Publié le 23 Dec 2018 - 12:56
EN PRIVE AVEC DABA SEYE

‘’Il y a des gens qui deviennent chanteurs pour la notoriété’’

 

On est en décembre. C’est le mois des sorties d’albums. Après Youssou Ndour, Wally Seck et la diva Coumba Gawlo, Daba Sèye a mis sur le marché son quatrième opus : ‘’Nimu nexe’’. Elle en parle dans cet entretien. Emotive, elle a versé quelques larmes en parlant de son guide religieux Serigne Fallou Mbacké à qui elle dédie un titre dans chacun de ses albums.

 

Pouvez-vous nous parler de votre nouvel album ?

 Il est mon quatrième album et est composé de six titres. Il est intitulé ‘’Nimu nexe’’. Il y a un morceau qui parle d’amour, c’est le titre éponyme d’ailleurs, à côté de ‘’Te quiero mucho’’. Il y a la chanson ‘’Torodo’’. Il y a celle baptisée ‘’Guewel la’’ ou encore ‘’Mbaax’’. Et enfin, naturellement, il y a le titre ‘’Serigne Fallou’’. Il est produit par mon mari, Mor Mané.

Qu’en est-il de la composition musicale ?

Les Sénégalais avaient la nostalgie du ‘’mbalax’’ pur et dur. Les musiciens ont commencé à copier la musique nigérienne au détriment de notre musique nationale. A un moment, on dirait même qu’ils sont complexés. Ils ont favorisé cette musique, oubliant carrément notre patrimoine musical national. Dans cet album, je mets en valeur et en avant notre musique. J’étais dans ce registre, mais avec des rythmes soft. Aujourd’hui, ce que je propose dans cet album est beaucoup plus rythmé. Je voyage beaucoup. Quand je vais à l’étranger, je joue une musique soft. C’est le cadre qui l’exige. En tant qu’artiste chanteuse sénégalaise, je ne pouvais laisser cela passer.

Lors de la conférence de presse de présentation de votre album, vous avez pleuré en entendant le témoignage de votre mari et producteur. Qu’est-ce qui vous a fait pleurer ?

J’étais très émue. Je ne fais que chanter et ne sais faire que cela. Je tiens à ce métier comme la commerçante le fait avec son travail ou la directrice d’une société. Tout ce que j’ai, je l’ai obtenu grâce à ce métier. Quand je vois quelqu’un qui se sacrifie pour moi, m’encourage et me soutient, je ne peux que lui être redevable. Quand je l’ai entendu parler, je me suis rappelée tous les sacrifices qu’il a faits pour moi et pour que je puisse réussir dans ce métier.

Vous semblez avoir opté pour des sorties d’album tous les 4 ans. Pourquoi attendre toujours autant de temps ?

Il est tout à fait normal que je procède de la manière. Un esprit doit se reposer par moments. Après des moments de dur labeur, il est très normal de laisser le cerveau se reposer. On prie d’avoir une longue vie et une bonne santé pour pouvoir travailler correctement et accomplir cette mission. Je veux qu’à chaque fois que sort mon album, que les gens se rendent compte que mon orchestre et moi avons bien travaillé la musique. Vouloir sortir tout le temps des albums et le faire de manière simultanée n’est ni important ni sensé. J’avance à mon rythme. Quand on n’est en concurrence avec personne, on n’a pas besoin de se précipiter. Mon travail, je ne le soumets pas qu’au public sénégalais. Donc, je me dois de présenter quelque chose de correcte quand je décide de sortir un album. C’est pourquoi je prends mon temps. Mon dernier album, ‘’Jamm Sénégal’’, est sorti il y a quatre ans. C’est un choix que j’ai fait de procéder ainsi. Pour le moment, je ne suis en concurrence avec personne.

