Publié le 14 Sep 2020 - 21:55
DJIBRIL WADE (PRESIDENT NIARY TALLY)

‘’J’invite Badara… à citer les noms des clubs qui ne paient pas les salaires’’ 

 

Le président du club de Niary Tally-Grand Dakar-Biscuiterie, Djibril Ba, dit être en phase avec le Comité exécutif de la Fédération sénégalaise de football qui a décidé de ne pas reléguer des clubs de l’élite en 2e division et désigner les deux premiers pour les compétitions africaines. Dans cette interview, le premier vice-président  de la Ligue sénégalaise de football professionnel se prononce sur l’impact de la Covid-19 sur son club, ses ambitions pour la saison prochaine, la récente sortie du Syndicat des entraineurs de football du Sénégal  (SEFS) accusant 23 clubs professionnels de ne pas payer les salaires de leurs joueurs…     

 

Quelle est l’état actuel du club de Niary Tally, après six mois sans compétition ?

Je peux dire que c’est le statu quo, au plan sportif. Le club est en train de se préparer administrativement pour la prochaine saison, mais toutes nos activités sportives sont arrêtées pour cause de Covid-19. Le bureau essaie de gérer convenablement la pandémie, pour éviter des impacts substantiels sur le club. A l’annonce de la suspension des compétitions, nous avons pris des décisions importantes allant dans le sens de stabiliser notre équipe.

Nous avons d’abord dit clairement à nos travailleurs, joueurs, entraineurs et administratifs, qu’on ne peut plus les payer comme on le faisait.  L’application de cette mesure a été imposée par la crise sanitaire. C’est pourquoi on a décidé de payer aux joueurs la moitié de leur salaire. Nous avons respecté ce compromis jusqu’en fin juillet, coïncidant avec la fête de la Tabaski. Mais les administratifs, secrétaire général, intendant et les autres travailleurs qui s’activent autour de l’équipe, sont payés intégralement. Ce n’est pas la solution idéale, mais ça se comprend parce que nous sommes contraints à réduire nos charges, du moment que l’équipe ne joue plus.

 Niary Tally s’est toujours acquitté du paiement de ses salaires depuis son accession à la Ligue professionnelle en 2009. Mais nous sommes confrontés à des problèmes financiers depuis 2016. Le motif, c’est qu’il n’y a pas de retour sur investissement. C’est la raison pour laquelle le club a décidé de payer uniquement les mois ouverts aux compétitions, c’est-à-dire la saison sportive. Nous avons même changé les termes de nos contrats avec nos joueurs et entraineurs, après la Coupe du Sénégal que nous avons gagnée contre le Casa Sport en 2016. On paie désormais les mois joués par les joueurs, parce qu’on est dans un football professionnel qui ne rapporte pas beaucoup. Les dirigeants ne gagnent rien dans le foot local, à moins qu’ils aient d’autres issues pour chercher de l’argent. Niary Tally que je dirige est financé par des bonnes volontés et à 90 % par ma modeste personne. C’est la situation que nous vivons et tout est clair pour le moment.  

 Comment votre club prépare la prochaine saison dont le démarrage est prévu le 2 janvier 2021 ?   

Nous sommes en train de réfléchir sur la prochaine saison, en prenant l’initiative de renouveler le contrat de notre coach Pape Thiaw. J’ai aussi décidé de me rapprocher davantage de l’équipe. Je l’avais envisagé la saison passée à partir de la phase retour, mais la Covid-19 a interrompu le championnat. J’avais pris mes distances envers l’équipe pour préparer la prochaine génération et me concentrer sur ma fonction de maire de Biscuiterie, mais ça n’avait pas marché. Je me suis rendu compte que les résultats ne suivent pas. J’ai décidé de me rapproche du club, mais ça ne va pas durer à cause de mes autres activités. Il faut que l’équipe essaie de se départir de certaines personnes et cherche à être autonome. Je peux vous dire qu’on gère la situation et on se prépare pour le 2 janvier. On va commencer le travail et la préparation hivernale à partir du mois d’octobre.

Quelle analyse faites-vous de la décision du Comité exécutif de la Fédération sénégalaise de football consistant à ne pas décerner le titre de championnat du Sénégal et maintenir toutes les équipes en 1re division ?   

Le Comté exécutif de la fédération a bien fait ne pas reléguer des équipes en 2e division, dans la mesure où le championnat n’est pas arrivé à son terme. Le championnat a été arrêté à mi-parcours, c’est-à-dire après la 13e journée. Niary Tally, non relégable après la 12e journée, est devenu relégable la 13e journée.  Croyez-vous qu’on puisse faire descendre ou attribuer un titre de champion dans ces conditions ? Ce serait paradoxal et injuste.  Il est vrai que Teungueth a dominé le championnat, mais mathématiquement, il n’est pas champion du Sénégal. Je crois que la décision du Comité exécutif est juste, parce qu’il restait 13 journées à jouer. Moi, j’avais suggéré qu’on annule le championnat, mais les membres du Comité exécutif ont préféré l’arrêter dans le but de déterminer des critères de choix pour les représentants du Sénégal dans les compétitions africaines (Ligue des champions et Coupe de la Confédération africaine de football, NDLR).

