Publié le 25 Oct 2022 - 13:32
LIGUE DES CHAMPIONS

Mbappé, Camavinga, Hazard... les joueurs à l'épreuve de la précocité

 

Pour les jeunes joueurs qui font leurs premiers pas dans le monde professionnel, un immense défi s'ouvre à eux : confirmer les attentes et s'inscrire dans la durée. Enfants ou adolescents, certains démarrent plus tôt que d'autres, et la donne est souvent plus mentale que physique ou technique, dans un univers où la pression et l'argent sont omniprésents.

 

A eux, c'est sûr, on ne leur parle pas d'âge. Kylian Mbappé, Eduardo Camavinga, Martin Odegaard, Jude Bellingham, Eden Hazard… Tous ont en commun d'avoir fait leurs débuts en professionnel avant 17 ans. Une carrière est davantage un marathon qu'un sprint, démarrer tôt n'est pas un gage de réussite infaillible.

En septembre dernier, Mikel Arteta, le coach des Gunners, a décidé de lancer Ethan Nwaneri, 15 ans et 181 jours. Un record en Premier League et un choix loin d'être hasardeux, précise Dan Micciche, ancien entraîneur des jeunes de l'Angleterre et d'Arsenal : "Mikel le connaît depuis au moins deux ans, j'avais eu une discussion avec lui à son sujet. L'année dernière, il a joué avec nos U18 parce qu'il était prêt. C'est ça les joueurs talentueux, ils sautent des étapes. Les gars comme lui assimilent directement les informations : ils ont les images en tête et les transfèrent sur le terrain."

Pour tous ces talents, il y a un élément clé, comme le détaille Pierre-Emmanuel Bourdeau, entraîneur des jeunes de Rennes : "La maturité, associée à des qualités naturelles, est souvent ce qui fait la différence entre un joueur qui réussit très tôt et un autre un peu plus tard. Leur grande autonomie, y compris dans la vie, est un vrai facteur de réussite. Pas besoin de leur répéter les choses, ils enregistrent vite et prennent en main leur parcours. On les guide, mais 95% de leur aboutissement, c'est eux."

Le coach prend notamment l'exemple de deux joueurs qu'il a eus sous ses ordres, Mathys Tel et Désiré Doué. "On pouvait avoir des échanges poussés, et pas uniquement sur le jeu. C'est des garçons très cadrés qui peuvent se fondre dans un collectif."

"Il faut beaucoup de discipline"

Dan Micciche a dirigé une panoplie de "cracks" qui ont débuté très jeunes : Bukayo Saka, Jadon Sancho, Phil Foden, Ryan Sessegnon… S'il insiste sur le fait que tous étaient très doués techniquement, l'Anglais met en avant un autre aspect. "La volonté. Ils sont tous très motivés et ambitieux. Ce qu'on ne voit pas de l'extérieur, c'est leur éthique de travail. Ils étudient le jeu, ils regardent par exemple des joueurs sur YouTube et s'en inspirent. Ils vous envoient une vidéo d'une situation qu'ils ont vue, un coup de pied arrêté, n'importe quoi."

Sur ce point, Yaya Sanogo, qui n'avait pas 17 ans quand il a démarré avec Auxerre en 2010, emboîte le pas : "À cet âge-là, franchement, il faut être très fort. Tu ne dois penser qu'à ton objectif, jamais le perdre de vue. Les qualités, on les a tous, mais quelqu'un qui sait où il veut aller, ça peut faire la différence."

Souvent, les plus talentueux ont déjà un vécu, autant sur le plan personnel que professionnel. "Ils peuvent avoir des parcours difficiles. Ils n'ont pas tout eu sur un plateau et ont appris à être très indépendants", glisse l'ancien coach chez les Gunners, qui évoque également le rythme de vie : "Ils jouent dans des environnements sous pression, des tournois internationaux, pas devant 80 000 personnes, mais c'est déjà beaucoup pour leur âge. Ils ont l'habitude de voyager. Tu n'as pas tes parents avec toi, tu restes dans des hôtels, tu prépares tes affaires, tu choisis tes repas, tu dois penser à prendre ton passeport, respecter des horaires… Il faut beaucoup de discipline. Ce n'est pas la vie normale d'un jeune de 15 ans."

