Macky mise sur un PAP2A ajusté et accéléré

Le Programme d’actions prioritaires ajusté et accéléré (PAP2A) sera adopté au mois de septembre prochain. L’annonce a été faite, hier, par le chef de l’Etat Macky Sall, lors de sa rencontre avec des entrepreneurs de France.
Le Sénégal veut rester dans sa dynamique de développement, avec la Phase II du Plan Sénégal émergent (PSE) sur la séquence 2019-2023. C’est ce qu’a fait savoir le chef de l’Etat, hier, lors de son allocution, à l’occasion de la rencontre des entrepreneurs de France. Ainsi, il a rappelé aux investisseurs français que le Programme d’actions prioritaires (PAP) de cette Phase II, porte sur des secteurs cibles comme les infrastructures, les mines, l’énergie, y compris l’exploitation du gaz et du pétrole, le transport, l’agriculture et l’agrobusiness, la construction. Ceci avec un programme quinquennal de 100 000 logements, le tourisme, la finance, les industries et l’économie numérique.
‘’Mais chemin faisant, la pandémie Covid-19 nous a révélé des points de vulnérabilités potentielles, qui nous exposeraient à des pénuries, en cas de rupture de fret ou de rétention de certains produits par les pays exportateurs pour satisfaire leurs propres besoins. Il en est ainsi de l’agriculture et de l’industrie pharmaceutique, entre autres. Pour parer à de telles éventualités, nous avons entamé un processus d’ajustement et d’accélération du Pap du PSE II, à travers un programme de relance de l’économie nationale’’, dit Macky Sall.
En tenant compte du fait que la Covid-19 est ‘’encore là pour un certain temps’’, le président Sall affirme qu’il s’agit de ‘’faire vivre l’économie’’, toutes précautions sanitaires prises. ‘’Ainsi, nous allons adopter, en septembre, le Programme d’actions prioritaires ajusté et accéléré (PAP2A). Il s’agira de donner une sur-priorité à la souveraineté alimentaire (agriculture, élevage et pêche), pharmaceutique et sanitaire, et de booster en même temps l’industrialisation de l’économie, le numérique, le tourisme, le logement, en favorisant davantage l’équité territoriale et l’inclusion sociale. Parallèlement, les projets stratégiques des infrastructures et de l’énergie seront poursuivis’’, annonce-t-il.
D’ici 2023, le chef de l’Etat a relevé que le PAP2A requiert un financement de 22,4 milliards d’euros dont le tiers est attendu du secteur privé local et étranger. ‘’Voilà les défis que nous voulons relever avec notre programme de relance de l’économie nationale. Vous pouvez y contribuer. Je ne vous présenterai pas le Sénégal. Vous connaissez le pays. Nous connaissons la qualité du savoir-faire français. Nous avons en commun une langue et une tradition juridique, en plus de la proximité géographique. Plus de 250 entreprises françaises opèrent au Sénégal, pour plus de 30 000 emplois créés. Les atouts sont là, non négligeables. Tout comme il y a des défis à relever’’, signale le président de la République.
‘’Il ne peut plus y avoir ni d’exclusion ni d’exclusivité sur le continent’’
Parmi ces défis, il liste, entre autres, le challenge de la compétition et de l’obligation de résultat. Car le chef de l’Etat sénégalais estime que le cercle des partenariats ‘’s’élargit’’ en Afrique. De sorte ‘’qu’il ne peut plus y avoir ni d’exclusion ni d’exclusivité’’ sur le continent. De plus, Macky Sall indique que les gouvernants sont tenus par des exigences de délai et de qualité dans l’exécution des projets. Chaque projet doit être exécuté, d’après lui, dans les ‘’normes et livré à l’échéance convenue’’.
Pour ce qui du défi de l’accompagnement institutionnel, il soutient que ‘’le vrai enjeu’’ de la coopération avec l’Afrique aujourd’hui, ‘’ce n’est plus le débat sur l’augmentation’’ de l’aide publique au développement. ‘’Mais comment les gouvernements des pays partenaires pourraient soutenir les initiatives d’investissement privé par la facilitation de l’accès au crédit et des mécanismes de financement appropriés. En tant que pays d’accueil, il nous appartient de poursuivre l’amélioration de l’environnement des affaires. Je pense à la simplification des formalités et des procédures, à la disponibilité de ressources humaines qualifiées, à la logistique et aux autres facteurs de production comme l’énergie, les infrastructures physiques et le software’’, renchérit-il.
Dès lors, le président Sall a fait savoir que dans cet esprit de simplification et de diligence, l’Agence pour la promotion des investissements et des grands travaux (Apix) a désigné un point focal pour faciliter aux investisseurs du Mouvement des entreprises françaises (Medef) les démarches administratives. ‘’Finalement, de part et d’autre, notre agenda reste bien rempli. Et, je l’espère, toujours plus attractif et plus motivant. Alors, ensemble, travaillons à consolider nos relations dans la confiance mutuelle. Ensemble, œuvrons pour d’autres perspectives de partenariats durables. Ensemble, labourons le nouveau champ des possibles, par des investissements rentables et mutuellement bénéfiques’’, dit-il.
Le président de la République du Sénégal, invité d’honneur du Medef, a noté que cela fait plus de six mois, en effet, que la pandémie secoue le monde entier. Ceci en mettant à ‘’rude épreuve’’ les systèmes sanitaires les plus sophistiqués, pulvérisant les taux de croissance économique, bouleversant les relations sociales, plongeant les entreprises, travailleurs et ménages dans la précarité.
