Publié le 30 Dec 2014 - 12:02
ALLIANCES POLITIQUES

Quand l’histoire bégaie

 

La polémique actuelle entre le PS et l’APR rappelle à bien des égards des expériences vécues par le passé avec les régimes de Diouf et de Wade.     

 

En politique, les alliances se nouent et se dénouent toujours  au gré des intérêts de chaque partie. Au Sénégal, le compagnonnage des partis alliés de la majorité présidentielle, malgré les apparences, n’a jamais été un long fleuve tranquille. Avec le duel par presse interposée entre l’Alliance pour la République (APR) et ses alliés du Parti socialiste (PS) et qui est né de la volonté de ces derniers de présenter un candidat à la présidentielle de 2017, c’est l’histoire qui  semble se répéter. Même si pour l’heure, aucun des deux alliés ne veut prendre  l’initiative d’une rupture, le clash semble inévitable. Car, les socialistes qui ont fait de la reconquête du pouvoir une question existentielle, sont contraints de quitter l’attelage gouvernemental ou d’être démis avant la prochaine échéance électorale.

 En son temps,  le secrétaire  général  du Parti démocratique sénégalais (PDS), lui, n’avait pas attendu d’être démis pour quitter le gouvernement socialiste.  Nommé en avril 1991 ministre d’Etat auprès du président de la République à la faveur de la mise en place d’un gouvernement d’Union nationale, Me Abdoulaye Wade, opposant historique de l’ancien président Abdou Diouf, n’y aura passé que quelques mois. Le pape du Sopi décida de se retirer du gouvernement socialiste avec ses trois ministres (Jean Paul Dias, Aminata Tall, Ousmane Ngom) en octobre 1992. C’était à la veille de la présidentielle de 1993. Ndiogou Wack Seck, grand reporter  à l’époque au  journal Sopi, témoigne : ’’Pour Wade, on ne pouvait être dans un gouvernement et s’opposer contre ce gouvernement. Donc, il a pris ses responsabilités.’’

Qu’à cela ne tienne, Abdou Diouf sortira de la présidentielle victorieux. Mais l’issue sanglante du scrutin (l’assassinat de Me Babacar Sèye)  va exacerber davantage les relations entre le pouvoir et l’opposition. Accusé d’être le commanditaire de ce meurtre, Me Wade fut arrêté ainsi que plusieurs responsables de son parti. Relâché au ‘’bénéfice du doute’’ le 14 juillet 1995, le pape du Sopi rejoint à nouveau le gouvernement socialiste dirigé à l’époque par le Premier ministre Habib Thiam. Cette cohabitation durera 3 ans. Mais à la différence de la première, la rupture viendra plutôt de la base elle-même. Ndiogou Wack Seck confie : ‘’Les militants n’ont pas pu digérer le fait qu’il y ait deux conseils des ministres. Le premier se tenait officiellement le mercredi et réunissait tous les ministres ; l’autre était clandestin et ne réunissait que les ministres socialistes.’’

L’autre chose, poursuit l’ancien journaliste de Sopi, c’est quand ‘’les militants ont vu  Abdoulaye Wade ouvrir la porte de la voiture de Diouf à une manifestation ; cette image les a choqués’’. Suffisant pour qu’ils exigent la démission des ministres libéraux du gouvernement. Le message était clair et Wade l’aura compris. ‘’Ce jour-là, raconte notre interlocuteur, les militants, furieux, ont hué Wade. Passé cet épisode, Wade  annonça le retrait de ses ministres (Aminata Tall, Massokhna Kane, Idrissa Seck, Ousmane Ngom) de l’équipe de Habib Thiam’’. C‘était  en 1998.

 Autre cas d’école, c’est celui de Landing Savané, leader d’AJ-PADS devenu aujourd’hui AJ-PADS/Authentique. Souteneur du candidat Wade à la présidentielle de 2000, Landing aura entretenu des relations difficiles avec le leader du PDS. Bien qu’on ait attribué à son parti deux postes ministériels dans le gouvernement, Landing décida à la présidentielle de 2007 de se présenter face au président sortant.

Sa défaite  à l’issue de ces élections va mettre le parti face un dilemme… shakespearien : partir du gouvernement ou ne pas partir ? Telle était la question qui  se posait à lui et  à ses camarades. Si Landing et Decroix avaient choisi de retourner avec Wade malgré tout, une partie du bureau national dont Madièye Mbodj, Joe Diop, Haoua Dia Thiam étaient d’avis qu’il fallait assumer la rupture et quitter la mouvance  présidentielle. Dans une déclaration rendue publique, ces derniers ont traité Landing et Decroix de ‘’’capitulards’’.

 La scission était donc consommée. Sachant profiter du malheur de ses adversaires politiques, Me Wade réintégra ses vieux alliés dans le gouvernement. Une manière de les compromettre. Nommés respectivement ministre d’Etat auprès du président de la République et ministre du Commerce, Landing et Decroix finiront par entrer en conflit. A l’origine, une affaire d’argent, selon un proche de Me Wade. ‘’Lorsque nous sommes allés en Chine en visite officielle en 2007, nous avions appris que Landing Savané y était trois jours avant.

Il a rencontré le président du parti communiste chinois pour solliciter un soutien financier afin de battre campagne contre Wade. Alors, il nous fallait lui apporter la réplique’’. En quoi faisant ? ‘’Nous avons demandé à l’époque à Souleymane Ndéné Ndiaye de parler des  30 millions qu’on remettait à Landing chaque mois à l’insu de Decroix.’’ Mais ces accusations ont été démenties par l’intéressé qui parle de ‘’pure délation’’.  ‘’Souleymane Ndéné Ndiaye ne peut pas prouver ce qu’il a avancé’’, disait Landing Savané. La suite on  le sait. AJ-PADS sera divisé en deux  avec le départ de plusieurs de ses cadres.  

Aujourd’hui que la rupture se dessine de plus en plus entre le PS et l’APR, reste à savoir le type de discours que va tenir le candidat des socialistes à la présidentielle de 2017. 

DAOUDA GBAYA

 

Section: