Publié le 10 Mar 2020 - 02:46
GUERRE DE SECESSION A L’APR

Le grand balayage 

 

 

Comme des fantassins envoyés par de puissants leaders tapis dans l’ombre, certains responsables de premier plan de l’Alliance pour la République s’en prennent, de plus en plus, à des piliers du régime coupables du délit supposé d’avoir des ambitions présidentielles. Le parti promet de réagir dans les prochains jours.

 

En attendant la guerre de succession, place à celle de sécession. Depuis quelque temps, c’est la guerre fratricide au sein de la famille politique du président de la République. D’aucuns n’hésitant pas à réclamer une exclusion pure et simple de certains hauts responsables. Tous ceux qui sont présidentiables dans la mouvance présidentielle sont devenus des ennemis à abattre par la ‘’garde rapprochée’’ du président de l’Alliance pour la République (APR). En première ligne de ce combat, il y a l’administrateur de la Maison de la Presse, par ailleurs Maire de Méouane, Bara Ndiaye. Comme un fantassin, l’homme avance à visage découvert et tire sur tout ce qui bouge. Dans une tribune intitulée ‘’J'interpelle Amadou Ba, Aminata Touré et autres du même acabit : cette bataille est-elle la vôtre?’’, il insinuait que ces derniers seraient derrière des jeunes qui lui ont porté la réplique, suite à ses premières accusations.

En fait, quelques jours auparavant, le même Bara Ndiaye, dans ‘’RFM matin’’, lâchait des missiles en direction des mêmes responsables, tout en se gardant de les citer nommément. Lors de cette émission, le responsable dénonçait, avec véhémence, ‘’les agissements de hauts responsables’’ du parti au pouvoir, ‘’consistant à tisser des réseaux internes et ce, dans la logique de leur agenda personnel’’. La réaction des pro-Amadou Ba (ministre des Affaires étrangères) et pro-Aminata Touré (présidente du Conseil économique, social et environnemental) n’avaient pas tardé. D’où la dernière lettre où le sieur Ndiaye n’a pas hésité de mettre le doigt sur le visage des supposés traitres. Il a poussé le bouchon plus loin, en accusant la Présidente du Conseil économique et social de d’avoir « recruté en un jour, soixante-douze Chargés de Mission et Conseillers ». Aminata Touré a saisi la justice pour diffamation.

En dehors de Bara Ndiaye, maire de Méouane, d’autres éminents responsables en ont remis une couche. Le ministre chef de cabinet du président de la République, lui-même, est monté au créneau pour s’en prendre violemment aux supposés prétendants au fauteuil. En sus des deux premiers nommés, sont généralement cités le ministre de l’Energie Mouhamadou Makhtar Cissé et parfois – même si c’est rare - le secrétaire général de la Présidence, Mahammed Boun Abdallah Dionne.

Mais la question qui taraude plus d’un, c’est à quelles fins le sieur Bara Ndiaye et les autres s’en prennent-ils toujours aux mêmes personnes ? Y a-t-il des commanditaires de cette levée de boucliers ? Serait-ce le président Sall lui-même qui tire les ficelles ou quelqu’un d’autres ? Jusque-là, le silence de la première intrigue et conforte la thèse selon laquelle il n’est pas contre.

Mais, à en croire le porte-parole adjoint de l’APR, Abdoul Mbow, le parti va rompre le silence dans les tout prochains jours. ‘’On aura le temps, et très rapidement, de régler ces questions. Le moment venu, vous serez averti. Le parti prendra toutes les dispositions nécessaires pour régler les questions internes du parti’’, répond-il à la question de savoir pourquoi le parti se mure dans un silence, pendant que de hauts responsables s’entredéchirent.

Le cas Amadou Ba

Depuis le dernier remaniement intervenu en avril 2019, il est devenu la cible n°1 des fantassins de l’Alliance pour la République. Lui, c’est le ministre des Affaires étrangères Amadou Ba. Déjà, à son déplacement des régies financières à la chancellerie, les supputations allaient bon train dans le landerneau politique sénégalais. Certains n’avaient pas hésité à l’interpréter comme une volonté du président Sall de se débarrasser progressivement de lui. Ce dimanche donc, les soupçons ont franchi un autre palier, avec la tenue de l’Assemblée générale de la Coordination APR des Parcelles-Assainies, dont il est le coordonnateur. A cette réunion à laquelle ont participé de hauts responsables, dont le directeur des Structures Mbaye Ndiaye, Amadou Ba a été désigné comme principal responsable de la léthargie dont souffre ladite coordination.

