Un retour des tensions au pire des moments
Alors que des manifestations violentes ont eu lieu hier à Ziguinchor autour des rumeurs de l’arrestation d’Ousmane Sonko, la capitale de la Casamance a renoué avec les tensions. Bien loin des préoccupations visant le retour définitif de la paix dans une région en proie à un conflit armé, ces nouveaux heurts interviennent à un moment où des résultats probants ont été enregistrés.
Le clash était annoncé inévitable entre les forces de défense et de sécurité et des jeunes fidèles à Ousmane Sonko. Depuis que des rumeurs autour de l’arrestation imminente du plus grand opposant au régime ont surgi en fin de semaine dernière, ses partisans ont décidé d’instaurer un bouclier humain pour prévenir une tentative d’interpellation du maire de Ziguinchor, alors même qu’aucun document officiel ordonnant son arrestation n’a été rendu public. Malgré tout, des heurts ont éclaté hier dans la capitale du Sud, comme l’on pouvait s’y attendre. Ces incidents interviennent à neuf mois de la Présidentielle, dans une zone en proie à un conflit armé de plus de 30 ans. Cela, au moment où une action de la rébellion locale a décidé de déposer les armes, signe d’une volonté sincère de paix et de développement de la Casamance.
La cérémonie officielle s’est tenue samedi dernier à Mangone, dans le département de Bignona. Deux cent cinquante combattants d’une faction du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) ont signé un accord avec le gouvernement pour le dépôt des armes. Président cette cérémonie, le gouverneur de Ziguinchor a soutenu qu’elle ‘’s’inscrit en lettres d’or dans l’histoire du Sénégal. Elle est l’aboutissement d’un processus de négociations entre l’État du Sénégal, représenté par le Comité ad hoc sur la paix en Casamance, et l’Initiative pour la réunification des ailes politiques et armées du MFDC qui a duré presque trois ans’’, dans des propos recueillis par l’APS.
Un dépôt d’armes d’une faction du MDFC
Dans ce discours, Guédj Diouf a ajouté que ‘’ce dépôt des armes est un acte de bravoure traduisant votre fort engagement pour la paix et le développement économique et social de la Casamance. En prenant cette option, vous répondez à l’appel au dialogue prôné par le président de la République pour consolider la paix en Casamance, mais aussi, vous confirmez votre courage pour arriver à la paix‘’.
Cet accord intervient alors qu’au même moment se déroule une caravane culturelle entre Diakhao (Sine) et Ziguinchor (Casamance) à l’initiative des institutions royales du Sine et d’Oussouye, avec l’ambition de promouvoir une paix durable au Sénégal. Niokhobaye Diouf Fat Diène, Roi du Sine, et Maan Sibilumbaï Diédhiou, Roi d'Oussouye ont entrepris d’aller à la rencontre des Sénégalais, du 12 au 16 mai 2023, comme symbole des communautés sérères et diolas. Celles-ci vont incessamment organiser des concertations sur les mécanismes et modalités d'instauration et de consolidation de la paix dans l'espace social et principalement en Casamance.
Ayant fait plus de 3 000 morts en plus de quatre décennies, le conflit casamançais est parti, le 26 décembre 1982, de la répression violente d’une marche pacifique à Ziguinchor avec l'intention de remplacer le drapeau sénégalais de la gouvernance par un drapeau blanc. Dans un contexte de tensions sociales poussées, la radicalisation des manifestants, combinée à l’arrestation de l'abbé Augustin Diamacoune Senghor, principale figure locale, a instauré un conflit que les autorités sénégalaises peinent encore à éteindre.
La peur d’une radicalisation aux conséquences incalculables
Malgré les importants efforts fournis par les autorités pour le développement de la Casamance et un retour d’une paix définitive, une situation complexe de ‘’ni guerre ni paix’’ sévit dans la région casamançaise depuis plusieurs années. Et l’avènement d’un leader politique ‘’présidentiable’’ issu de la région a redonné un grand espoir aux populations locales. La preuve en est qu’en janvier 2022, Ousmane Sonko a été élu maire de Ziguinchor.
Si le contexte est différent d’avec la situation au début des années 80, la réalité actuelle est beaucoup plus explosive. Malgré son obligation de répondre à la justice sénégalaise sur des procès lancés contre lui par des particuliers, les conséquences d’une ‘’élimination’’ d’Ousmane Sonko de la course à la Présidentielle pourraient avoir des conséquences dans tout le pays, au-delà de la région de Casamance, comme cela a été vu à travers des manifestations notées à différents endroits du Sénégal.
À cela s’ajoute le contexte sécuritaire sous-régional très préoccupant, avec les avancées terroristes aux frontières sud du Sénégal et la multiplication des coups d’État en Afrique de l’Ouest.
Lamine Diouf