Publié le 29 Jan 2021 - 05:11
ACCES AUX VACCINS

L’Afrique face à loi des plus forts

 

Pendant que Washington et Londres se taillent la part du lion pour les vaccins Pfizer, Moderna et AstraZeneca, l’Union européenne peine à s’approvisionner. Pour leur part, les Africains crient au scandale, accusant les nantis d’avoir commandé plus de doses qu’ils n’en ont réellement besoin. De minces espoirs existent, toutefois, grâce au Mécanisme Covax et l’alternative russe et chinoise.  

 

La guerre des vaccins a finalement bien lieu. Et les plus forts ne semblent avoir aucune once de compassion à l’égard des plus faibles. A ce jour, le Sénégal, comme la plupart des pays africains, a toutes les peines du monde pour s’approvisionner. Pays le plus touché en Afrique, l’Afrique du Sud ne fait pas dans la langue de bois pour dénoncer ce qu’il considère comme de l’égoïsme de la part des pays les plus nantis. ‘’Les pays riches du monde, s’insurge le président Cyril Ramaphosa, accaparent ces vaccins. Nous les appelons à mettre à disposition les doses excédentaires commandées et thésaurisées’’.

Selon lui, alors que les pauvres peinent à accéder aux doses précieuses, des pays du Nord achètent parfois jusqu’à quatre fois leurs besoins. A quelles fins ? Pas encore de réponse précise.

Pourtant, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait flairé ce scénario, en œuvrant à la mise en place, dès avril 2020, d’un mécanisme solidaire de commande de vaccins. Soutenue par de fortes organisations comme la Banque mondiale, la fondation Bill Gates… l’Initiative Covax vise essentiellement à promouvoir et à garantir, à l’échelle mondiale, un accès juste et équitable aux vaccins. L’idée était surtout d’aider les pays en développement à ne pas subir la tyrannie des plus grands.

Selon les prévisions, le dispositif devait permettre de vacciner 10 % de la population du continent africain, dans le courant de l’année.

Nuages sur le dispositif Covax

Concrètement, les premières doses devraient être acheminées dès le premier trimestre de l’année 2021. Dans beaucoup de pays comme le Sénégal, le démarrage de la vaccination des populations est prévu au mois de mars. En tout cas, du côté du directeur général de l’OMS, on ne s’inquiète pas outre mesure.

Avant-hier, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus annonçait la signature d’un contrat d’achat anticipé portant sur 40 millions de doses du vaccin Pfizer BioNTech. Dans la même veine, le directeur général de l’OMS a annoncé 150 millions de doses du vaccin AstraZeneca qui vont être disponibles au premier trimestre 2021.

Au-delà du dispositif Covax, le continent compte également sur l’Union africaine, qui s’était engagée à passer une commande de 270 millions de doses pour les pays du continent. ‘’Mais selon Cyril Ramaphosa, qui a lui-même lancé l’initiative, alors qu’il était président de l’UA, celle-ci ne connaît jusqu’ici qu’un ‘’succès marginal’’, informent les médias français.

Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, des pays du continent seraient même entrainés à payer plus cher pour disposer du liquide précieux. ‘’Officiellement, signale ‘’le Monde’’ citant l’Agence France presse, le pays le plus touché du continent, l’Afrique du Sud, paiera ses premiers vaccins acquis par le biais de négociations directes entre le gouvernement et le laboratoire AstraZeneca, 2,5 fois plus cher que les pays de l’Union européenne’’. Beaucoup moins touché que l’Afrique du Sud, le Sénégal, tout en affirmant son ancrage dans Covax, avait aussi jugé nécessaire de mener une stratégie parallèle, pour se prémunir de certaines lenteurs. Jusqu’où est-il prêt à aller pour avoir ses doses ? C’est le flou total.

Selon les estimations, pour immuniser 60 % de sa population, l’Afrique a besoin de 1,5 milliard de vaccins. Soit un coût qui oscille entre 5,8 et 8,2 milliards d’euros.