Avec cet arrêt prononcé par la fédération, on ne peut pas décerner un titre, faire reléguer une équipe certes, mais on peut parvenir à choisir des représentants pour le Sénégal. C’est ce que la fédération a fait. C’est ce qui explique la désignation du Jaraaf pour la Coupe Caf. Le Jaraaf est choisi grâce à sa 2e place, parce que la Coupe du Sénégal a été annulée. Ce qu’il faut comprendre, c’est que le Comité exécutif de la fédération a choisi Teungueth et Jaraaf pour justifier sa décision consistant à arrêter le championnat.

Pourtant, certains acteurs du foot local vous reprochent de défendre cette thèse pour éviter la relégation de votre club Niary Tally.

Quand je disais qu’il ne devait pas y avoir de clubs relégués, ce n’était pas pour défendre Niary Tally. Je le disais pour l’intérêt de notre football, parce qu’on ne peut pas reléguer  une équipe qui a encore l’espoir de se maintenir, alors  que le championnat n’est pas arrivé à son terme. Je réponds à mes détracteurs à leur disant que Niary Tally a décliné son titre de champion du Sénégal en 2015. A l’époque, notre équipe était championne du Sénégal, parce qu’on devait se fier à la réglementation de la Fédération sénégalaise de football. L’AS Douanes a été déclarée championne sur la base des textes de la ligue. Si on allait en contentieux, Niary Tally serait déclaré champion, mais nous avons préféré ne pas contester pour éviter des problèmes entre la fédération et la Ligue sénégalaise de football professionnel. La ligue avait changé son règlement sans pour autant le faire valider par la fédération. C’était une faute de la ligue dont j’étais membre. C’est pourquoi j’ai décidé d’assumer solidairement cette erreur avec le bureau. Le doyen Abdoulaye Diaw avait bel et bien raison de dire que Niary Tally était champion du Sénégal en 2015.

Quel sera l’objectif de Niary Tally la saison prochaine ?

 Notre objectif sera de maintenir notre équipe et de se placer parmi les huit premiers du championnat. C’est ça notre ambition et nous allons essayer de la réaliser tout en évitant les erreurs du passé. Pour ce faire, nous dirigeants, nous serons plus présents auprès du club.  Il y aura ensuite un retrait progressif de certains parmi nous. Moi, j’ai fait plus de vingt ans, si on y ajoute notre passage dans les ‘’navétanes’’ (championnat de football populaire, NDLR).

Donc, il est temps que je me retire après beaucoup d’investissements physiques et financiers. Il nous faut un renouvellement progressif. Mais, dans l’immédiat, on va travailler pour rester en 1re division et avoir de grands objectifs les prochaines années.  

La Ligue pro est à quelques mois de la fin de son mandat. Quel bilan tirez-vous de trois années écoulées en tant que vice-président ?  

Le bilan, je préfère le faire collectivement avec mes collègues du bureau de la Ligue pro. Je ne veux pas faire un bilan ou donner mon point de vue individuel sur la gestion de notre football professionnel, parce que je suis le premier vice-président de la Ligue pro. Je peux vous dire qu’on est en train de se préparer pour le bilan de nos quatre ans (2017-2021). Le bureau de la Ligue pro va se livrer à la presse, au moment opportun.

Le Syndicat des entraineurs de football du Sénégal a déclaré récemment que seuls 5 des 28 clubs de la Ligue pro paient régulièrement les salaires de leurs joueurs et entraineurs. Qu’est-ce qui explique cette situation, selon vous ?     

Une organisation sérieuse qui dit que 5 clubs sur 28 de la Ligue pro paient les salaires doit être en mesure de nous donner une liste. Le syndicat n’a qu’à aller jusqu’au bout et donner le nom des cinq clubs qui paient régulièrement les salaires. Cela permettra aux autres de se justifier et de rectifier. Ils ont tenu des affirmations gratuites pouvant créer le doute envers certains dirigeants. Il faut que Badara, Lamine Mboup et leurs camarades prennent leurs responsabilités et nous disent les équipes qui paient les salaires de leurs joueurs et celles qui ne paient pas. Ça va clore le débat.  

Quels sont les impacts de la Covid-19 sur Niary Tally ?

La pandémie a beaucoup impacté nos joueurs. Ils n’ont pas foulé les pelouses depuis quelque temps. Avec la Covid-19, nos footballeurs resteront 10 mois sans jouer le moindre match. Ils avaient aussi observé une pause de six mois, entre juin et décembre 2019.  Ils avaient certes repris et joué quatre mois en 2020, mais le coronavirus a imposé un arrêt depuis mars. Ça signifie qu’ils resteront 14 mois sans match sur les deux ans.

Donc, la pandémie a fortement affecté les joueurs. Mais je dirais qu’elle présente des avantages au plan financier, pour nous dirigeants. Le club respire maintenant grâce à la réduction de certaines dispenses liées au train de vie de l’équipe. Celles-ci, qui nous coûtaient un millions de francs CFA par semaine, sont évaluées maintenant à cinq cents mille francs CFA.  Nous économisions avec la pandémie parce qu’il n’y a plus de primes de match, ni de frais de match ou frais de déplacement. Je peux dire qu’avec la Covid-19, le club économise au minimum 500 000 F CFA la semaine, soit 2 000 000 le mois, pour le train de vie de l’équipe. La pandémie me permet de respirer financièrement, mais ça ne profite pas aux joueurs et aux entraineurs. Ces derniers ont besoin d’exercer leur activité qu’est le football. 

OUMAR BAYO BA

 

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