Mais quand même, il faut reconnaître qu’à côté, il y a des gens qui sortent plus régulièrement et sont plus présents sur la scène. Ce qui fait qu’on vous oublie souvent…

Moi, j’ai un plan de carrière bien tracé. Je ne fais que le suivre. Je ne suis pas pressée. J’ai choisi la musique comme métier. Dans chaque album, il y a différents titres. Je laisse le temps aux mélomanes de les apprécier. Quand on se précipite pour sortir à un rythme effréné des opus, mais les gens ne connaîtront même pas nos chansons. Dans un album, ils en connaîtront peut-être deux ou trois au plus. Moi, je préfère prendre le temps nécessaire pour les laisser savourer ma production. Un album est comme un enfant. On doit le suivre à chaque étape de sa vie.

Vous prenez du temps dans le travail pour sortir juste 6 titres. N’est-ce pas minime ?

Non, je ne pense pas. C’est le classique. Je ne suis qu’à mon quatrième album. J’ai encore du temps pour faire d’autres chansons. Une production requiert des moyens financiers importants, de la réflexion pour l’écriture des textes, de la recherche pour la composition musicale. Il faut beaucoup de choses. Aujourd’hui, l’on sait tous que la vente de Cd ne marche pas. Il est difficile de rentabiliser un produit. Donc, à mon avis, cela ne vaut pas la peine de faire certaines choses. On ne sort des albums maintenant que pour exister. Six titres, c’est largement suffisant pour le moment.

Vous avez 4 albums et dans les 4, il y a toujours un hommage à Serigne Fallou. Qu’est-ce qui explique cela ?

Si je pouvais chanter tous les jours Serigne Fallou, même si ce n’est dans un album, je le ferais.  Vous savez… (Elle pleure) Je ne saurais vous expliquer ce qui me lie à Serigne Fallou. Je ne le peux pas. Ce que je dis dans cet album, c’est ce que je vis au quotidien dans la relation qui me lie à cet homme saint. Très souvent, quand je suis dans des difficultés, quand je l’évoque dans mes prières, tous mes problèmes se résolvent. Il m’arrive d’avoir besoin de quelque chose d’urgent et grâce à lui je l’obtiens sans écueil. Je sais que je peux toujours compter sur lui. Il est mon guide religieux et à chaque fois que j’ai besoin d’aide, Serigne Fallou m’assiste (sa voix se brise). Je ne peux vous expliquer ce qui me lie à cet homme.

Votre dernier album est intitulé ‘’Jamm Sénégal’’. On est à la veille d’une échéance électorale au Sénégal. Quel message adressez-vous aux Sénégalais ?

Je leur rappelle juste ce message de paix contenu dans cet album sorti en 2014. Ce Sénégal est un pays de paix. ‘’Jamm Sénégal’’ n’est pas une thématique dans mes chants. C’est un concept dans ma carrière. Les évènements du 23 juin m’avaient trouvé en Amérique. Mais je n’étais pas tranquille. Dans ce pays, vivent des gens que j’aime, des parents qui me sont très chers. Donc, où que l’on puisse être, on n’aimerait pas voir notre pays dans un certain état. Il faut que nous nous rappelions de ce que nous ont légué certaines personnalités de ce pays comme Serigne Bamba, El Hadj Malick Sy, Mame Boucounta, Mame Limamou, et bien d’autres hommes saints. Leur legs est bien plus riche que tout ce que l’on peut avoir.

Comment appréciez-vous l’évolution de la musique sénégalaise ?

Cela n’avance pas. La musique est un métier. On investit de l’argent et du temps. On reste dans cette profession par amour et par passion, mais ça ne marche pas du tout. Les causes sont nombreuses. Ceux qui sont au sommet devraient aider à tenir le flambeau haut. C’est à eux de dire à ceux qui ne sont pas bons que le chant n’est pas fait pour eux. Si ces derniers tiennent à ce métier, qu’ils aillent alors se former. Aujourd’hui, dans la musique, il y a beaucoup de gens qui ne savent pas chanter. Il faut qu’on le leur dise afin qu’ils aillent se former. Il y a des gens qui intègrent ce métier juste pour la notoriété. C’est bien malheureux.

BIGUE BOB

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