Les misères de l’Europe face au diktat anglais

En tout cas, pour accéder aux vaccins, il faudra batailler ferme. Malgré les assurances de l’OMS et de ses partenaires dans le cadre de l’Initiative Covax, les tensions sont déjà palpables sur le marché du vaccin. Sur les trois vaccins qui ont le vent en poupe (Pfizer, Moderna et AstraZeneca), les deux ont des difficultés à satisfaire les demandes. Et les victimes vont au-delà de ce que l’on pouvait imaginer. Même les pays supposés forts de l’Union européenne sont à la trappe dans la course aux vaccins. 

Depuis quelques jours, en effet, c’est le branle-bas entre l’UE et les principales productrices de vaccins, à savoir l’Américaine Pfizer et la Britannique AstraZeneca. Ces dernières ne pouvant plus satisfaire la quantité de la demande européenne. Si le différend avec Pfizer a pu être géré, celui opposant l’Europe et AstraZeneca ne cesse de s’envenimer et a connu de nouveaux rebondissements, hier. 

Interrogée par des journalistes, la porte-parole de l’Exécutif européen, Dana Spinant, confirmait que l’entreprise n’y participerait finalement pas. "Nous avons eu ce soir une réunion du Steering Board sur la stratégie de vaccination, mais AstraZeneca nous a dit ce matin que la participation de son représentant n’était pas confirmée, que cela ne se ferait pas", a-t-elle indiqué. Dans la foulée, la porte-parole de l’entreprise a démenti auprès de Belga. AstraZeneca sera, selon elle, bien représentée lors de la réunion qui rassemble des responsables de la Commission et des 27 États membres.

L’alternative russe et chinoise

Vendredi dernier, la commissaire européenne à la Santé, Stella Kyriakides, estimait que les retards de livraison de vaccins d'AstraZeneca étaient "inacceptables" et que les explications du laboratoire n'étaient quant à elles "pas satisfaisantes". Selon les médias français, la commissaire européenne a même écrit à la firme britannique pour poser des questions précises. ‘’L'UE, rapporte les médias, a préfinancé le développement rapide du vaccin et la production, et veut un retour sur cet investissement. Bruxelles veut savoir "exactement quelles doses ont été produites par AstraZeneca ? Où exactement ? Et, si elles ont été livrées, à qui ?".

Ainsi, les 27 demandent la livraison de ces 400 millions de doses dont 80 millions d’ici fin mars, conformément au contrat. Mais cette demande s’est heurtée à une fin de non-recevoir du côté de la firme anglo-suédoise qui ne pourra finalement livrer que le quart de cette commande à date. Dans des entretiens avec la presse, lit-on dans la presse française, le CEO d’AstraZeneca, Pascal Soriot, a vivement répliqué aux critiques européennes, en ce début de semaine. Mardi, le patron a indiqué à ‘’La Repubblica’’ que l’entreprise n’était "pas engagée" contractuellement envers l’UE sur un calendrier précis de livraison. ‘’On s’est engagé à faire de notre mieux’’, disait-il, rappelant que le contrat européen a été signé trois mois plus tard que celui avec le Royaume-Uni.

Pour l’heure, les seuls pays qui semblent à l’abri sont les pays producteurs qui ont beaucoup investi dans la recherche et ont signé des accords d’achat anticipé. Il s’agit surtout des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne, qui tiennent surtout à approvisionner leurs marchés, avant de penser aux autres. Les seuls recours restent alors les vaccins chinois (Sinopharm) et russe (Spoutnik). Pendant que les pays en développement d’Amérique du Sud et d’Asie se ruent vers ces produits, l’Afrique semble plus spectateur et l’Europe, elle, se sent perdue entre Washington et Londres.

En ce qui concerne le Sénégal, le ministre de la Santé et de l’Action sociale avait, dernièrement, fait un post annonçant le don, par la Chine, de 200 000 doses de vaccin au Sénégal. Mais très vite, le message a été retiré desdites plateformes sans aucune explication. 

MOR AMAR

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