L'aventure collective des Blues

Samedi soir, Chelsea a remporté sa deuxième Ligue des champions, en battant Manchester City (1-0). La victoire des Blues, c'est celle d'une conception fédératrice du jeu. C'est cet état d'esprit que Thomas Tuchel a trouvé en débarquant en janvier et c'est sur cela qu'il a construit un succès que personne n'avait vu venir cette saison, mais qui est amplement mérité.
Une tête dépasse des rangs des Blues. Bien involontairement, d'ailleurs. Mais elle dépasse quand même. Cette tête, c'est celle de N'Golo Kanté, antistar par excellence, joueur d'exception, élu meilleur joueur d'une finale qu'il a survolée, comme les demi-finales d'ailleurs. Et à peu près tous les matches qui comptent depuis quelques années, une autre équipe revêtant un maillot bleu pourrait en témoigner.
Kanté, c'est Chelsea. Chelsea, c'est Kanté. Parce que Chelsea, club plein aux as depuis 2003 et l'arrivée de Roman Abramovich, est une équipe. Une vraie. Pas pour la galerie. Pendant de longues années, elle a payé pour apprendre. Chèrement. Mais elle a bien retenu la leçon. Il y a neuf ans, Chelsea a gagné une première C1 au terme d'une exceptionnelle aventure humaine, celle de grognards qui n'avaient pas envie de mourir, sinon avec leurs idées. Un dernier tour d'honneur du côté de Munich, avec un entraîneur - accompagnateur et les Blues de Drogba, Lampard et compagnie étaient allés au bout de leur histoire. Ensemble. Les uns pour les autres.
Les Blues, champions d'Europe 2021, ne sont pas les grognards de 2012 mais ils partagent avec eux une culture club propre aux pensionnaires de Stamford Bridge. Arrivé en cours de saison, trente-trois jours après avoir été viré du PSG, Thomas Tuchel a découvert cela en arrivant. Les Londoniens étaient à la ramasse en championnat et s'avançaient vers les huitièmes de finale de la C1 sans ambition marquée, sinon celle de redresser la barre. Et ceci malgré un recrutement séduisant.
Sacrifice
En moins de six mois, Tuchel a remis tout ce petit monde d'équerre, et mieux que ça, même. Il n'est pas question de faire ici le procès du Paris Saint-Germain, ni de ricaner sur le dos du club parisien qui a involontairement fait le bonheur des Blues, mais l'Allemand a trouvé à Londres ce qu'il n'avait pas à Paris : une culture collective exacerbée qui n'a pas peur de "sacrifier" les coups d'éclats individuels pour le bien du collectif.
Prenez Timo Werner. Prenez Kai Havertz. Les deux joueurs sont arrivés à Londres l'été dernier pour deux sommes plus que rondelettes, 53 et 80 millions. Que retiendra-t-on, individuellement, de leur première saison à Chelsea ? Pas grand-chose. Ou tout au moins, pas assez. Mais, à l'arrivée, l'attaquant et le milieu de terrain allemand sont désormais champions d'Europe, et le second nommé a inscrit à Porto le premier but de sa carrière en Ligue des champions. Celui qu'il fallait. Quand il fallait.
Quand Werner et Havertz n'ont pas rempli la tâche qui leur était dévolue, Chelsea n'a pas coulé. Certes, le navire a parfois sérieusement tangué, il serait malhonnête d'affirmer le contraire. Mais les fondations mises en place par Thomas Tuchel étaient suffisamment solides pour écoper. Chelsea est la preuve resplendissante que le football est un sport collectif où l'équipe prime. C'est le sens de l'histoire, récente en particulier. La parenthèse de la décennie dernière, celle des megastars, est refermée depuis quelque temps. La star utile a le vent en poupe. Et ce n'est pas un hasard si la Ligue des champions est repartie à Londres dans le même avion que N'Golo Kanté.
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