“Je brise les codes...”

À travers sa société de distribution de film (WawKumba Film) Oumou Diégane Niang entend mettre en valeur les talents sénégalais et africains. Distributrice et vendeuse de film, s’est frayée un chemin dans le paysage cinématographique sénégalais et vise aujourd'hui le marché international.
Jeune, dynamique, débordante d'énergie, Oumou Diégane Niang s’est fait une grande place dans le cinéma notamment sénéglaise. Elle exerce un métier un peu méconnu du 7ème art: la distribution de films. ‘’Le cinéma est une chaîne et dans une chaîne; il y a des maillons. Et la distribution, on peut dire que c'est le dernier maillon de la chaîne cinématographique’’, a soutenu le dirigeante de WawKumba Film, soulignant qu'après la production et la post-production vient l’étape de montrer le film en salles.
WawKumba est une équipe composée de jeunes Sénégalais, mais aussi d’Africains de façon générale, précise Mme Diégane. Elle a pour vision de vendre le rêve sénégalais. ‘’Notre travail, c'est le processus d'écoulement, si on était dans le cas d'un produit (même si je n’aime pas appeler les films de produits). Le processus passe par différents canaux; festivals, salles de cinéma, télévision, VOD, streaming, etc’’, a-t-elle expliqué. Elle note qu’en matière de distribution, il y a des ‘’grossistes’’ comme il y a des ‘’détaillants’’. Les grossistes sont des vendeurs internationaux. Ils peuvent, explique-t-elle, repérer le projet en phase de production et essayer de faire du lobbying pour les vendre . Ils peuvent aussi le redonner à des distributeurs.
Oumou Diégane Niang est distributrice et vendeuse internationale de films. Elle rêve en grand. ‘’Ce que j'essaie de faire actuellement, c'est de repérer des projets dès la phase de production. Et en tant que vendeuse, j’élabore la stratégie de distribution du film. Donc, ma société a cette double face: être distributrice sur le territoire sénégalais ou bien sur le continent africain. Après, c'est le terme de World Sale (vente internationale); j’essaie d’avoir les droits sur l'international pour pouvoir, à mon tour, aller voir les programmateurs, des diffuseurs, des plateformes’’, a-t-elle expliqué.
Cette année, au mois d’avril, elle a représenté le Sénégal au Qatar, au festival de cinéma Qumra, organisé par Doha Film institute (DFI). Elle a porté le film ‘’Demba’’ du réalisateur Mamadou Dia qui était en compétition officielle. Elle est aussi désignée jury de la commission 1 à la cinquième édition du salon du cinéma O’Féminin qui aura lieu au mois de juillet.
C’est avec le film ‘’Liti Liti ‘’ de Mamadou Khouma Gueye qu’elle s’est positionnée, pour la première fois, en tant que vendeuse internationale officielle . Ce film a été coproduit au Sénégal, une particularité. ‘’Pour Mouton de Sada’, j'avais ce même statut, mais c'était une production 100% sénégalaise. Mais cette fois-ci, c'est une production sénégalaise, belge et française…’’, a expliqué la CEO de WawKumba Film.
Selon les dires, Oumou Diégane Niang est pionnière de ce métier au Sénégal, ce qu’elle réfute. ‘’Je ne suis pas la seule parce qu'avant moi, il y a eu des précurseurs. Et moi, même à un moment donné, je ne savais pas’’, a-t-elle révélé. C’est Rama Thiaw qui, pour la première fois, m’a dit ce que c'est vraiment le métier de World Sale. Je le faisais sans m’en rendre compte, car je suis autodidacte. ‘’Puisque j'adore ce que je fais; je m'informe. J’ai pu savoir qu’il y a eu des gens qui ont fait des choses. Mais certains, peut-être, ont cette impression que je suis pionnière’’, a-t-elle dit. Elle ajoute: ‘’Je suis arrivée en brisant les codes, en démystifiant le métier. Parce qu'au Sénégal, et en Afrique en général, un mythe a été construit pour moi’’.
Ces débuts
Passionnée de cinéma, après une expérience en journalisme, elle est passée par Ciné-Banlieu puis par le Centre Yennenga. Elle en remercie Alain Gomis et toute l’équipe du Centre Yennenga, Mamadou Dia, Rama Thiaw et Cie. ‘’C’est grâce à eux que j'ai appris ce métier. Et je l'ai appris en faisant. On me donne des films, je teste, je me cogne. Je reviens quand je sais qu'il ne fallait pas faire telle chose. Donc, moi, je suis de celles et ceux qui ont été formés dans des écoles informelles, parce que moi, je suis du collectif Ciné-Banlieue Dakar, avec Abdel Aziz Boye, qui m'avait tendu la main pour la première fois’’, a expliqué Oumou Diégane Niang, qui a représenté le Sénégal et l’Afrique au Programme Cannes makers de 2024 destiné aux jeunes distributeurs et vendeurs de film.
En effet, c’est en 2019, lors d'un festival organisé par Ciné-Banlieue Dakar qu’elle fait la rencontre d’Alain Gomis. Avec l’aide de ce dernier, elle intègre le centre Yennenga. Dès son entrée dans ce centre, elle a compris ce qu’elle voulait. ‘’Depuis le début, j'avais vocation à la distribution, ce que les gens ont tendance à oublier’’,a-t-elle souligné. ‘’Parfois, ils ont l'impression que cette petite est venue en 2023. Oui, ma propre société, Wawkumba Film, est née en 2023, mais moi, j'ai commencé à pratiquer ce métier depuis 2019.
Au collectif Ciné-Banlieue, elle est de la 10e promotion, dirigée par Charles Seck. À la base, les gens voyaient en elle une réalisatrice ou une assistante. Mais elle, étant journaliste, songeait déjà à pouvoir faire la promotion des auteurs et de leurs films. Un jour, à la maison familiale, alors qu’elle était enthousiasmée de voir un film d’Alain Gomis à la télé, se vantant d’avoir connu ce grand homme, les membres de sa famille étaient restés indifférents. Cette situation a créé un déclic en elle : ‘’Je me rappelle qu'en 2019-2020, avec le Covid, il y avait un programme de la RTS, ‘Le cinéma chez vous’. Et un jour, il y a eu le film d’Alain Gomis.
Et moi, j’étais excitée, mais personne autour de moi n’était enthousiaste. Je me retrouve seule à la maison, en me rendant compte qu’il y a un problème. Moi, je suis en train de parler d’Alain Gomis, en fait, mais personne ne connaît. Donc, je dis qu’il y a un problème : pourquoi ces réalisateurs, qui nous ont valu beaucoup de satisfaction avec des films qui remportent des prix partout dans le monde, sont-ils méconnus chez eux ?’’
C’est à partir de ce moment qu’elle s’était promise de faire en sorte qu’on voie ce film d’Alain. Elle apprend également, auprès du réalisateur du film ‘’L’arme’’, Pape Bounama Lopy, que la distribution de films est vraiment un métier. Plus tard, le hasard faisant bien les choses, elle s’est chargée de la distribution du film de Lopy.
Oumou Diégane Niang lance un message aux autorités pour qu’elles accompagnent davantage les films sénégalais. ‘’Il faut qu’on soit conscient du soft power. Parce que moi, en tant que vendeuse internationale, qui voyage beaucoup, qui doit être dans les marchés, ça, c’est une autre dimension. C’est au-delà du film. Les Américains, quand ils voulaient exporter leurs entreprises, faire du lobbying, valoriser leur savoir local et leur expertise, ils ont exporté leurs films. Il faut qu’on accompagne ces films’’, a plaidé la jeune dame, qui met en valeur le talent sénégalais à travers son habillement également lorsqu’elle part dans des festivals.
BABACAR SY SEYE