Joint par téléphone, le président de la Commission infrastructures et équipements, membre du bureau du Collège exécutif national de la Convention des cadres, précise : ‘’Nous avions convoqué cette assemblée générale pour réfléchir sur la léthargie chronique, depuis l’élection présidentielle. Aucune activité digne de ce nom n’a été organisée au niveau de notre coordination. Pendant ce temps, le coordonnateur, on ne le voit presque jamais. Quand on vous confie de coordonner les activités d’un parti, c’est à vous de réfléchir sur comment rendre dynamique ce parti. L’assemblée générale a donc essayé de voir les voies et moyens de relancer les activités.’’ Très remonté, il l’accuse même d’écarter les militants ‘’de l’APR authentique’’, au bénéfice d’aventuriers politiques. 

Rendant compte de ladite assemblée générale, l’administrateur de la Maison de la Presse, Bara Ndiaye, a souligné que la coordination est allée bien plus loin, en proposant au président Macky Sall d’exclure Amadou Ba du parti. Par la même occasion, il soutenait que ses camarades des Parcelles-Assainies ont destitué l’ancien ministre des Finances.

 Interpellé sur cette sortie, le porte-parole adjoint de l’APR, Abdou Mbow, précise : ‘’C’est un communiqué qui n’a même pas été signé. On ne connait pas d’où ça vient. N’importe qui pourrait en être l’auteur. Cela n’engage donc pas le parti.’’ C’est quand même signé par un des responsables de votre parti, en l’occurrence Bara Ndiaye ? Là également, il botte en touche : ‘’Dans le communiqué authentique, signé par des responsables ayant participé à ladite assemblée, dont Mbaye Ndiaye, il a bien été précisé qu’il n’a jamais été question de tout cela. Mieux, ils ont dit qu’ils n’ont même pas ces pouvoirs. Les faits étant sacrés, les commentaires libres, moi je m’en limite à ce communiqué. Le soi-disant communiqué qui n’a pas de nom n’engage pas les structures du parti.’’

Quoi qu’il en soit, depuis que le second et dernier mandat a été amorcé, il ne se passe presque pas de mois où des responsables de premier plan de l’actuel régime ne montent au créneau pour s’en prendre à de présumés traitres. Pour le député et président du Conseil départemental de Rufisque, Souleymane Ndoye, il est temps de mettre un terme à ces attaques tous azimuts. Pour lui, de telles accusations ne reposent sur rien. ‘’Pour moi, c’est un faux débat. Les gens gagneraient à aller sur le terrain et vendre le programme et les réalisations du président de la République, au lieu d’être là à s’entredéchirer. Ces gens qu’on est en train d’accuser jouissent de la confiance du chef de l’Etat qui les a nommés. Ils siègent encore à la table du Conseil des ministres. Et puis, ils n’ont posé aucun acte qui justifie tout cette levée de boucliers. Je pense donc qu’on leur fait un mauvais procès. On ne peut pas dire qu’on défend le président en remettant en cause les hommes qu’il a choisis. Il faut être cohérent’’.

Pour le député, on ne saurait être plus royaliste que le roi. Le jour où le président ne voudra plus de ces gens, il va les démettre.

Par ailleurs, par rapport aux ambitions dont certains de ses camarades sont accusés, il estime que c’est leur faire un mauvais procès. ‘’Nous tous avons des ambitions. Qu’on le dise ou non. Macky Sall n’est pas éternel ; moi, je ne suis pas éternel. Chacun, au niveau où il se trouve, a des ambitions. Et personne ne peut l’interdire. Pour moi, ce débat ne se pose même pas’’.

Pour Djibril Ba, ‘’il ne s’agit pas d’étouffer des ambitions. Chacun de nous peut avoir des ambitions. Mais est-ce que ces ambitions collent avec celles du parti auquel vous appartenez ?’’. Aussi, insiste-t-il, les actes politiques, on y répond par des actes politiques.

Quant au débat autour d’un éventuel troisième mandat, nos interlocuteurs soutiennent que tous ceux qui en parlent outrepassent les directives du chef de l’Etat. Le député Souleymane Ndoye estime que cela doit cesser au plus vite et que les différents protagonistes travaillent à défendre le bilan du chef de l’Etat et ses réalisations. ‘’Le président a été clair sur le débat. La logique voudrait que tous les responsables respectent ses déclarations. Au lieu de suivre les instructions, on est là à s’entredéchirer. Pour moi, ce n’est pas responsable’’. Embouchant la même trompette, M. Ba affirme : ‘’Il vient d’être réélu. Nous devons nous focaliser sur le travail. 2024, c’est proche, mais c’est loin ; on ne sait même pas si on sera là.’’

Mais à qui profite le crime ? Ils sont nombreux à suspecter une volonté de faire le vide autour du président de la République, en vue de baliser le chemin au dauphin jusque-là soigneusement caché par le camp présidentiel. Mais qui pourrait donc être ce dauphin ? C’est encore mystère !

MOR AMAR

 

 

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