Publié le 6 Apr 2021 - 18:20
LUTTE CONTRE LE CHOMAGE

Macky joue son va-tout !

 
Avec des consultations dans les 45 départements, un Conseil présidentiel le 22 février, 65 000 emplois dès le mois de mai… On peut dire, sans risque de se tromper, que le président de la République, Macky Sall, déploie l’artillerie lourde pour lutter contre le chômage des jeunes.  
 
 
La conquête des jeunes se poursuit. Le président de la République ne rate aucune occasion pour faire un clin d’œil à sa jeunesse, sortie massivement entre les 3 et 8 mars dernier, pour crier son ras-le-bol, suite à l’arrestation de l’opposant radical Ousmane Sonko. Depuis, Macky ne cesse de multiplier les initiatives à l’endroit de ces couches désœuvrées, en proie à de nombreux actes de désespérance.
 
Sa dernière trouvaille est le recrutement de 65 000 jeunes dans un très court terme. ‘’Dans l’immédiat, en soutien à l’emploi et aux ménages, j’ai décidé d’allouer, dès le mois de mai, 80 milliards de francs CFA au recrutement de 65 000 jeunes, sur l’ensemble du territoire national, dans les activités d’éducation, de reforestation, de reboisement, d’hygiène publique, de sécurité, d’entretien routier et de pavage des villes, entre autres’’, annonce-t-il dans son discours à la Nation, le 3 avril. Selon lui, un quota spécial sera réservé au recrutement de 5 000 enseignants pour le préscolaire, le primaire, le moyen et le secondaire, y compris les Daara modernes et l’enseignement arabe.
 
Par cette annonce, le président semble ne plus s’encombrer des concepts ‘’vides’’ comme l’employabilité ou que l’Etat ne doit pas avoir pour mission de donner de l’emploi. Ce qui cadre fort bien avec les positions de l’économiste Ndongo Samba Sylla. Dans une interview récente avec ‘’EnQuête’’, il disait : ‘’L’employabilité est un concept qui n’explique rien du tout. Je le dis avec assurance, parce qu’il y a 21 ans, j’ai fait un mémoire sur ce concept… On a certes une main-d’œuvre qui n’est pas très bien formée, mais les emplois auxquels on devait les préparer n’existent pas encore… Le concept (d’employabilité) n’est d’aucune utilité dans notre contexte.’’
 
Dans la même interview, le chercheur préconisait d’identifier les besoins objectifs des collectivités territoriales, dans le cadre d’un programme de recrutement massif des jeunes.
 
Le fonds dédié à la Convention Etat-Employeurs porté d’un à quinze milliards F CFA
 
C’est dire que, dans sa nouvelle dynamique de lutter contre le chômage des jeunes, le président de la République ne compte s’embarrasser d’aucun formalisme. Dans la même veine, il lance un appel au secteur privé à se joindre à cette nouvelle dynamique. ‘’Le gouvernement, a-t-il promis, proposera l’extension de la Convention Etat-Employeurs à la filière de l’agriculture et de l’agro-business, pour un objectif de 15 000 emplois à créer, afin de soutenir nos efforts d’autosuffisance alimentaire et de transformation des produits locaux. A cette fin, l’allocation de l’Etat à la convention passera d’un milliard à quinze milliards de francs CFA’’. 
 
Pour le chef de l’Etat, la fête de l’indépendance 2021 doit marquer un nouveau point de départ, de nouvelles réponses aux besoins des jeunes en éducation, en formation, en emplois, en financement de projets et en soutien à l’entreprenariat. Dans ce cadre, signale-t-il, le gouvernement va mettre en place un Programme d’urgence pour l’emploi et l’insertion socio-économique des jeunes qui sera issu du Conseil présidentiel prévu le jeudi 22 avril.
 
Un Conseil présidentiel le 22 avril et un pôle-emploi dans chaque département
 
Là également, la méthode tranche d’avec les habitudes. Macky Sall veut, en effet, que les travaux de ce conseil s’appuient sur les réalités des terroirs, dans un format inclusif associant la jeunesse ouvrière, artisanale, paysanne, entrepreneuriale, sportive, artistique, du secteur informel, des cultures urbaines et des loisirs. Ce qui explique, dit-il, l’organisation des consultations préparatoires dans les 14 régions, grâce au soutien de l’Administration territoriale et locale, pour établir l’état actualisé de leurs potentialités et contraintes. 
 
‘’Le gouvernement tiendra compte de toutes ces contributions, dans le cadre de la formulation d’une stratégie cohérente de territorialisation des politiques et de mutualisation des instruments de promotion de l’emploi, de l’entreprenariat et d’insertion des jeunes. Ces instruments seront renforcés en ressources, de même que dans leur gouvernance et leur processus décisionnel’’, rassure-t-il.
 
