Publié le 24 May 2022 - 21:43
OLYMPIQUE DE MARSEILLE

Kamara, Villa et des cœurs brisés

 

La fin de l’histoire. Après dix-sept saisons à l’Olympique de Marseille, dont six en professionnel, Boubacar Kamara quitte le nid. À 22 ans, le Minot a des envies d’ailleurs et s’envole pour la Premier League et Aston Villa. Un choix difficile à encaisser, mais qui ne doit pas salir l’héritage de Kamara, qui manquera terriblement à l’OM. Et à Sampaoli.

 

Dix-sept ans dans une vie, ce n’est pas rien. Encore moins quand on n'en a que 22. C’est pourtant la page que s’apprête à tourner Boubacar Kamara, celle de son histoire à l’Olympique de Marseille. En attendant de peut-être la rouvrir un jour, l’enfant du 9e arrondissement de la cité phocéenne va changer d’air cet été. Un grand saut dans le vide, pour lui qui n’a connu qu’un seul maillot : le ciel et blanc de l’OM, qu’il portait depuis ses 5 ans. Un club dont ses parents étaient dingues, eux qui emmenaient le petit Bouba en virage Nord, chez les Yankees. Mais cette histoire d’amour, presque trop parfaite pour Marseille, vient de prendre fin. Après avoir décliné les offres de prolongation, Boubacar Kamara a succombé au charme d’un dandy anglais, Steven Gerrard. Libre, le taulier du milieu marseillais rejoint donc Aston Villa. Un choix qui a du mal à passer du côté du Vieux-Port.

Bouba n’est pas allé au clash

Face à Strasbourg samedi soir, Kamara a ainsi connu sa dernière soirée d’ivresse au Vélodrome, en tant que joueur de l’OM. Après avoir ramené son club de toujours en Ligue des champions, le milieu a passé de longues minutes sur la pelouse, entouré de ses proches, multipliant les photos. Mais sans vraiment aller s'adresser aux virages, eux qui auraient aimé pouvoir saluer proprement leur minot, devenu emblème du club et source de fierté. Premier couac dans cette rupture plus dure que prévue. « Après de longues réflexions, des nuits où on ne dort pas, tu pèses le pour et le contre. J’ai pris la décision de ne pas prolonger à l’OM, je pense que c’est la meilleure décision pour la suite de ma carrière. Je suis arrivé à un stade où j’ai envie d’évoluer, de découvrir un nouveau pays, un nouveau challenge, une nouvelle culture » , explique le lendemain Kamara dans Téléfoot. À ce moment-là, tout le monde à Marseille comprend le joueur. S’il n’a pas prolongé, c’est parce que Kamara et ses proches n’ont que peu goûté l’attitude du club, déterminé à le vendre l’été dernier à l’approche de sa dernière année de contrat (une attitude également compréhensible, ceci dit). Pablo Longoria assume d’ailleurs ce raté : « C’est ma responsabilité. Je suis au club depuis août 2020, j’assume mes responsabilités, spécialement avec la situation de Kamara », assurait le boss de l’OM en mars dernier.

Et si la pilule était plutôt bien avalée par le peuple marseillais, c’est que la destination annoncée pour Kamara était l’Atlético de Madrid. Plusieurs proches indiquaient d’ailleurs que c’était fait, certains parlant même d’accord oral. Derrière ce choix, la progression était indéniable pour le néo-international français. « J’ai fait mon choix, vous le saurez bientôt » , prévenait Kamara dimanche matin, dans une interview rare, accordée à Téléfoot, mais ratée. Face au silence permanent de leur emblème, les supporters marseillais attendaient avec impatience qu’il prenne enfin la parole, explique son choix, exprime son amour du club. Résultat : bien plus timide face à la caméra que sur le terrain, Kamara s’est contenté d’enfoncer quelques portes ouvertes, ce qui a frustré encore un peu plus son public. La goutte de trop est tombée dans l’après-midi, quand la véritable destination du joueur a été révélée, avant d’être officialisée lundi. Non, Kamara n’ira pas à l’Atlético. Il quitte l’OM, qu’il vient de ramener en C1 et donc avec un goût d'inachevé, pour Aston Villa, 14e de Premier League.

Un seul être vous manque...

« Lorsque j'ai rencontré Steven (Gerrard), Christian (Purslow) et Johan (Lange) chez moi, j'ai su qu'Aston Villa était pour moi. Leur ambition et leur détermination à réussir correspondent à la mienne. Je suis impatient de commencer la présaison » , s’est-il justifié sur le site de son nouveau club. Pas de quoi convaincre les Marseillais, sceptiques au mieux, meurtris au pire, face à ce choix. Voir un enfant du club, devenu patron de l’équipe, estimé à 25 millions d’euros partir libre était déjà suffisamment dur à encaisser pour que sa destination ne soit qu’un club de seconde zone de Premier League. À Kamara de leur donner tort en portant Villa au sommet de l'Angleterre, faire mieux que Thauvin à Newcastle, Mandanda à Crystal Palace ou André Ayew à Swansea, et se servir de cette expérience comme d'un tremplin vers les cadors d’outre-Manche. Ce qu’il aurait peut-être eu plus de mal à faire avec l’OM à la rentrée, malgré la Ligue des champions.

Car en dehors des dernières campagnes désastreuses des Phocéens en Ligue des champions, le départ de Kamara relance un débat que Jorge Sampaoli a lui-même ramené sur la table avant la réception de Strasbourg. À savoir : aller en C1, c’est bien, mais l’OM a-t-il les moyens de bien y figurer ? « Il faut qu'on soit très clair sur où on veut amener l'OM et avec quels moyens. La dernière saison de l'OM en C1 a été très triste. C'était triste de voir l'OM jouer une compétition à laquelle il n'appartenait pas. Si on veut être compétitif dans une compétition, il faut être préparé » , a prévenu l’Argentin, mettant ainsi la pression sur ses dirigeants. De ce point de vue, le départ libre de Kamara, élément central du onze de Sampaoli, est une catastrophe non seulement sportive, mais aussi financière.

Pour autant, il ne faut pas tomber sur le joueur. Plusieurs fois capitaine à seulement 22 ans, et appelé à le devenir dans un futur désormais parallèle, Boubacar Kamara ne s’est jamais caché sur la pelouse. Toujours au charbon, d’une régularité sans faille et en progrès constant, il a permis à l’OM de rester à flot quand le navire tanguait, et pas que cette saison. Le tout sans jamais faire de vagues, y compris quand on l’a gentiment poussé vers la sortie. Après tout, ce n’est pas de sa faute s’il n’a pas été prolongé par l’ancienne direction et si la situation s’est envenimée, avant de déboucher sur une impasse pour Longoria. S’il peut être rageant de voir le minot le plus talentueux depuis Samir Nasri quitter le club libre, on ne peut nier l’apport de Kamara en six saisons professionnelles à l’OM. Ni son amour sincère pour le club. On parierait même que l’histoire n’est pas finie. Et que les morceaux seraient rapidement recollés en cas de retour à Marseille. De toute façon, on n'efface pas dix-sept années de relation comme ça, en un coup de crayon sur un contrat.

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