‘’Cette crise sanitaire majeure révèle au grand jour l’impréparation du monde face aux pandémies et met à nu les vulnérabilités et contradictions de notre modèle de production et de consommation. Au fond, c’est la question de la finalité même du développement qui est posée. Dans sa quête du progrès, l’homme recule chaque jour les limites de la science et de la technologie, y compris dans la conquête de l’espace. Pendant ce temps, sur terre, il manque de masques, de kits de test, d’équipements de protection individuelle, de lits, de respirateurs ; autant de nécessités indispensables à sa vie et à sa santé’’, ajoute-t-il.
Donc, pour Macky Sall, il urge de ‘’repenser’’ le modèle de développement du continent, ‘’d’apprendre de leurs erreurs’’, de ‘’redéfinir l’ordre des priorités’’ et de ‘’redonner sens’’ à l’économie réelle. Ceci en investissant ‘’plus et mieux’’ dans l’agriculture, l’énergie durable, les infrastructures, la santé, l’éducation et la formation. Afin de réaliser un développement compatible avec le bien-être de l’homme intégral.
‘’Devant cette pandémie inédite, l’Afrique, par son expérience des épidémies, par la jeunesse de sa population et les mesures préventives précoces, se montre résiliente et combative, déjouant ainsi les sombres pronostics qui prédisaient une hécatombe sur le continent. Pour sa part, le Sénégal fait face à la crise dans le cadre d’un Programme de résilience économique et sociale (Pres) à hauteur de 1,64 milliard de dollars, financé par l’Etat, avec l’appui de partenaires au développement et de donations volontaires. Il reste que pour l’ensemble des pays africains, les efforts internes ne suffiront pas pour amortir le choc de la crise et relancer la croissance économique’’, renchérit-il.
Avoir plus de capacités financières
Face à cette situation, le Président Sall note qu’il a, avec d’autres collègues, a lancé un plaidoyer pour un allègement conséquent de la dette publique africaine et un réarrangement de la dette privée selon des modalités à convenir. L’objectif est, avec ce plaidoyer, selon lui, de permettre à leur pays de ‘’disposer d’espaces budgétaires’’ qui seront ‘’entièrement consacrés’’ à la riposte sanitaire, à la résilience économique et sociale, et à la sauvegarde de l’emploi.
‘’Je dois, à ce sujet, saluer le rôle du président Emmanuel Macron qui a contribué à l’adoption, par le G20, d’un moratoire sur le service de la dette jusqu’à la fin de l’année 2020. C’est une mesure appréciable, mais certainement insuffisante, compte tenu de l’impact de la crise sur nos économies. Si je prends l’exemple du Sénégal, d’après nos dernières estimations, notre taux de croissance économique passerait de 6,8 % à 1,1 %. C’est pourquoi l’Union africaine souhaite travailler avec les partenaires pour une extension du moratoire du G20 jusqu’en 2021’’, fait-il savoir.
En effet, à situation exceptionnelle, Macky Sall trouve qu’il faut des mesures exceptionnelles. Il mentionne ainsi que la règle sacro-sainte de discipline budgétaire selon laquelle le déficit annuel ne doit pas excéder 3 % du PIB, est aujourd’hui ‘’écartée’’ pour faire face à la crise. C’est dans le même esprit qu’il convient de considérer, selon lui, la question de l’allègement du fardeau de la dette, pour accompagner l’Afrique dans ses efforts de résilience et de reprise de sa trajectoire d’émergence post-Covid.
‘’Au demeurant, avec un montant de 365 milliards de dollars, la dette africaine ne représente que 2 % du volume de la dette mondiale. Je rappelle également que depuis plusieurs années, l’Afrique affiche régulièrement des taux de croissance supérieurs à la moyenne mondiale. En dépit des défis devant nous, les pays africains sont en grande majorité dans une dynamique de construction et de progrès’’, note-t-il. Macky Sall ajoute que ces pays sont ‘’stables’’.
‘’Les gouvernements sont à la tâche. Il y a une jeunesse instruite, créative, qui entreprend et qui réussit ; des millions d’hommes et de femmes qui travaillent, qui investissent, qui créent des emplois et de la richesse. Toutes ces transformations positives restent dans ‘l’angle mort’ de l’actualité. Parce que les mutations tranquilles, à l’image des arbres qui poussent dans la forêt, ne font pas de bruit. L’Afrique émergente est loin des stéréotypes qui la présentent comme la face obscure de l’humanité ; et le risque d’y investir n’est pas plus élevé que dans beaucoup d’autres régions du monde’’, défend-il.
Ainsi, le président Sall a lancé le même message à leurs partenaires, publics et privés : ‘’Posez un nouveau regard sur l’Afrique et les Africains. Ceux qui continuent de percevoir et d’analyser les dynamiques africaines à travers des paradigmes et des paramètres périmés, risquent d’être surpris et en retard sur les rendez-vous de demain. Pour une économie mondiale essoufflée, l’Afrique en construction est une source d’opportunités et d’investissements. C’est aussi un acteur qui demande des rapports de partenariat plus qualitatifs, plus justes et plus équitables, pour une croissance et une prospérité partagées’’, conclut-il.
MARIAMA DIEME