Publié le 8 Nov 2019 - 21:51
ALLIANCE POUR LA REPUBLIQUE

L’exception Aminata Touré

 

Bien qu’éludé par le parti au pouvoir, le débat sur la succession du président de la République Macky Sall reste au cœur du débat public. Agissant plus qu’elle ne parle, Aminata Touré émerge de plus en plus dans le pool des potentiels prétendants.  

 

De tous les prétendants, elle est sans doute l’une des plus courageuses, des plus audacieuses. Ses ambitions sont devenues un secret de Polichinelle. Dame de fer, forte tête, dur à cuir… Toutes ces expressions mènent à l’actuelle présidente du Conseil économique, social et environnemental. De 2012 à maintenant, l’ancienne fonctionnaire des Nations unies n’a presque jamais cessé de jouer les premiers rôles au sein de l’Alliance pour la République, parti au pouvoir. Ministre de la Justice aux premières heures du règne de Macky Sall, elle a réussi à faire de cette station un tremplin pour entrer dans le cœur de beaucoup de Sénégalais. Rien ne l’arrêtait. Même pas le président de la République. On se rappelle le dossier fleuve de la traque des biens mal acquis avec l’histoire de la médiation pénale.

De ce fait, sa nomination au poste de Premier ministre, le 1er septembre 2013, était perçue comme un cadeau empoisonné par certains observateurs avertis de la scène politique. La suite, tout le monde la connait. Battue à plate couture, lors des élections locales de juin 2014, elle a été limogée sans ménagement, malgré ses bonnes notes sur le plan socio-économique. Nonobstant la grosse désillusion, l’ancienne pensionnaire du lycée Waldidio Ndiaye de Kaolack poursuit son combat aux côtés de son leader. Toujours plus déterminée et convaincue que son étoile, un jour, brillera.

Consciente qu’en politique, il faut une base pour exister, elle décide alors de retourner à ses origines, dans la capitale du bassin arachidier. Sur place, elle se heurte à un mur de caciques qui voient, en ce retour au bercail de la très ambitieuse et politique dame, une menace pour ce qu’ils ont toujours considéré comme leur chasse gardée. Malgré l’hostilité, l’ancienne directrice de campagne réussit à se refaire une nouvelle santé politique, à faire oublier sa débâcle de 2014. Sa pugnacité, sa patience et son engagement militant ont fini par payer.

En février 2015, l’ancien Premier ministre revient aux affaires avec le modeste poste d’envoyée spéciale du président de la République. Plusieurs en riaient, mais elle, le prenait très au sérieux et continuait son petit bonhomme de chemin.

Après la brillante victoire de Macky Sall en 2019 dont elle fait partie des artisans, elle a été promue à la tête du Cese, devenant ainsi la troisième personnalité de l’Etat. Une nouvelle consécration qui réveille encore ses camarades de partis, jaloux et envieux. En fait, quand il s’agit de Mimi, les promotions comme les sanctions ont une toute autre saveur. Selon le bord où l’on se situe, les commentaires vont bon train. La bonne dame ne laissant personne indifférent. A l’orée de sa nouvelle mission, certains estimaient : ‘’Mimi envoyée à la maison des retraités’’. Cette caricature n’était pas si dénuée de tout fondement. En effet, après Famara Ibrahima Sagna, Ousmane Masseck Ndiaye, Mbaye Jacques Diop… le CESE a été un terminus pour beaucoup de ‘’ndanaanes’’ (personnalités politiques). La dernière victime est devenue l’une des plus grands détracteurs de Mme Touré, bourreau de Karim Wade et de Serigne Béthio. Mais, c’était mal connaitre Aminata Touré, peinte comme une véritable athlète, au propre comme au figuré, que de la donner pour morte.