Angel Gomes est passé par ces étapes. L'ancien de Manchester United a découvert l'élite en remplaçant Wayne Rooney en mai 2017, à 16 ans et 8 mois. "C'était difficile, je suivais un programme où je m'entraînais énormément et il fallait concilier ça avec l'école. Je rentrais vers 19h, je vivais loin de chez moi dans une famille. Mais quand tu joues, tu ne penses à rien."

Une fois que tout démarre, le joueur attire l'œil, passant dans une nouvelle dimension. Pour Yaya Sanogo, le mot d'ordre est de ne pas s'emballer : "Tout peut changer rapidement. Tu peux avoir un problème de famille, une grosse blessure... Tout était beau, c'était un conte de fée, et puis après ma fracture tibia péroné (à 17 ans), on m'a dit qu'il fallait que j'arrête ma carrière, alors que quelques mois avant, on me promettait monts et merveilles."

L'écart est évidemment important entre le football des "enfants" et le monde professionnel. "Tu dois surmonter ça toi-même. J'ai toujours été habitué à jouer avec des plus grands. Je l'ai utilisé comme un avantage pour être plus compétitif, plus rusé, détaille Angel Gomes. A 13 ans, on faisait des sessions avec des U16, U17, U18 ou même avec la réserve."

La confiance sans l'arrogance

Il convient alors de pouvoir gérer une pression constante. "Notre rôle, c'est de leur donner les bons codes pour qu'ils s'intègrent très vite. C'est important de ne pas perdre de temps sur le savoir-être, sur des choses basiques comme la politesse. Les très bons joueurs ont de l'égo, il faut le mettre au service de l'équipe", détaille Pierre-Emmanuel Bourdeau.

Forcément, le jeune s'approche du but, mais aussi d'une industry rude. C'est là qu'intervient l'entourage. Le coach rennais reprend son propos sur ses deux protégés. "Je connais bien les familles, ils étaient très structurés, respectueux, avec une superbe éducation. Ça ne peut qu'aider." Yaya Sanogo évoque lui son après-blessure. "Ma famille et mes proches ont été d'une aide incroyable. Ils savaient que j'étais fort mentalement, mais ce n'était pas évident, surtout à 17 ans. Tu vois les potes progresser, et toi tu ne sais même pas si tu vas rejouer."

Le risque, d'après lui, est de perdre les pédales : "On peut te dire que tu es le plus beau, le plus fort. Tu as un peu plus de sous, mais ton premier contrat pro n'est pas éternel. Il récompense ton travail au centre de formation, tu es encore loin d'y arriver. Certains peuvent penser que tout leur est dû. Il ne faut pas se croire tout permis, rester avec des gens sains, qui te font du bien. C'est difficile, car il y a de grosses sommes en jeu."

Le succès et l'argent peuvent créer un cocktail explosif. Dan Micciche prévient : "L'entourage fait souvent la différence. Il y a parfois des parents qui mettent trop de pression, qui courent après l'argent trop vite et prennent les mauvaises décisions. C'est primordial de garder les pieds sur terre, ne pas se laisser emporter par le succès, ni anéantir par l'échec."

En tout cas, sur le terrain, il y a une certaine insouciance. "Ensuite, c'est la découverte, c'est à eux de vivre ce moment. Il n'y a que l'expérience au quotidien qui fait apprendre", décrypte Pierre-Emmanuel Bourdeau. Dan Micciche abonde en ce sens : "A cet âge, ils n'ont pas beaucoup de cicatrices. Ils n'ont pas vu un coach perdre son boulot parce qu'ils n'ont pas été bons, la réaction des médias, des supporters… Ils ont une innocence et ne sont pas allés assez loin pour découvrir le côté impitoyable du football."

Questionné sur ce point, Angel Gomes a une vision très claire : "Le plus important est la confiance en soi, sans aller jusqu'à l'arrogance, mais simplement connaître ses capacités, où elles peuvent vous emmener." Le milieu du LOSC a toujours été vu comme un joueur à fort potentiel. "Je me suis mis dans une bulle de protection avec les bonnes personnes. On ne peut pas influer sur ce que les gens disent ou la hype placée en vous." L'âge est alors peut-être finalement qu'un simple détail. D'innombrables exemples de réussite semblent en tout cas l'attester…

EUROSPORT.FR

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