Publié le 25 Jun 2020 - 08:22

La Double Défaite

 

Incapables d'imaginer une formule de rigueur avec la crise de la Covid-19, les organisateurs de la cérémonie de commémoration du 23 juin 2011 ont démontré les limites de leur lutte : ils sont battus par un  pouvoir qui fait mieux que ce pour quoi le peuple sénégalais s'était historiquement opposé à Me Abdoulaye Wade : durer au pouvoir et le transmettre à un Medvedev qui pourrait être le beau-frère.

Un groupe d'individus regroupés sur la place publique a été interpellé hier vers midi aux environs du marché Sandaga, devant la pharmacie Guigon. Ils arboraient des t-shirts portant la mention "23 juin" au dos. La poignée de manifestants interpellés souhaitait rappeler la bataille héroïque du peuple sénégalais contre le régime de Me Abdoulaye Wade le 23 juin 2011 pour s'opposer à ce que le peuple percevait comme une tentative de détourner la loi fondamentale en se présentant à un troisième mandat consécutif qui se terminerait par une dévolution monarchique du pouvoir.

Neuf ans après une Histoire qui ne saurait se renouveler sans bégayer, les organisateurs de la cérémonie de commémoration du 23 juin n'ont pas su s'adapter à l'évolution du temps, dont le double signe d'une pratique qui se continue sous le régime de Macky Sall et la crise du Coronavirus : il est irresponsable d'appeler à un rassemblement public en pleine crise de la Covid-19, sauf si l'objectif visé veut traduire dans la réalité un combat perdu qui se manifeste encore aujourd'hui ; il est tout aussi irresponsable de chercher à commémorer ce qui, dans les faits, est un échec de la bataille de 2011 quand le successeur de Me Wade se livre aux mêmes pratiques d'une gestion gabegique et clanique du pouvoir.

Dans la réalité en effet, le peuple sénégalais a échoué dans sa capacité à imposer une moralisation de la vie publique et politique qui écarterait le clan des affaires et qui ferait mûrement réfléchir le président Macky Sall sur son devoir de respect vis-à-vis de la Constitution en rejetant toute velléité de mandat indu. L'effritement continu des libertés devant l'impatience des populations est en effet la preuve de deux intolérances qui se font face : celle de populations revenues de la bataille de 2011-2012, et celle d'un pouvoir débordé cherchant à se maintenir par la force de la coercition.

Le harcèlement contre le commissaire Sadio est par exemple la preuve d'un pouvoir irascible incapable de lire exactement les signaux sociaux de populations indignées : pourquoi tant de force morale exercée sur un individu quand on pratique dans les faits un pouvoir que Sadio ne pardonne pas à Macky Sall ? Car "Vous n'auriez pas dû être président" n'empêche par l'actuel chef de l'État d'être à sa place au moins jusqu'en 2024, même s'il cherche aujourd'hui un autre 23 juin en laissant planer une suspicion sur un troisième mandat impossible à trouver.

Et c'est sans doute le sens qu'il faut donner à ces mouvements de rêves perdus d'un 23 juin 2011 quand les Sénégalais veulent anticiper une bataille en manifestant aujourd'hui pour inviter l'improbable candidat de 2024 à la raison.

Mansour Dou Dem

(Mansour Faye Ne Tient Pas La Corde)

La pandémie du Covid-19 servirait aussi de prétexte pour parachever des projets laissés en rade, notamment dans le secteur de l'insuffisance alimentaire. Chargé  fort opportunément de l'opération d'assistance aux populations, Mansour Faye, dauphin présumé, a démontré ses limites techniques et humaines ; la non implication de la fondation "Servir le Sénégal" pour ne pas porter ombrage au frère et beau-frère n'a pas aidé non plus le ministre du Développement communautaire et de l'Équité sociale : l'expertise était là, à partir des aides imaginées par le pouvoir (bourses familiales principalement, pour avoir une bonne cartographie de la situation de pauvreté au Sénégal.

Mansour Faye n'a pas réussi le combat d'envergure qui devait le consacrer : les opérations d'assistance aux populations ont révélé la faiblesse congénitale des autorités sénégalaises, l'absence de transparence. Et quand ceci concerne des denrées, les accusations de corruption n'ont pas tardé, dès le début des opérations. De l'acquisition au transport, des soumissions aux négociations, le riz, le gel, les fournisseurs, la logistique, tout a donné prétexte à interprétation. Au surplus, face aux interrogations des populations relayées par la presse, le ministre du Développement communautaire et de l'Équité sociale et territoriale a perdu la mesure, démontrant un caractère inquiétant d’un homme soupçonné d’être le dauphin de son beau-frère de président.

Pire encore : tout suggère que les opérations d’appui aux populations devaient se substituer aux ratés notés dans la réponse d’État à l’insécurité alimentaire qui frappe le pays. Environ 359.000 personnes des départements Kanel, Ranerou, Salimata, Podor, Matam et Tivaouane, entre autres, étaient menacées et avaient besoin d’assistance pour ne pas mourir d’inanition avant janvier 2020 (Jean Pierre Senghor, secrétaire exécutif du Conseil national de sécurité alimentaire, sur Rfm, rapporte Senego du 6 décembre 2019).

Dans ses relations osées avec les personnalités du premier rang, Marième Faye pose souvent cette question incongrue : « Ndax Mansour Men Na Dem ?), littéralement, « Mansour Faye tient-il la corde ? », sous entendu pour remplacer Macky Sall en 2024.

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