La pêche est momentanément suspendue

Depuis presque trois jours, la mer est très agitée. À une certaine distance, le bruit du vent se fait entendre. Ramenant avec lui la houle qui vient s'écraser sur la plage. Ces conditions météorologiques défavorables ont dissuadé les pêcheurs de Thiaroye-sur-Mer d'aller à l'aventure. Le danger est imminent et il faut préserver sa vie.
À Thiaroye-sur-Mer, les prévisions de la météo ne sont pas tombées dans l'oreille d'un sourd. Pas de pirogue qui prend le chemin dangereux de la mer. Éparpillées et arrimées le long du rivage, ces embarcations sont secouées par le vent accompagné de la redoutable houle qui s'abat à chaque fois sur la plage. L'océan est bruyant et complètement agité. Sur la terre ferme, des pêcheurs profitent de ces temps de répit pour remailler leurs filets. Ces derniers sont étalés sous des tentes, à l’abri des rayons du soleil. Pendant que certains se chargent du remaillage, d'autres vaquent à d'autres occupations. Et comme, pour la plupart, il est de coutume chez nous, le plus jeune assure la préparation du thé. Sur les lèvres, c'est le même discours : la situation actuelle de la mer.
En effet, le moment n'est pas favorable à la pêche. Les risques sont énormes. Sur une pirogue assez grande, immobilisée sur le sol, un homme tient un seau pour vider l'eau pluviale. ''Ce n'est pas le moment opportun d'aller à la pêche. La mer est très agitée. Moi, j'ai une autre pirogue plus petite que celle-là. Mais tant que le temps restera comme ça, je n'irai pas en mer. C'est risqué'', fait savoir Youga Niang. Pour lui, il n'y a aucune raison d'affronter les intempéries. Et pour préciser, M. Niang rappelle qu'il a reçu les prévisions météorologiques depuis quelques jours. À cause de cela, il ne compte prendre aucun risque.
Avis partagé par Maha Diarra. Dans le métier depuis les années 1980, l'homme est convaincu que la meilleure solution est de rester à l'écoute des services de prévention. Il regrette le manque d'organisation notée au niveau du secteur. ''Il y a un manque d'organisation. Les pêcheurs de Joal ou de Mbour, par exemple, sont plus organisés. Quand la météo annonce un risque, on respecte les consignes données. Personne ne va à la pêche''.
Chaque fois que le temps se gâte, les pêcheurs sont informés. C'est ce que soutient Amadou Guèye. En pleine discussion avec ses amis, le pêcheur d'un âge relativement jeune est revenu sur le niveau d'information. ''Maintenant, on ne peut plus parler de manque de communication ou d'absence d'information. Des groupes de discussion sont mis en place. Et ça concerne tous les pêcheurs, de Saint-Louis au Cap Skirring. Toutes les informations y compris les prévisions météorologiques sont mises dans ces plateformes''.
D'après lui, à moins de faire ce qu'on veut, tout le monde reçoit les informations. Celles-ci sont envoyées et chacun est mis au courant. Ce n'est même plus, comme avant, où il fallait regarder la météo à la télévision. Celui qui n'a pas le temps de la suivre à la télé peut se rabattre sur les plateformes.
À défaut d'écouter la météo, il faut se protéger…
La majorité des pêcheurs est pour le respect des instructions des systèmes de prévention. Si les conditions météorologiques sont défavorables, il faut, pour eux, hisser la pirogue sur le sol et garder le filet à la maison. Ce n'est pas le moment dont on a besoin pour effectuer une partie de pêche. Toutefois, certains, pour se passer de ces réalités, évoquent les conditions socio-économiques difficiles. Pour eux, quand on n'a rien à se mettre sous la dent, le seul choix qui s'impose, c'est de braver vents et marées. On prend le risque malgré soi. C'est ce qu'explique Pape Ibrahima Kobar : "Parfois, les pêcheurs sont obligés d'aller en mer malgré eux, quel que soit le danger du moment. Si on doit rester à la maison sans rien avoir en poche, alors vaut mieux d'aller au sacrifice. C'est ce que font parfois certains pêcheurs.''
Pour mieux appuyer son idée, il remet tout entre les mains de Dieu. Selon lui, Dieu a déjà tout programmé. On ne peut pas échapper au destin. D'ailleurs, à la différence des autres, il n'est pas étonné par la situation actuelle de la mer. Et même si les conditions météorologiques ne sont pas favorables, le plus important c'est de croire en Dieu. Bref, malgré les risques, on peut se sacrifier. Le reste est du ressort divin.
Mais cette pensée n'est pas partagée par Mbaye Ndoye. Pour lui, l'affaire est simple : quand la météo alerte, il faut se plier. Quand il y a danger, il faut renoncer à la pêche. À ce propos, il explique : "Je pratique la pêche au filet dormant. Mon filet est dans la mer depuis hier. Je retournerai le récupérer si la situation se stabilise. C'est très dangereux d'aller en mer dans ces situations-là. La houle, elle surprend parfois. C'est pourquoi il faut éviter de forcer. J'ai 53 ans et je ne connais que la pêche. Donc, je parle en connaissance de cause. Ce qui est mieux, à mon avis, c'est de prêter une oreille à la météo. Tôt ou tard, ses prévisions arriveront.'' Poursuivant, M. Ndoye révèle que des récalcitrants ont vu leurs pirogues partir, détruites par de fortes vagues. Ils n’ont pas voulu croire aux prévisions de la météo.
Pour Birame Diop, si on doit coûte que coûte aller à la pêche, il y a un minimum à faire, à respecter. Il faut mettre le gilet de sauvetage. D'après lui, des pères de famille n'ont d'autres moyens de gagner leur vie que d’aller pêcher. D'où la nécessité de prendre toutes les dispositions nécessaires. ''Moi, je sais que je n'irai jamais pêcher tant que la situation n'est pas revenue à la normale. Cependant, pour certains qui sont dans l'obligation d'y aller, il faut des mesures de protection. Les gilets de pêche sont incontournables. Même en situation normale''.
Ça arrive le plus souvent en hivernage
Actuellement, la mer est dans un état plus que redoutable. On aurait pu dire qu'elle est en colère, tellement le bruit est effrayant. Mais, à en croire certains pêcheurs qui semblent maîtriser la situation maritime, il s'agit là d'un phénomène qui se produit le plus souvent en période d'hivernage. ''Ce n'est pas surprenant. Chaque hivernage, c'est comme ça. Il arrive des moments où la mer est intraitable. Dans ce cas, il faut vraiment privilégier la survie'', déclare un ancien pêcheur d'un âge avancé.
Quant à Birame Diop, il est allé plus loin. Selon lui, c'est une situation qui arrive tous les trois mois. Et c'est pourquoi il faut s'y attendre. On comprend par là qu'il est hors de question de s'entêter pour ne pas courir de gros risques.
El hadji Fodé Sarr