Loin s’en faut ! Toujours droite dans ses coquettes, elle fonce sur son objectif, pour beaucoup, sur 2024. Ses actes valent bien plus que des mots. Ainsi, si le dessein de l’éminence grise du Palais était de tuer la challenger dangereuse, c’est peine-perdue.  Au CESE, l’ancienne Premier ministre renait de ses cendres. Et dès les premiers actes, Mimi commence à agacer selon le magazine panafricain Jeune Afrique citant l’entourage même du Président. Malgré tout, la ‘’Margaret Thatcher’’ sénégalaise continue sa révolution économique, sociale et environnementale au CESE. Après l’ouverture officielle de la session, le mardi 29 octobre dernier, sur le thème de l’évaluation prospective de l’acte III de la décentralisation avec l’audition de M. Oumar Gueye, ministre des Collectivités territoriales et de l’aménagement du territoire, le Conseil a lancé une série de panels sur le civisme pour marquer la différence. Il s’agit de recevoir des experts de haut niveau sur des questions d’actualité et de nourrir la réflexion en vue de trouver des solutions. Le dernier en date portait sur les accidents qui n’en finissent pas de provoquer la désolation et l’ire des populations.  

Avec Aminata Touré, le Conseil économique, social et environnemental commence ainsi à changer de visage, à multiplier les activités et à mieux les vulgariser. Pendant que ses concurrents dorment, Mimi avance à grand pas, en s’entourant des meilleures compétences. Outre les nominations, la mise en place d’une task-force, son entreprise de modifier le règlement intérieur du CESE sème davantage la panique, jusque dans l’entourage proche du chef de l’Etat. En fait, ce dernier y verrait une volonté de l’ancienne ministre de la Justice de se déployer dans le Sénégal des profondeurs. Il n’empêche, pour beaucoup, Mimi, comme l’appellent les Sénégalais, n’en n’est pas moins un poids plume, car dépourvue de base consistante. C’est d’ailleurs là son grand challenge, d’ici à 2024.

Qu’à cela ne tienne ! Le Palais, qui défend de parler du mandat reste sur ses gardes et veille au grain. D’ailleurs, si l’on en croit Jeune Afrique citant toujours des sources du Palais, Macky Sall s’est voulu ferme, en rappelant à ses ministres que la présidente du CESE n’est pas leur supérieure.

Aminata Touré et l’histoire des toilettes

Par les temps qui courent, les faits et gestes de certains responsables du régime sont épiés comme du lait sur le feu. Poussant certains à revoir leur calendrier, à bien peser les mots qu’ils utilisent à l’occasion de certaines cérémonies. Aminata Touré, elle, continue son calendrier, comme si de rien n’était. Dernièrement, il a suffi d’une vidéo, la montrant en train de couper un ruban, lors de l’inauguration de blocs sanitaires au lycée Waldiodio Ndiaye de Kaolack, pour que la toile s’enflamme. Très vite, certains ont fait la corrélation avec ses ambitions présidentielles. D’autres la tournant en dérision, en trouvant insignifiant le don.

Ousmane Dème qui dit être un proche de l’ancien PM, témoigne sur l’histoire de ces latérites. ‘’Je vous appelle de la France. C’est pour témoigner à propos de ces blocs sanitaires. La construction a commencé au mois de janvier. A l’époque, elle était juste envoyée spéciale. C’est de sa poche qu’elle s’est engagée à construire ce bloc de 12 toilettes en tant qu’ancienne pensionnaire du lycée. Quoi de plus normal’’. Ayant piloté une partie du projet, il témoigne : ‘’Il faut savoir que le lycée compte 4000 élèves. Et il n’y avait pas de toilettes. Les élèves allaient dans le voisinage pour satisfaire leurs besoins. C’était donc devenu une nécessité. Maintenant, si les autorités de l’école décident de la remercier, parce qu’elle a fait un acte salutaire, elle n’y est pour rien. Il faut cesser de diaboliser les gens’’.

Responsable à l’APR de Fatick, Ousmane est également revenu sur la volonté prêtée à son ‘’amie’’ de vouloir se présenter. ‘’Elle en a le droit. Elle ne m’a rien dit, mais si elle se sent prête, pourquoi pas. Moi, je suis de l’APR, je suis de Fatick, mais il faut arrêter. Macky Sall n’est pas un dieu. Moi, je considère que les responsables qui veulent se présenter ont tout à fait le droit de se déclarer. Que ça soit Mimi, Aly Ngouille Ndiaye ou un autre. Le Président n’a qu’à continuer le travail pour lequel il a été réélu’’.

MOR AMAR

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