Publié le 8 Oct 2013 - 06:35
ALADJI PATHE DE KEUR MASSAR

Un village laissé à lui-même et ruiné par les inondations

 

 

Aladji Pathé fait partie des zones les plus touchées par les inondations au niveau de la banlieue dakaroise. En effet, plus de 75% des maisons sont sous les eaux, l’unique maternité, l’école primaire, la mosquée, bref tout est inondé. EnQuête est allé rendre visite aux habitants de ce village qui ne dorment que d’un seul œil depuis le début de l’hivernage, qui manquent de tout et demandent une canalisation pour évacuer les eaux. Reportage

 

Niché dans la commune de Keur Massar une localité du département de Pikine, Aladji Pathé est un bourg de plusieurs milliers d’âmes qui ne savent plus à quel saint se vouer. Le village est tellement enclavé et pris d’assaut par les eaux que même les clandos, connus comme être les bêtes du transport en commun sénégalais, refusent d’emprunter le chemin qui mène à Aladji Pathé. ‘’Je suis désolé mais je ne pourrai pas vous y conduire. Et j’ai peur que personne d’autre ne puisse le faire’’ nous ont lancé des chauffeurs sollicités pour se rendre dans ce village. En ce dimanche très pluvieux, rallier la station de Keur Massar à Aladji Pathé a été une mer à boire car la voiture emprunté in extremis s’est lancée dans un jeu de déviations et pendant plus d’une heure, alors qu'en temps normal moins de 5mn suffisent pour faire ledit trajet. Sur les lieux, ce village composé de plus 22 quartiers, et dont la quasi-totalité des maisons, la mosquée, l’école primaire, la gare routière, le poste de santé le marché, etc. sont conquis par les eaux, la place publique ne désemplit pas de monde. Vieillards, jeunes, filles, femmes et papys sont tous sortis pour faire entendre le calvaire qu'ils vivent et depuis le début de l’hivernage. Chacun veut parler ou faire voire l‘état de dégradation de sa maison. Les uns plus hagards que les autres montrent, des nuits blanches passées pour évacuer les eaux de pluie. Dans certaines concessions, l’eau dépasse parfois plus de 1m de hauteur, à cela s’ajoutent les eaux stagnantes qui se mélangent à celles des fosses septiques. A Aladji Pathé le seul cri de cœur c’est des canalisations et des bassins de rétention.

«Notre souci : l'eau»

’’Notre principal souci à Aladji Pathé, c’est l’eau. La moitié de la population vit sous les eaux. Les fosses septiques sont pleines et déversent leurs eaux usées qui se mélangent aux eaux de pluie. On  est obligé de surélever les lits à l'aide de briques de ciment afin qu’ils n’aient plus de contact avec les eaux. Les uns sont dans les écoles, les autres chez les voisins, et le reste crèchent tranquillement dans leurs maisons et avec les eaux’’, a énuméré Baba Guèye, délégué de quartier Darou Salam 2. Qui ajoute alarmiste : ’’nous vivons un véritable danger présentement dans les maisons. Nous vivons un véritable calvaire. C’est comme si nous ne faisons pas partie du Sénégal alors que nous avions voté à l’époque, pour vous dire notre degré de citoyenneté. Quand nous nous rendons à la mairie, on n’y trouve personne, quand on sollicite les sapeurs pompiers, ils disent qu’ils n’ont pas les moyens logistiques’’.  A en croire ce vieux qui n’est point ébranlé par les gouttes de pluie qui tombent sur sa tête, ''même si les habitants ne veulent pas arborer de brassages rouges pour manifester, ils veulent que le chef de l’État prenne en charge leurs doléances car nous sommes sur les rotules''. ‘’J’ai même peur qu’une fois que les eaux vont quitter, nous allons attraper de nouvelles maladies. C’est la raison pour laquelle nous sollicitons les éléments du service d’hygiène afin qu’ils puissent venir désinfecter tous les endroits. Les moustiques dictent leur loi ici, et les moustiquaires imprégnées n’ont plus d’impact’’, a-t-il argué prolixe.

‘’ Certaines femmes accouchent chez elles et mettent leurs enfants dans des bassines’’

Madeleine Guèye, habitante du quartier Darou Salam 2, abonde dans le même sens. ’’ A cause de les eaux des pluie, nous sommes coupés de l’extérieur. On ne sait plus où aller. Les maisons, les rues, le poste de santé sont pleins. On a entendu la fois passée que le ministre Khadim Diop (NDLR : ministre de la Restructuration et de l’Aménagement des zones d’inondation) était à Keur Massar, mais il s’est juste limité au niveau des Ainoumadi’’ s’est désolé cette dame au calme olympien. Selon elle, la situation que les habitants sont en train de vivre, c’est comme s’ils ne font pas  partie du  programme étatique en matière de lutte contre les inondations, le fait que le ministre a sauté leur localité lors de ses visites en est une parfaite illustration. ‘’Chaque année, c’est la même chose les autorités ne nous rendent jamais visite. Nous interpellons Mme Aminata Touré (Premier ministre) afin qu’elle fasse vibrer sa fibre féminine pour nous venir en aide. Les femmes, quand elles accouchent, c’est la croix et la bannière, pareil aussi quand on est malade, on n’a pas de route pour sortir de la localité. L’électricité nous fait défaut car elle n’est pas générale, les sapeurs pompiers n’ont pas de moyens’’, poursuit-elle. Aissa Coly, une autre dame trouvée sous la pluie, va plus loin. Pour elle, les femmes de cette localité ne savent pas où passer pour sortir, leur poste de santé est plein d’eau, le marché aussi. ‘’Certaines vendeuses sont obligées de sortir du marché et d’étaler leurs marchandises dans la rue, car leurs places sont conquises. Certaines femmes accouchent chez elles et mettent leurs enfants dans des bassines et se rendent par la suite à l’hôpital en charrette pour faire couper le cordon ombilical. Ce qui est un véritable drame, un risque. Qu’on nous aide à vider les eaux au niveau du poste de santé afin qu’on puisse se soigner’’, s’est époumoné Mme Coly.

Ibrahima Coly du quartier Hamdalaye 3 suit la même cadence. ’’Nous avons deux grosses étendues d’eaux et l’une date de l’an passé. Ce sont les eaux des quartiers environnants dont les Parcelles assainies que se arrivent chez nous. C’est la raison pour laquelle toutes les maisons de notre quartier sont inondées. Les parcelles qui sont ici, ne sont pas assainies’’ a déclaré le vieux Coly. Ousmane Pathé Sow, chef de village d’Aladji Pathé, a annoncé qu’à cause des inondations, les moyens de transport ne peuvent pus circuler. Et pour preuve, dit-il, les lignes des bus Tata qui passaient dans ce village ont été suspendues depuis, car les routes sont coupées. ‘’Si nous avons un malade, on ne sait plus comment faire pour l’acheminer à l’hôpital. Nous avions un cas similaire, les nuits passées, il s’agissait d’un enfant d’un voisin qui était malade, mais on était obligé de faire moult déviations avant d’arriver à l’hôpital. Des malades peuvent mourir en route tellement on est entouré par les eaux. Seule une canalisation peut venir à notre secours’’, s’est étranglé le sieur Sow.

‘’Seules une canalisation et ou des bassins de rétention peuvent régler nos problèmes’’

Autant les habitants de Aladji Pathé ont listé leurs maux, autant ils ont déclaré et à l’unanimité que seules les canalisations ou des bassins de rétention peuvent mettre fin à leur calvaire. ‘’Le pompage n’est pas une solution, au contraire, si vous pompez et déversez l'eau quelque part, ça peut créer des histoires. Nous sommes allés voir le sous préfet et le maire de la commune de Keur Massar. Macky Sall doit savoir ce qui se passe chez nous, car il a eu à séjourner ici quand il battait campagne’’, a annoncé Ousmane Pathé Sow, chef de village à Aladji. ’’Qu’on nous donne d’abord des motopompes pour nous soulager, maintenant, d’ici le prochain hivernage, on pourra faire des canalisations. On sait très bien que ce n’est pas facile de le faire présentement. Je suis actuellement dans une école et bientôt l’ouverture des classes et je serais dans l’obligation de sortir et je n’ai les moyens pour me payer une location. Et ceux qui sont dans mon cas sont nombreux dans ce village’’, a soutenu Madeleine Guèye. Mais pour Baba Guèye, les seules solutions qui puissent les sortir de ce calvaire qui ne dit pas son nom, ce sont les canalisations. ’’La solution à notre problème, c’est la mise sur pied des canalisations à défaut les eaux du prochain hivernage vont trouver ces eaux actuelles’’, conclut-il.

 

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