Quelle bonification pour les personnes âgées au Sénégal ?

Depuis la pandémie de covid 19, les personnes âgées sont devenues constamment de grands anxieux ; ils vivent une inquiétude et des douleurs inexprimables. Partout dans le monde, cette situation est aggravée souvent par une solitude due à une nucléarisation des familles et une perte considérable de revenus.
Les principes internationaux des régimes et système de sécurité sociale n’ont pas pu s’adapter très vite pour répondre aux préoccupations des personnes âgées. En 2020, 9,3% de la population mondiale est âgée de plus de 65 ans selon l’INSEE. En 2019, le Sénégal compte 894899 personnes âgées soit 5,5% de la population totale. Beaucoup d’efforts sont notés au Sénégal pour améliorer les conditions de vie de cette tranche de population. Nous pouvons citer le plan SESAME qui instaure la gratuité des soins pour les personnes âgées dans les centres de santé et hôpitaux institué par le décret 2008/381 du 07 avril 2008 ; en 2013 la Couverture Maladie Universelle (CMU) offre la possibilité aux personnes les plus démunies de bénéficier d’une couverture du risque maladie ; les bourses familiales gérées par la Délégation à la Protection Sociale et à la Solidarité Nationale (DPSSN) permettant aux plus démunis de recevoir trimestriellement 25000FCFA pour acheter les vivres essentiels.
Sur ces 5,5%, seuls moins de 30% sont dans le fichier de l’Institution de Prévoyance Retraite du Sénégal (IPRES) et du Fonds National de Retraite (FNR). C’est à ce niveau que nous pouvons constater les limites des politiques sociales et les normes fondamentales.
La communauté internationale a pris conscience de cette situation et propose aux Etats de formuler des stratégies pour compléter la protection sociale. Dans la Revue internationale de sécurité sociale, les experts David Dror et Christian Jacquier ont apporté la précision suivante : « les pauvres n’ont pas accès à des biens et des services en raison des ressources matérielles inégales, alors que les exclus souffrent d’une participation inappropriée ou inégale à la vie sociale, ou de l’incapacité d’accéder à une place au sein de la société de consommation, souvent liée au rôle social de l’emploi ou du travail »
Après une analyse profonde et comparée des systèmes de protection sociale, je me permets d’orienter ma réflexion sur les droits humains et les personnes âgées en formulant des propositions réalisables pour une meilleure prise en charge de cette catégorie d’individus. Il s’agit au préalable de bien comprendre le vieillissement dans nos pays sous-développés, Nicole Delpéré dans son ouvrage « la protection des droits des personnes âgées » disait : « le vieillissement peut se présenter comme une désorganisation progressive de l’être, se manifestant à la fois comme une pathologie de la volonté et de l’exercice et comme une pathologie de la communication. »
Ma proposition est fondée sur la volonté d’organiser une politique sociale inclusive qui élargit au maximum la couverture des plus vulnérables. Incorporer dans une stratégie de protection sociale les exclus et particulièrement les personnes âgées en leur accordant un avantage pécuniaire mensuel qu’on pourrait appeler « Bonus Solidarité » ; 50000FCFA par mois pour chaque personne âgée de 65ans et plus. Nous n’ignorons pas la prise en charge du secteur informel surtout la recommandation n°67 selon laquelle les régimes de de sécurité du revenu devraient soulager la pauvreté et empêcher la misère en rétablissant, dans une mesure raisonnable, le revenu perdu pour cause de décès du principal soutien de famille, la convention n°69 et la convention n°102. La particularité du « Bonus Solidarité » que j’ai proposé va au-delà du concept traditionnel de sécurité sociale et se confond aux principes fondamentaux des droits humains.
Comment financer le « Bonus Solidarité » ?
Il s’agit tout simplement de prendre un décret d’application de la loi de répartition des recettes pétrolières et gazières pour préciser que 2% des recettes provenant de l’exploitation des hydrocarbures affecté au budget de l’Etat servent à alimenter le fonds du « Bonus Solidarité ». Je rappelle que sur les 700 milliards prévus, 90% sont affectés au budget de l’Etat, montant révisé en fonction du déficit budgétaire. Cette proposition et sa stratégie de financement est réaliste, économiquement soutenable et faisable, socialement acceptable et politiquement compréhensible et cohérente.
Alpha YOUM
Spécialiste de Gestion publique et Droit social