reçu par sa source des ''preuves irréfutables'' découvertes dans les appareils téléphoniques des mis en cause, notamment P. B. M. et A. K. B. et la récurrence des correspondances entre M. K. D., Famara Mané et les autres membres du groupe. Il disait : ''tout porte à croire que ces personnes étaient déterminées à troubler par des moyens illégaux le fonctionnement régulier de l'État et également à inciter les citoyens à s'armer contre l'autorité de l'État''.

Il ajoutait : ''L'ingéniosité et la détermination des mis en cause consistant à planifier des réunions secrètes et à vouloir détruire les moyens de l'État sont révélatrices de leur entreprise criminelle, terroriste et de leur intention de troubler l'ordre public de manière générale pour rendre le Sénégal ingouvernable en semant un désordre total.''

Le magistrat notait que ces individus, étant dans la stratégie, avaient comme cibles les stations Total et les magasins Auchan, ainsi que les institutions et les domiciles des personnes qui l'incarnent. ‘’Les attaques des bus Dakar Dem Dikk, qui ont été volontairement incendiés, justifient à suffisance l'intention criminelle de ces individus chargés de mettre en œuvre les stratégies machiavéliques de ces individus chargés de la planification''.

Trois individus ont été arrêtés, dans le cadre de ce dossier.

Le dossier ‘’Cocktails Molotov’’

Le dossier ‘’Cocktails Molotov’’ a conduit à l'arrestation de plusieurs individus à Malika-Plage, Sangalkam, entre autres. ''Exploitant une information émanant d'une source digne de foi faisant état de ce qu'un groupe terroriste était en train de planifier des actes de nature à compromettre la sécurité publique, à occasionner des troubles politiques graves pour s'opposer à la tenue du procès en appel contre Ousmane Sonko, poursuivi pour des faits de diffamation par monsieur Mame Mbaye Niang, une équipe est parvenue à les infiltrer, afin de recueillir toutes les informations concernant les stratégies que ces individus comptaient mettre en place dans le but de créer une situation insurrectionnelle dans le pays. Un nombre impressionnant de cocktails Molotov a été retrouvé, lors des multiples perquisitions’’, déclarait Assane Ngom.

Là aussi, il y a eu des arrestations pour association de malfaiteurs terroristes, détention de substances explosives en vue d'une utilisation sur les biens publics ou intéressant la chose publique dans le but de compromettre la sécurité publique et à occasionner des troubles politiques graves, financement du terrorisme, atteinte à la sûreté de l'État, complot contre l'autorité de l'État.

Le dossier ''Combat final''

Les 1er et 2 juin 2023, à la suite du prononcé du verdict de la chambre criminelle ayant condamné Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme pour corruption de la jeunesse, le pays a été à nouveau secoué par des séries de manifestants émaillées par des scènes de violence, des actes de destruction des biens publics, des manifestations au cours de laquelle des pertes en vies humaines ont été notées. Ces épisodes ont donné lieu au dossier ''Combat final''.

L'université Cheikh Anta Diop, les dépôts de Dakar Dem Dikk, divers tronçons du BRT, l'autoroute à péage avaient été vandalisés. Des maisons d'autorités politiques, judiciaires et administratives attaquées. ''L'objectif final étant de marcher sur le palais pour y déloger le président de la République, pour ainsi répondre à l'invite d’Ousmane Sonko qui a ouvertement appelé ses partisans à le rejoindre dans la capitale pour mener l'assaut final contre le président de la République''.

Dans la foulée de cette sortie, le ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur d’alors, Me Aissata Tall Sall avait produit un livre blanc ces événements à l’intention des représentations diplomatiques.

Après l’arrestation de Sonko, un bus tata de ligne 65 a été attaqué au cocktail Molotov au niveau de Yarakh. Venu de Kounoune, le véhicule devait se rendre à Colobane. Le bilan provisoire fait état de deux morts et de plusieurs blessés. L’enquête avait conduit à l’interpellation de quelques suspects. Toutefois, cet épisode a donné lieu à de vives controverses. Puisqu’une bonne partie de l’opinion croit à une mise en scène pour justifier la brutalité policière, la répression et les arrestations extra judiciaires.

Les autres faits en 2023

Cette année 2023 a aussi été marquée par des saisies records de drogue dure. L’essentiel l’a été par la marine sénégalaise en haute mer. Le trafic de faux billets a encore de beaux jours dans ce pays. Cette année encore, plusieurs dizaines de milliards ont été saisis. Keur Massar et Thiès sont les plaques tournantes de faux monnayage. Des rejetons de célébrités ont été emprisonnés dans ces affaires.

La route a encore tué. De dramatiques épisodes ont été vécus à Saint-Louis, Louga, Dakar, Fatick, et dans le sud du pays. Des carnages qui ont ému l’opinion et conduit l’État à prendre de nouvelles mesures pour freiner cette hécatombe.

Des cas de meurtres et de disparitions ont aussi été constatés, cette année.

Plus de 12 000 Sénégalais sont entrés en Espagne en 2023 

L’autre actualité marquante a été l’émigration irrégulière, avec son lot de drames en mer. Impossible de dire le nombre de morts. Mais, des quartiers et des villages de pêcheurs ont été décimés. Il y a eu Fass Boye qui a perdu, au moins 70 jeunes ; Bargny qui pleure toujours ses morts. On parle de 275 morts dans le naufrage d’une pirogue qui a heurté un rocher et 25 rescapés.
A côté de ces naufrages, des milliers de compatriotes ont réussi à entrer en Espagne. Selon le ministre de Affaires étrangères, 12 833 migrants, dont 9319 se présentant comme des Sénégalais, sont arrivés en Espagne particulièrement aux Îles Canaries en 2023. Lors d’une rencontre à Dakar avec son homologue espagnol José Manuel Albares Bueno, Ismaïla Madior Fall avait rappelé les actions concertées menées par le Sénégal et l’Espagne pour prévenir la migration irrégulière à partir des côtes sénégalaises.

Les deux gouvernements ont mené des actions qui ont permis la mise en place de dispositifs pour la prévention de la migration irrégulière ainsi que des initiatives pour l’emploi et l’employabilité des jeunes.

A signaler que les principaux lieux de départs sont Fass Boye, Kafountine, Kayar, Saint-Louis et Dakar. À côté de ce phénomène migratoire, il y a le Nicaragua qui a vu beaucoup de jeunes Sénégalais rallier ce pays pour se rendre aux USA.

CHEIKH THIAM  

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