A propos toujours de la nouvelle méthode, le président de la République a annoncé un guichet unique dénommé ‘’Pôle-emploi’’ dans les 45 départements. Lequel servira, selon lui, de cadre d’accueil, de conseil et de financement des porteurs de projet. Il regroupera les représentants des principales structures qui s’occupent de la problématique de l’emploi comme la Der/FJ, l’ANPEJ, l’ADPME, le Fongip, entre autres.
 
En ce qui concerne toujours le volet emploi, l’Etat compte sur les importantes opportunités qu’offre la phase II du PUDC qui mobilisera, selon le président de la République, 63 entreprises et générera 11 200 emplois directs et plus de 30 000 emplois indirects. 
 
 
L’équation de la sécurité des frontières
 
La célébration du 61e anniversaire de l’indépendance du Sénégal a aussi été une occasion, pour le président de la République, de revenir sur la question cruciale de la sécurité des frontières. D’ailleurs, a-t-il fait remarquer, le thème de la fête nationale de cette année porte sur  ‘’Forces de défense et de sécurité et protection des frontières’’.
 
‘’Si les frontières restent toujours pertinentes au sens terrestre, maritime et aérien, les menaces sont constamment changeantes. Elles sont devenues plus diffuses, plus complexes, plus difficiles à prévenir et à combattre. En somme, c’est le monde qui est devenu plus dangereux face aux périls de toutes sortes : le terrorisme, la cybercriminalité, les crimes transfrontaliers, les défis environnementaux et sanitaires’’, déclare-t-il. 
 
C’est pourquoi, insiste-t-il, ‘’nous devons, en permanence, ajuster nos outils de veille, de prévention et de prise en charge des menaces. En conséquence, comme je l’ai indiqué à la Journée des forces armées en novembre dernier, en plus des efforts importants déjà consentis, nous poursuivons la modernisation des moyens de nos forces de défense et de sécurité dans toutes leurs composantes’’. 
 
Selon le chef de l’Etat, il en est de même de la réadaptation du dispositif d’implantation des formations, par le déploiement de nouvelles unités terrestres, dans le cadre du Tableau des effectifs et de dotations-horizon 2025. ‘’Je tiens, également, à l’amélioration constante des conditions de vie et de travail des personnels, parce qu’une armée se forge d’abord dans l’épanouissement des hommes et des femmes qui la composent’’, a soutenu le président Sall. ‘’Nos forces de défense et de sécurité continueront de veiller sur nos frontières en restant fidèles à nos traditions de bon voisinage. Pour nous, la frontière est un trait d’union et un espace de convivialité entre les peuples’’, ajoute-t-il.

COMMENTAIRE 
 
La politique de l’autruche
 
‘’Je vous ai compris !’’. Ainsi parlait le président de la République, Macky Sall, au soir du 8 mars 2021, après les émeutes inédites enregistrées un peu partout au Sénégal. Depuis, il multiplie les initiatives au profit de la jeunesse. Mais jusque-là, le gouvernement semble tout ramener à la question du chômage des jeunes. Rien pour la justice qui, pourtant, a été l’élément déclencheur du hurlement de colère de la population. Malgré les nombreux appels de la société civile et de l’Union des magistrats sénégalais, le président Sall fait la sourde oreille, en ce qui concerne l’autonomisation de ce pilier essentiel dans un Etat de droit.
 
Pourtant, c’est la question centrale, à la base de plusieurs maux dont souffre la société sénégalaise. Parce que la justice n’est pas indépendante, l’appel d’Ousmane Sonko à la résistance ou à la révolte a pu être entendu et exécuté.
 
Parce que la justice n’est pas indépendante, les Sénégalais ont ce sentiment que les magistrats obéissent au doigt et à l’œil de l’Exécutif. Parce que la justice n’est pas indépendante, certains dirigeants se croient tout permis. Parce que la justice n’est pas indépendante, le clientélisme et la gabegie sont érigés en mode de gouvernance dans la plupart des instances de décision. Parce que la justice n’est pas indépendante, des mannes financières colossales ont été injectées dans cette question de la lutte contre le chômage sans résultat significatif. Parce que la justice n’est pas indépendante, plusieurs jeunes méritants peinent à trouver un emploi décent.
 
Pour se convaincre que tout n’est pas lié à cette question du chômage, il suffit de sonder le niveau de mécontentement, au niveau même de la classe moyenne. Jusque dans les corps naguère considérés comme étant les plus privilégiés de la République, le mal-être est le sentiment le mieux partagé.
 
Au-delà donc des mesures importantes et salutaires à l’endroit des jeunes, le gouvernement gagnerait à mettre en œuvre des mesures d’accompagnement et garde-fous pour rendre effective sa volonté de lutter contre les injustices sous toutes leurs formes. Cela passe indéniablement par une justice renforcée, garante des droits et libertés, tant sur les plans individuels que collectifs. 
 
MOR AMAR

 

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